Causses et vallées

Notre-Dame des Champs (commune de Mostuéjouls, vallée du Tarn)

Au bord du Tarn, sur la rive droite, isolée de la vallée, on aperçoit à l’ombre des cyprès l’ancienne église dédiée à Saint-Pierre (de Mostuéjouls : nom composé du préfixe MOSTUE d’origine demeurée inconnue et de IALO qui en Celte signifie la « clairière » (DAUZAT).

Pour d’autres le nom vient de « mont junius » en raison de la montagne en forme de pain de sucre qui domine le village, ou encore de « moustié – joli ». L’église de Saint- Pierre fut renommée en Notre-Dame des Champs par l’abbé Fuzier, en 1897. Elle fut paroissiale de 1082 à 1774.

Automne 1993.

Construite au milieu du cimetière, cette charmante église est surmontée d’une belle abside romane et sa bâtière à quatre ouvertures n’abrite qu’une seule cloche. Nicole Andrieu la définit comme suit : « L’architecture intérieure est très proche des autres églises romanes de la vallée : piliers circulaires, voûtes latérales perpendiculaires à la voûte centrale. A l’extérieur : contreforts à arcades et clocher-peigne, assez rare dans le Sud-Aveyron » (Eglises romanes en Sud-Aveyron, 1979). Classée par les beaux-arts, elle est d’un style romano-Byzantin de transition et sans contredit la plus belle des églises romanes du canton de Peyreleau.

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Signalée pour la première fois en 1082 dans l’acte de donation (cartulaire 835) de Pons Etienne, évêque de Rodez, à l’abbaye Saint-Victor de Marseille, Saint-Pierre de Mostuéjouls était à la fois prieuré et église paroissiale. En 1256, l’évêque Vivian de Rodez consent à l’union de ce prieuré avec celui de La Canourgue (qui dépendait depuis 1060 de Saint-Victor de Marseille) pour que le monastère lozérien puisse être fourni en vin par celui de Mostuéjouls. Le pire fléau de cette église était sans nul doute la rivière toute proche du Tarn, aussi le besoin se fit sentir de renforcer les murs, mais également d’élever le sol.

A la fin du XIIe siècle, les moines bâtirent de gros contreforts rectangulaires sur les murs extérieurs. En 1495, Mgr Bertrand de Polignac recommande expressément d’élever le sol de la nef. Mais les retouches ou reprises les plus importantes furent effectuées au XVIe et XVIIe siècle (Sauvegarde du Rouergue, 1994). Elle fut visitée par François d’Estaing, évêque de Rodez, le 1er juin 1524. Ce dernier autorise diverses réparations et la reconstruction de la chapelle Notre-Dame : c’est alors que disparaissent les absidioles primitives remplacées par les deux chapelles gothiques. Cette création conduit à bouleverser l’ordonnancement des arcatures du chœur, des arcs brisés ouvrant désormais les chapelles sur le sanctuaire. Très facilement accessible, elle eut beaucoup à souffrir des guerres civiles du XVIe siècle. Une reconstruction s’imposait.

« Les réparations sont baillées à Fages et à Genieys, massons, derniers surdisants, ils devront remettre une partie du cieu de lad.église qui s’est désarcvoltée, remettre les trois autels dégradés en la forme d’état qu’ils étaient auparavant, remettre les petits piliers comme étaient ci-devant, faire une grande pierre pour tenir l’eau bénite, comme aussi une pyse pour servir de font baptismale, de la grandeur de celle qui y était auparavant, blanchir la nef de ladite église comme anciennement, ensemble le clocher, tirer la pierre à bâtir, la pierre de taille, et la tailler à leurs dépens. Led.sieur prieur, ouvriers et consuls seront tenus de payer auxd.Fages et Genieys, la somme de 100 livres, savoir : le prieur 35 livres, le recteur 15 livres et lesd.ouvriers et consuls 50 livres. Lesd. habitants seront tenus d’apporter la pierre à chaux, sable, bois requis auprès de lad. Eglise, et y faire toute manœuvre…Il sera permis aux habitants de prendre un noyer ou deux du cimetière, s’il est besoin, pour faire un four à chaux pour lad.réparation » (Aigouy, 1er juin 1609).

Eglise et cimetière.

En 1738, l’église a besoin de fortes réparations, et n’est plus de ce fait fréquentée par les fidèles. Les murailles et les arceaux des deux chapelles latérales menacent ruine et le toit fait eau de toute part. Ces réparations furent terminées en 1742.

En 1744, elle cesse d’être église paroissiale au profit de l’église du château de Mostuéjouls.
La Révolution n’aidant en rien à sa conservation elle fut désaffectée et servit de remise agricole.

Notre-Dame des champs en 1900.

