Causses et vallées
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Au Puech de Bafat (commune de Veyreau, Causse Noir)

Rendons-nous cette semaine au Puech de Bafat à 898 mètres d’altitude, situé à 1,2 km de Veyreau. Pour y aller, il faudra prendre une fois rentré dans le village, la direction sud-est sur le chemin du Moulin à vent. Au bout d’un kilomètre, sur la gauche de la route, on pourra admirer  une construction originale : un mur clapàs.

Le clapàs, c’est cet amoncellement de pierre que l’on trouve en bordure de champ, cet éclat de roche qui provient de l’épierrement de la terre. En certains endroits du Causse, ces clapàs peuvent être gigantesques et forment des chemins de pierres ou des murs clapàs qui dominent le paysage, tel celui que l’on trouve au Puech de Bafat ou Baffat qui nous intéresse aujourd’hui, cher à Pierre Solassol (Peire de Veirau) et qui mesure 31 mètres de longueur pour 2m50 à 3m de large. Au milieu de ce mur, composée de pierres monolithiques, on y trouve une cazelle d’une profondeur de 1m40, utilisée par les bergers, les chasseurs, les randonneurs. A son extrémité sur la droite, une petite croix de fonte moulée a été placée en 1996 sur un socle de pierre taillée trapézoïdale.

L’occasion pour Peire de Veirau de nous livrer ces quelques vers : Clapàs mai que long, la caselà si rescond, a sa poncha una crotz, très long « clapàs, la « caselle » s’y blottit, a son extrémité une croix. Ce long mur clapàs bâti avec des blocs quasi cyclopéens est l’œuvre des paysans locaux. Quant à la cazelle, elle fut construite sans doute par un berger, ou une personne cultivant la terre, pour servir d’abri temporaire, au temps où la pelle mécanique n’existait pas.

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Un article intitulé tout simplement « Murailles » paru dans l’Auvergnat de Paris sous la plume de Jean Roux, nous donne des précisions, sur ces murs en longueur : « Ce sont les témoins du passé, toutes ces vieilles murailles bordant nos champs et nos chemins. A notre époque, les notions temps et travail ont trop évolué pour qu’on puisse se livrer à ces œuvres de longue haleine : on n’entretient plus guère, sauf par contrainte, tels les murs de soutènement sur voies publiques. Les piquets et fils de fer barbelés ont détrôné les pierres. Pour moi, ces antiques murailles ont plusieurs expressions. Elles sont le résultat de travaux dont la durée se perd dans la nuit des temps. C’est, en effet, l’action de défrichage, plus que le besoin de bornage, qui a constitué peu à peu, ces vieux et larges murs mitoyens de pair avec les tas de pierres provenant souvent de l’épierrement voisin, qui se trouvent dans un coin. La préhistoire nous apprend que c’est l’homme néolithique qui aurait, le premier, travaillé la terre après domestication de certains animaux, ceci remontant à dix mille années au moins avant notre ère. Dans les terrains cultivés à pente accentuée, les murs initiaux furent peu à peu, sous l’effet des labours, recouverts en amont et excavés en aval, constituant ainsi un tertre dit « terme » en patois. Aussi une antique expression, tirée de la sagesse populaire, se dit en parlant d’un homme très âgé : « il est vieux comme un terme. » (L’Auvergnat de Paris, 1er février 1947).

André Fages dans son ouvrage « Caselles et Pierre sèches » évoque la commune de Veyreau « qui compte deux cazelles : l’une sur le Puech de Baffa, composée de pierre monolithiques. Une autre bien en ruine adossée à un clapàs impressionnant, bâti avec des blocs quasi cyclopéens ; dire qu’elle est ancienne ? La propriétaire en est l’amie Monique S. » (Los Adralhans, 2000)

L’abri au milieu du long mur-clapàs (DR)

Le clapàs a laissé son nom à de nombreux lieux : Montpellier le Vieux ne s’appelait-il pas « le Clapàs vieil » ? Il est question du Clapàs Mauron simple amas de pierres entre Soulobres et Saint Germain, ou du Clapàs de Betpaumes, vestige d’un mas disparu, entre Betpaumes et le Sonnac. Certains clapàs sont énigmatiques tels ceux qui s’apparentent à des cap-barrés.

Le clapàs appelé aussi Clapier en Provence à son utilité. Pour le randonneur, en format réduit, il sert de point de repère, c’est lui qui indique la direction et comme disait Marcel Chinonis fondateur de l’association Clapàs « chacun amène sa petite pierre à l’édifice ». Pour le berger, le clapàs peut se transformer en cazelle comme nous le rappellerait Edouard Mouly : « L’énormité des clapis laisse supposer que la vigne, chez nous, fut cultivée dans des temps très anciens. Pour nos ancêtres, les premières constructions édifiées dans les vignes furent les cazelles. Elles n’exigeaient qu’un seul matériau : la pierre. Elle abondait. Mais la cazelle répondait au simple besoin de s’abriter soit du soleil, soit surtout de la pluie. Elle permettait au travailleur de prendre son repas tranquillement. On pouvait y faire du feu, quitte à s’enfumer. Mais ce n’était qu’un abri précaire, pas fermé, où l’on ne pouvait laisser rien à demeure ». (Mylou du Pays Maigre, L’Oustalou, 1942, extrait d’Alades).

Et dans les ruines de ces cazelles aujourd’hui retournées à leurs clapàs d’origine, on retrouve parfois des poteries vertes de Saint Jean de Fos, où parfois des trésors comme nous le relate cet article de 1877 : « 20 avril. Dernièrement un berger a fait dans nos environs une opulente trouvaille. En gardant son troupeau sur le terrain dit des Batailles (Sainte Enimie), il vit un oiseau qui se retirait dans un clapier. Désireux de capter ce volatile ou d’en découvrir la nichée, il s’approcha du tas de pierres et se mit à le fouiller avec précaution. A une certaine profondeur sa main toucha un objet sombre et pesant, qu’il s’empressa de retirer. C’était une clochette du genre de celles que nos anciens pendaient au cou de leurs bestiaux. Elle était pleine de quadruples en or et d’écus de six francs. L’heureux berger a dû être satisfait de sa journée. »(Revue religieuse du diocèse de Rodez, 4 mai 1877).

Marc Parguel

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