Causses et vallées

L’église de La Roque-Sainte-Marguerite (vallée de la Dourbie)

Dans l’enceinte du château de la Roque Sainte-Marguerite, et à l’abri des remparts apparaît l’église paroissiale. Celle-ci, mentionnée d’abord comme chapelle du château en 1120, fut dédiée à Sainte-Marguerite.

Sainte-Marguerite. © Marc Parguel

Sainte-Marguerite était originaire d’Antioche (IIIe siècle) et fut très populaire au Moyen Âge. Elle fut l’une des voix qui s’adressa à Jeanne d’Arc. Elle ajouta donc son nom à celui du village de La Roque. La petite chapelle romane qui porte son nom dans laquelle le seigneur du château pénétrait par une porte dérobée d’une nef latérale est devenue après la révolution, l’église paroissiale.

D’après Nicole Andrieu : « Elle dépendait autrefois de l’abbaye bénédictine Saint-Amans de Rodez. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, elle a été rattachée au prieuré du Rozier, dans la vallée du Tarn, lui-même dépendance de l’abbaye d’Aniane (Hérault). L’abside centrale, haute et étroite, est encadrée par deux absidioles qui lui sont parallèles, selon une disposition fréquente dès le Xe siècle.

L’absidiole nord, à droite, a été transformée par l’aménagement d’une sacristie. Le plan du chœur, l’absence de décor, l’étroitesse des fenêtres et l’appareil des murs – petits moellons très réguliers confirment que l’église a été construite au XIe siècle. La nef rectangulaire est partagée en trois par des piliers massifs, sans décor, autre preuve d’une construction antérieure au XIIe siècle » (Églises romanes en Sud-Aveyron, p.7 et 8,1979).

Publicité
L’intérieur de l’église. © DR

La paroisse de La Roque-Sainte-Marguerite était trop pauvre pour nourrir deux seigneurs ecclésiastiques, elle n’en eut jamais qu’un : le prieur-curé. En cette double qualité, le curé de La Roque jouissait d’un revenu enviable. Un des derniers : Sicard (1599-1639) afferme son prieuré de la Roque, réservée la dîme des raisins, les prémices des poulets, les censives, les lods et ventes pour 1200 livres. En outre, le fermier payera deux sets Millet (blé noir) et deux cartes lentilles. Un de ses prédécesseurs Jean Guérin nommé prieur-curé de la chapelle Sainte-Marguerite en 1526, fut recteur de Notre-Dame de Millau, de 1545 à 1553, et même prieur de Noalhes Saint-Prix, et pendant ce temps, il faisait régir la cure de La Roque par un suppléant qui était Antoine Fayet en 1569.

Citons encore quelques curés (d’après le Livre de Paroisse de La Roque [Mazeran 1884]) : 1566-1580 : Noble Charles de Thubières, sieur de Verfeuil, qualifié de Pronotaire apostolique ; il ne résidait pas non plus à la Roque ; l’Évêque ayant voulu l’y contraindre sur la plainte des paroissiens, il donna sa démission.

1639-1675 : noble Pierre de Garceval était le fils du seigneur de la Roque. En 1668, il prit pour auxiliaire Pierre Lunet de Saint-Dalmasi, avec le titre de vice-Prieur. Il se retira au château de Recoules, berceau de sa famille. C’est là qu’il mourut en 1675. Il légua 600 livres aux pauvres et 600 livres à l’église de la Roque. « De temps immémoriaux le prieur de La Roque, deux fois par an et le Jeudi-Saint, faisaient à chaque famille don d’un pain blanc et de quelques pièces de monnaie. Cette aumône portait le nom de Droit de refectus ou de réfection. Mais en 1679, les paroissiens renoncèrent à ce droit, à condition que le prieur prendrait à sa charge les réparations à faire au nouveau presbytère que le seigneur de Garceval venait de donner à la paroisse en échange de l’ancien qui était près du château et qui était en ruine. » (F.Hermet, Revue historique du Rouergue, août 1927).