L’église de Saint Pierre de Mostuéjouls fut restaurée en 1896-1897 par l’abbé Fuzier, juste à temps d’ailleurs pour la préserver de la ruine. C’est d’ailleurs à partir de ce moment qu’elle prendra le nouveau nom de « Notre Dame des Champs » en raison de l’isolement de la chapelle en pleine campagne et au culte marial qui marque le fin du XIXe siècle. Sa bénédiction eut lieu le 29 juin 1897 comme nous le rappelle la Revue Religieuse de Rodez :

Cette antique église a trois nefs, où tout culte public avait cessé depuis 1775, sera bénite solennellement le 29 juin ; la cérémonie commencera vers 8 heures du matin. Dans cette église la Très Sainte Vierge Marie sera spécialement invoquée comme protectrice de l’agriculture. On lui confiera la garde des champs de nos causses et des riches vignobles de la vallée du Tarn. Les habitants des causses de Sévérac, du Causse Méjean et du Causse Noir se joindront aux vignerons de la vallée pour escorter, ce jour-là, Notre Dame des Champs, qui prendra possession de son nouveau sanctuaire. (Bénédiction de l’église du cimetière à Mostuéjouls, 25 juin 1897).

Vitrail de Notre-Dame des champs.

Traditionnellement, une messe est dite pour obtenir un temps favorable aux récoltes. Voici quelques passages extraits de la revue religieuse de Rodez relatant la nouvelle vie de l’Eglise.

Une fête en l’honneur de Notre dame des champs à Mostuéjouls. Mostuéjouls à l’avantage de posséder une confrérie de N.D. des champs, dans l’église du cimetière, affiliée à l’archiconfrérie de la Cathédrale de Séez. Or, la fête annuelle de Notre Dame des Champs se célébrait à Séez le jour de Pentecôte, à la fin de ce beau mois de mai, si propice à rendre un solennel hommage à celle qui s’est si bien nommée la Fleur des Champs. La paroisse de Mostuéjouls a voulu avoir sa fête de la Reine des Champs, comme l’église cathédrale de Séez.

C’est le lundi de Pentecôte qui a été choisi pour décerner de solennels hommages à celle, qui se plait à répartir à nos champs le rayon fécondant et la salutaire rosée. Les enfants de Marie d’Aguessac et la communauté des capucins de Millau sont venus unir leurs pieux accents aux prières des habitants du lieu, afin de fêter plus solennellement la patronne de l’agriculture. Les chants de la grand-messe ont été exécutés par la chorale de l’école Séraphique, avec une rare distinction. A l’évangile, le R.P. Custode a commenté ces paroles de nos Saints Livres : Je suis la fleur des champs et le Lys de la vallée. Ses paroles écoutées avec une sainte avidité ont profondément ému les cœurs. Ensuite on a récité le Rosaire pour demander à Notre-Dame des Champs une température favorable à nos récoltes, et un soleil moins avare de ses rayons. Nos supplications semblent devoir être exaucées. Dans l’après-midi le chemin de Croix a été fait processionnellement au Calvaire érigé sur le chemin conduisant de l’église du cimetière à celle de la paroisse ; les vêpres ont été chantées solennellement à l’église paroissiale.

Avant la bénédiction du saint Sacrement, M. le vicaire d’Aguessac est monté à sa chaire et nous a parlé avec un rare à propos des rapports intimes qui existaient entre N.D. des champs et la divine eucharistie. Celle qui féconde nos terres et multiplie les épis et les grappes de nos champs et de nos vignes est la même qui nous a donné le Froment des élus et le vin qui fait germer les vierges. Ainsi s’est terminée cette belle journée toute consacrée à la Reine des Champs. Les habitants de Liaucous ont voulu aussi leur part aux bénédictions de la Patronne des agriculteurs. Ils se sont rendus en procession dans l’église où elle est honorée et lui ont confié la garde de leurs âmes et spécialement de l’âme des enfants qui avaient fait leur première communion le jour même de Pentecôte ; ils l’ont encore priée de leur distribuer les rayons fécondants du soleil printanier et de leur donner une abondante récolte. De si nombreuses et si ferventes supplications nous auront concilié les faveurs de notre céleste protectrice, un témoin. (Revue religieuse du diocèse de Rodez, 3 juin 1898)

Christ dans l’église de Notre-dame des Champs.

29 juin 1898 : Une bénédiction de cloche à Mostuéjouls. Il manquait une cloche au sanctuaire de N.D.des champs de Mostuéjouls, restauré depuis un an. Au jour anniversaire de l’inauguration de cette antique église, a eu lieu la bénédiction d’une belle cloche au son argentin, destinée à convoquer les fidèles au pied des autels de la Reine des Champs, protectrice des terres de nos causses et des vignes de nos riches vallons.

