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La statue de la Vierge de Veyreau

Cette statue s’élève contre le mur du cimetière du village, côté place publique, bien visible lorsqu’on emprunte la route départementale en direction de Meyrueis. Une plaque en marbre rappelle le don de la famille Ladet et l’emplacement qui fut donné par M. Sauveplane . Elle fut bénie le 8 octobre 1871.

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Sur le plan religieux, depuis  longtemps une certaine rivalité existait entre les habitants de Veyreau et ceux de sa paroisse voisine : Saint-André-de-Vézines. Ceci nous est confirmé par un article paru le 28 mai 1880 dans la Revue religieuse du diocèse de Rodez : « Deux paroisses, celles de Saint-André et de Veyreau, se divisent la partie aveyronnaise du plateau, et vivent en parfaite harmonie, comme deux bonnes sœurs, sans exclure toutefois un peu d’amour-propre et une certaine rivalité qu’on ne saurait blâmer puisqu’elle est toute pour le bien. Chacune est jalouse de son église, et ne veut céder en rien à sa voisine pour ce qui est de la richesse et de la beauté du lieu saint. Depuis peu de temps, Saint-André a pu se procurer trois belles cloches et pousser des flots d’harmonie jusque dans le village de Veyreau. Dès lors, tous les habitants de cette paroisse ont regardé comme un point d’honneur, le devoir d’égaler, sinon de surpasser la paroisse de Saint-André. Mais où loger de nouvelles cloches, puisque le clocher ancien est tout à fait insuffisant ? Le moyen est très simple et bientôt trouvé, c’est de bâtir un nouveau clocher, plus digne de la paroisse. »

Dix ans auparavant, c’était la statue de la Vierge qui occupait les esprits, surtout suite à une retraite qui eut lieu à Saint-André-de-Vézines, le 28 septembre 1869, premier dimanche de l’Avent, retraite qui durera trois semaines et où il fut décidé de faire l’acquisition d’une statue de la Vierge immaculée et de la placer sur un piédestal dans un patus du côté de la mare publique.

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L’élévation de cette statue n’étant pas tombée dans l’oreille d’un sourd, le village de Veyreau, qui avait eu le même beau projet, depuis de nombreuses années, décida de passer à la vitesse supérieure.

Déjà en 1863, Maurice Ladet, du hameau de Luc (commune de Veyreau), frère coadjuteur dans la compagnie de Jésus (Jésuites) avait conçu le projet d’acheter une belle statue de la Sainte Vierge pour décorer la place de Veyreau ; il en avait parlé au curé de la paroisse, mais les circonstances ne lui avaient pas permis d’exécuter son dessein. Mais devant le projet de la paroisse voisine d’ériger une vierge sur la place publique, dès la fin de l’automne 1869, le frère jésuite de Veyreau, s’empressa de chercher une statue digne du village.

La statue de la Vierge (30 novembre 2007) – DR

Une course contre la montre pour une statue

Tandis que la paroisse de Saint-André continuait de collecter des fonds pour financer la statue, Maurice Ladet dut faire un voyage à Montpellier ; il vit dans les magasins de M. Servel une statue colossale, en fonte, représentant la vierge immaculée, la médaille miraculeuse, telle qu’il l’avait toujours désirée, il l’acheta aussitôt, et immédiatement il écrivit au curé de la paroisse Casimir Fages pour l’en informer, pressant en même temps les membres de sa famille d’aller au plus tôt prendre la statue, mais c’était sans compter sur les conditions climatiques de l’hiver 1870. Le mauvais temps retarda le voyage, mais enfin en février 1870, arriva au village de Veyreau, la belle dame qui avait fait le voyage depuis Montpellier. Le livre de Paroisse nous rappelle l’évènement : « Ce ne fut que dans le mois de février 1870 qu’arriva l’image colossale de Marie. Elle fut reçue avec la plus vive allégresse par tous les habitants du village de Veyreau et des hameaux voisins, accourus aussitôt, avertis par le son des cloches annonçant l’arrivée de celle qui doit désormais être leur patronne. La statue fut aussitôt transportée à l’église, où tout le monde put la contempler. Elle est là encore, attendant le piédestal qui doit la recevoir sur place. Le curé s’en occupait activement, il faisait commencer les travaux, voulant ériger en l’honneur de Marie un monument aussi digne d’elle que possible ; il pensait déjà au beau jour de sa bénédiction, il voulait en faire une fête solennelle. Dieu lui refuse ce bonheur ! Il espère cependant que Marie aura pour agréables ses désirs, et il la conjure de protéger la paroisse qu’il quitte, celle où la providence l’appelle, et le pauvre et désolé pasteur ». La paroisse de Saint-André n’avait pas encore commandé la statue qui devrait trôner sur sa place, mais elle avait réuni les fonds nécessaires. Veyreau avait pris de l’avance, mais la Vierge donnée par Maurice Ladet n’avait pas encore de piédestal.