L’église de La Roque-Sainte-Marguerite. ©DR

Attardons-nous un instant sur le curé François Taillefer (1782-1804), natif de Creissels, il fut le dernier curé-prieur de La Roque. À peine nommé, il fait enlever 8 charrettes de gerbes dans une partie du bois de la Salvage cédée à Vézins par le commandeur de Sainte-Eulalie les fait porter et battre dans son aire, Vézins le force à les restituer et à payer 1200 livres et les frais du procès devant le Parlement de Toulouse (20 février 1782, Thibaut).

À la Révolution, il refusa le serment, se cacha quelque temps dans le pays. Il écrivit en concertation avec d’autres curés tels que Jean-Antoine Borniol de Fombonne, prieur des Treilles cette lettre à l’Évêque : « Monseigneur, avec vous, nous gémissons sur l’état de l’église de France, avec vous, nous craignons pour la foi ; mais comme vous, Monseigneur, nous sommes inébranlables dans les principes de cette foi… devant la misère dont on nous menace, la persécution qui s’avance, la mort qui se montre déjà à nous.

Nous disons tous : rien au monde ne pourra nous faire quitter la véritable église de Jésus-Christ ; oui ! vivre dans la misère et l’opprobre, mourir sous les fers, pour soutenir autant qu’il est en nous cette église ébranlée jusqu’à dans ses fondements, voilà, Monseigneur, la devise, la ferme résolution pour J. C. et en Jésus Christ de tous les curés du district de la Roque Sainte Marguerite, qui vous assurent de ne jamais se séparer de vous… de se rappeler qu’ils ont prêté un serment saint et solennel entre vos mains, de ne point en prêter d’autres qui les déshonorerait devant les hommes, justes et religieux, et les rendrait coupables devant le Dieu du ciel et de la terre. » (Lettre de M. Taillefer, curé Doyen de la Roque à l’évêque de Vabres Jean de la Croix de Castries, 26 janvier 1791).

Le 9 mars an IV (1796), il fut arrêté dans l’église Sainte-Marguerite, au moment où il venait de confesser une bonne femme. Il est amené par la force armée à la maison commune de Millau, répond qu’il a résidé à La Roque quinze ans consécutifs et déclare qu’il n’a pas prêté le serment, qu’il n’a jamais provoqué la désobéissance aux lois, qu’il ne s’est jamais associé aux ennemis de la République… il est mis en surveillance dans la maison de son frère à Millau d’où il s’évade. Quand vint la fin de la chasse aux prêtres réfractaires en 1798, il revint et desservit à nouveau la paroisse de la Roque jusqu’en 1804.

© DR

L’église Sainte-Marguerite a été pillée deux fois, la première fois en avril 1441 par les routiers et durant les guerres de religion en 1629. Ces pillages ruinèrent en partie l’édifice. L’église présentait une nef centrale à long berceau ; il y avait jadis des arcs doubleaux dont il ne reste que le départ ; la voute s’étant écroulée au XVIIe siècle, elle fut reconstruite de 1732 à 1735 avec un respect de l’architecture romane tout à fait remarquable pour cette époque. Les bas – côtés sont voûtés de berceaux étroits, réduits à l’époque de la reconstruction de la voûte. Mais la véritable restauration de cette église ne remonte pas à plus de soixante-dix ans.

En effet, il aura fallu attendre l’arrivée, en 1944, au presbytère de la Roque de M. l’abbé Massol jeune prêtre dynamique et entreprenant, pour que l’église reprenne son aspect primitif et redevienne la vieille chapelle du plus pur style roman que nous connaissons dans notre région. Ceci débuta en 1946, lorsque le jeune curé de la paroisse découvrait derrière le quelconque autel de bois, l’authentique pierre d’autel en « fréjal » pierre du pays.