Nombreux étaient les fidèles des paroisses limitrophes accourus à cette cérémonie religieuse : les Lozériens eux-mêmes étaient arrivés en petites caravanes de plusieurs paroisses environnantes. Une dizaine d’ecclésiastiques, parmi lesquels deux prêtres originaires de Mostuéjouls, étaient venus donner un témoignage de sympathie à cette œuvre religieuse et agricole. M. le curé de Peyreleau a prononcé une allocution de circonstance sur les cloches dont la voie aérienne nous invite à nous réjouir où à pleurer dans toutes les grandes circonstances de la vie humaine, depuis la naissance jusqu’à la mort. Il a félicité les fidèles du concours dévoué qu’ils ont prêté aux deux derniers pasteurs de Mostuéjouls ; dont l’un répara naguère l’extérieur, et l’autre a réparé avec une élégance et un goût parfait à l’intérieur de cette vieille église romane ogivale, qui possède huit autels, tous bien décorés.

Ensuite a eu lieu la bénédiction de la cloche. Quand le célébrant, le parrain et la marraine ont frappé l’airain béni, par trois coups de battant, tout le monde a été ravi du son pur et harmonieux qu’il en est sorti. Comme cette voix argentine, répercutée par les échos du vallon, va résonner délicieusement sur les rives enchanteresses du Tarn ! Cette cloche sort des ateliers de M. Pourcat- Plainecassagne, fondeur à Villefranche. Une messe solennelle et les vêpres de la Sainte Vierge ont été le couronnement de cette belle fête. Que cette cloche baptisée Notre Dame des Champs, daigne éloigner de nos vignes et de nos moissons, les orages, la grêle, la gelée et les insectes dévastateurs. Un témoin. (Revue religieuse du diocèse de Rodez, 15 juillet 1898).

Dans le quotidien parisien « L’Univers » du 4 octobre 1900, le curé de Mostuéjouls lance un appel à la générosité des croyants afin qu’ils participent à effacer les dégâts produits par une crue du Tarn.

« Une église inondée. M. l’abbé Fuzier, curé de Mostuéjouls (Aveyron), nous envoie ce pressant appel, auquel nous nous empressons de faire écho : Samedi 29 septembre, le Tarn a subi la plus forte crue du siècle : l’eau s’est élevée deux mètres plus haut qu’en 1875. Des maisons, ponts et moulins ont été emportés.
L’église Notre-Dame des champs de Mostuéjouls, sise sur les bords du Tarn, a été envahie par les eaux : ses huit autels ont été ou complètement ou à moitié renversés ainsi que leurs statues et ornementations : tout le mobilier de la sacristie est à renouveler. Cette antique église avait été restaurée en 1896, pour être le monument commémoratif du XIVe centenaire du baptême de Clovis et pour perpétuer le souvenir des prédilections de la Reine des cieux à l’égard de la France, qu’elle a sauvée de toutes les crises mortelles qu’elle a subies depuis le baptistère de Reims jusqu’à nos jours.

Les habitants du lieu ont été gravement éprouvés par l’inondation et le pasteur de la paroisse est dans la triste nécessité de faire appel à tous les vrais catholiques et Français pour réparer ces dégradations. La moindre obole sera reçue avec la plus vive reconnaissance. Ceux qui lui adresseront un mandat de 5 francs recevront en retour une intéressante brochure intitulée « Les Prédilections de la Reine des cieux pour la France, ses grandes apparitions et les Madones les plus vénérées ». Ceux qui lui enverront la somme de 20 francs recevront à bref délai un ouvrage en deux volumes, qui est sous presse : « l’Action de grâces quotidienne et le Mois de Marie quotidien ou Prières après la sainte communion et Louanges à Marie pour tous les jours de l’année .
Adresser les offrandes à M.Fuzier, curé de Mostuéjouls, Aveyron »

Christ dans l’église de Notre-dame des Champs.

En 1930, l’église fut classée monument historique (arrêté du 22 septembre). Elle fait l’objet de travaux en 1952 pour reconstruire en partie, la façade occidentale fortement déversée. Le Tarn fut à de nombreuses reprises responsable des détériorations de l’édifice. Parmi les derniers épisodes de crues, notons l’année 1965, où 1 mètre 50 d’eau recouvrait le sol de l’église. Il faudra attendre 1988, pour qu’une restauration soignée soit entreprise par l’association « des Musiques et des jours ».

Celle-ci avec l’appui des bâtiments de France se lança dans la restauration extérieure du monument. De 1992 à 1993, les toitures sont entièrement refaites, avant que ne soient entrepris les travaux intérieurs : assainissement, sauvetage des vitraux, début de traitement des parements intérieurs : assainissement, sauvetage des vitraux, début de traitement des parements intérieurs, éclaires. Les principaux travaux ont été conduits par D. Larpin, architecte des monuments historiques. Plus récemment, ce sont les vitraux de l’église qui ont bénéficié d’une restauration.

Marc Parguel

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