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Pendant ce temps, la paroisse de Saint-André avait choisi sa statue, une vierge immaculée en fonte également, venue de Rome, mais des évènements douloureux allaient troubler le bon déroulement des choses. En juillet 1870, la France est engagée dans une guerre contre la Prusse. Quarante jeunes veyralencs allaient être mobilisés.

L’hiver 1870-1871 acheva de contrarier l’installation des statues pour les deux paroisses.

En effet, cet hiver-là fut très rigoureux ; la neige tomba en abondance dans la nuit de  Noël, et elle couvrit tout le causse jusqu’au 4 février. Le fourrage était venu à manquer pour les troupeaux, son prix avait grimpé du fait de sa rareté. Du côté de la guerre, sur le front de l’est, les batailles font rage, les troupes mal préparées notamment face à ce froid exceptionnel, perdirent de précieuses batailles et durent capituler le 28 janvier 1871. Le bilan nous est donné par le Livre de Paroisse : « La commune de Veyreau compta près de quarante de ses enfants sous les drapeaux, soldats, mobiles ou mobilisés ; elle eut à déplorer la mort de sept de ces bons jeunes gens. » Saint-André de Vézines compta deux morts : Delort Zéphirin-Dieudonné, garde mobile et Baraille François Justin, soldat. (Messager de Millau du 19 juin 1897).

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L’hiver et la guerre passés, face aux désastres, l’image de la Vierge eut le don de rapprocher les Veyralencs.

On se mit en tête de terminer rapidement le piédestal, et comme nous le rappelle le Livre de Paroisse : « Le piédestal de la statue de la Vierge était travaillé en partie le 7 mai 1871. Il fut dressé vers la fin du mois, et la bénédiction ne fut faite que le 8 octobre de la même année. Le plan du monument avait été donné par le Frère Maurice Ladet ; le curé n’a jamais approuvé les deux colonnes supportant les lanternes et il a toujours eu l’intention de les remplacer. Son intention serait de mettre sur les quatre angles du monument quatre petits piliers avec chapiteaux surmontés d’une boule ou d’une urne, et unis par une grille en fer. » . Sur chaque face du piédestal, on peut lire plusieurs messages concernant les donateurs, mais aussi ces douces paroles : « Ô Marie, conçue sans pêché, priez pour nous qui avons recours à vous ». La bénédiction de la Statue de la Vierge à Saint-André allait la suivre de peu, le 21 octobre, on remarquera que sur les deux statues, la Vierge écrase de son pied, la tête du serpent traditionnel.

Restaurations

Avec le concours de M. Noyrigat de Millau et de M. l’abbé Séverac, la statue de la Vierge et le calvaire de la place et du chemin neuf ont été repeints en août 1951 (financés en partie par un feu de camp offert par les enfants et les jeunes filles où une collecte avait été faite).

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Durant le mois d’août 1999, aidée de quelques villageois, la statue de la Vierge fut repeinte à l’initiative de Jacinthe Aigouy, tandis que celle de Saint-André fut repeinte en octobre de la même année par mon oncle Joseph Parguel. Le 20 novembre 2018, la statue de Veyreau fut enlevée de son piédestal, dans le cadre de la rénovation de la place et fut repeinte à nouveau. Celle de Saint-André fidèle dans la longévité a suivi le même chemin et a eu droit à un nouveau coup de pinceau protecteur.

Marc Parguel

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