Causses et vallées

Fer à cheval et fortune

Il y a quelque vingt-cinq ans, alors que je parcourais le Causse, je tombais sur un objet qui au bord du chemin attira mon attention. C’était une trouvaille bien modeste, un fer à cheval complètement envahi par la rouille. Si j’en crois la tradition, le fait d’en trouver un par terre serait de bon augure, il apporterait argent et chance (bonne fortune). Mais pour qu’il soit vraiment bénéfique, il faudrait selon la coutume que ses extrémités soient tournées vers celui qui le découvre et sur ce point-là, j’avoue que ma mémoire fait défaut.

Jacques Bruyère nous éclaire sur le sujet : « D’où vient cette croyance ? De très loin. De l’époque où les fers à cheval n’étaient que des sortes de semelles, pas toujours solidement fixés au sabot des montures. Fréquemment, certains se détachaient. Des seigneurs, disent les textes anciens, pour étaler leur richesse, les faisaient fabriquer en argent et même en or pour les plus ostentatoires. Le bon peuple se pressait sur leur passage, au cas où leur monture se déchausserait…Cela pouvait rapporter gros. » (Nature et Patrimoine, Midi Libre, 9 septembre 2012).

Mais le plus souvent, le fer à cheval était en fer. Lorsqu’il était retrouvé, il était revendu au forgeron et permettait ainsi d’en récolter quelques pièces sonnantes et trébuchantes. Les fers à cheval du fait du martelage à froid qu’ils subissent étaient refondus pour divers usages.

Les seigneurs de Montméjean (commune de Saint André de Vézines) n’étaient certainement pas assez fortunés pour chausser les sabots de leurs chevaux en argent, mais comme signe de puissance, il payait annuellement pour leur domaine de Brunas, aux vicomtes de Creissels dont il dépendait, six setiers froment, six setiers avoine, 2 perdrix, 12 deniers, et 1 fer à cheval (Gayraud, notaire Millau, 1401).

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Saint Dustan et le Diable.

Peut-être avez-vous remarqué sur la porte d’une bergerie ou d’une maisonnette, des fers à cheval accrochés ou suspendus. Une légende explique cette coutume. Elle met en scène Saint Dunstan, qui avant de devenir archevêque de Canterbury en 959, exerçait le métier de maréchal ferrant.

Un jour, il voit arriver dans son échoppe un curieux personnage qui lui demande de lui ferrer les pieds. Remarquant que ceux-ci sont fourchus, Dunstan comprend immédiatement que son client est le diable. Sans perdre son sang froid, le forgeron, lui explique que, pour opérer, il va être obligé de l’enchaîner au mur.

L’autre accepte. Dunstan, lui fait tellement mal, avec ses fers brûlants, ses clous et ses pinces, que le pauvre diable (pas très malin pour le coup) supplie que l’on arrête. Il demande grâce. Ce à quoi Dunstan répondit : « D’accord, mais à une condition : que tu ne tracasses jamais- ni toi, ni tes confrères – ceux qui cloueront un fer à cheval sur leur porte. Cela les protègera de vos agissements mauvais et infernaux ».

Portail de la Bourgarie.

De ce fait, le fer en tant que métal protège les mauvaises influences et le malheur. Sa forme rappelle le croissant de lune, symbole de fertilité, ou bien la lettre C, initiale du mot Christ.

Comment le placer ? A l’extérieur, les extrémités tournées vers le haut, pour que le bonheur ne tombe pas par terre, il prendra l’aspect d’une coupe apte à recevoir les bienfaits de la corne d’abondance que la providence voudra y déverser. Les extrémités tournées vers le bas, en forme de cloche ou de dôme, d’abri couvert, il jouera à fond son rôle protecteur. Ou bien sur le côté pour former un C (pour Christ).

Le mieux serait encore de suivre l’exemple de ce magnifique portail que l’on voit sur le Causse Méjean à la Bourgarie, et dont les fers à cheval se dirigent dans tous les sens, protection assurée !

Marc Parguel

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