Désireux de rendre au culte, cette vénérable table, que soutenait au XIe siècle des chapiteaux faits de stalactites, et qui servent aujourd’hui à soutenir les fonts baptismaux, l’abbé Massol découvrait sous le plâtre du chœur, une admirable muraille de pierre de taille. Cette seconde découverte constitua le départ d’une reconstitution de la chapelle. Il y avait beaucoup à faire et il faut dire que ce projet général ne fut pas toujours compris ni aidé. Peu à peu, voyant la grandeur de l’œuvre entreprise pour rendre à l’église son visage seigneurial, M. l’abbé Massol qui ne ménagea ni sa peine, ni son temps, put compter sur beaucoup de bonnes volontés. Et ces hommes en plus de leur travail quotidien, dégagèrent les murs de cet affreux plâtras qui les recouvrait, effaçant ainsi les marques trop visibles d’un sacrilège artistique commis au cours des siècles.

Ainsi furent dégagées et rebâties les petites fenêtres du chœur, restaurés les piliers centraux dans l’un duquel on avait encastré une chaire. Enlevée aussi cette tribune alourdissant tout un côté, comme la grille de fonte coulée devant l’autel. Un retable de pierre, dessiné par le R. P. Odilon de l’abbaye d’Encalcat prit ensuite la place de cette grille, tandis que l’ensemble des murs intérieurs était mis à nu. Un article paru dans Midi Libre (1er avril 1952) nous fait une description de l’ensemble : « Si vous passez par la Roque, n’oubliez pas pourtant de monter vers le château : la beauté de la chapelle vous récompensera de l’escalade de la “calade” de pierres usées. Oubliez les fagots et les planches qui traînent sous le porche et dans la cour de l’ex-demeure seigneuriale avant de pénétrer dans le sanctuaire dédié à Sainte-Marguerite.

Vous serez saisi, dès le porche passé, de la nudité presque monacale du lieu, mais vous aimerez en admirant les lignes absolues de sa pure architecture romane, ses piliers éclairés par le rayon de lumière filtrée par de petits vitraux, sa statue de la “Vierge à l’enfant” de bois doré du 18e siècle, ou l’originalité de ses fonts baptismaux constitués par une grande cuve taillée dans la pierre, supportée par les restes du chapiteau de l’autel primitif. Nous avons eu aussi la joie d’admirer au presbytère, une merveille, un calice frappé au millésime de 1675, en vermeil et or fin, sauvé des pires destructions et que conserve précieusement M. le curé Massol. Grâce à l’entreprise intelligente et courageuse de l’abbé Massol, l’église romane de La Roque Sainte Marguerite s’inscrit aujourd’hui comme un des plus purs joyaux architecturaux de notre si belle région. » (Article signé R. B., l’église de La Roque, une richesse locale, 1er avril 1952).

© Marc Parguel

En 1954, le Journal de Millau nous apprend : « Les Millavois connaissent et ont apprécié à leur juste valeur les magnifiques aménagements effectués dans la vieille église de La Roque-Sainte-Marguerite par son jeune et actif curé, et qui ont dégagé en particulier son appareil de pierre de taille et diverses fenêtres restituant à l’édifice (qui date du XIe siècle) son aspect initial. Mgr Dubois, Évêque de Rodez, a voulu donner à ces travaux son approbation officielle en décidant de consacrer à nouveau l’édifice le 24 avril prochain. Les cérémonies religieuses auxquelles cette consécration donnera lieu attireront très probablement à La Roque de nombreux visiteurs » (samedi 30 janvier 1954).

En huit ans, aidés de leur curé, les paroissiens ont fait une bonne action. L’architecture de l’église la rattache au premier art roman : plan très simple, piliers massifs comme découpés dans le mur, fenêtres très étroites, absence de décor sculpté, appareillage fait de petites pierres éclatées. Les chapiteaux qui soutiennent les fonts baptismaux sont les anciens supports d’une table d’autel romane.

Le samedi 24 avril eurent lieu de grandes fêtes pour le IXe centenaire de l’église avec réception de Mgr l’Évêque par M. le Maire et le Conseil Municipal, Consécration de l’église (les cérémonies furent commentées par le R.P. Gritti.), chemin de Croix, féérie de lumières sur la vieille tour et le château. Procession aux flambeaux.

Marc Parguel

Bouton retour en haut de la page