Causses et vallées

La Jasse de l’Esprit

L’histoire que nous allons raconter se passe au début du XXe siècle. Elle se déroule à la Jasse de l’Esprit. Si cette bergerie d’estive n’est pas mentionnée sur le cadastre de 1840, elle figure sur la carte d’Etat-Major de 1897. Cette bâtisse se situe non loin de la Bresse, sur le Causse Noir.

Une grand-mère assez âgée de Saint-André-de-Vézines, Mme Jonquet qui avait comme escaïs « la Maintantoune » évoquait dans les années 1950 en occitan, ses souvenirs de jeunesse avec d’autres femmes sur la place du village.

Elle se souvenait du temps, où mariée et mère de jeunes enfants, elle partait avec d’autres femmes de Saint-André assez loin du village pour se distraire, à la Jasse de l’Esprit.
Cette expédition se faisait certains après-midis, après avoir discrètement subtilisé une chemise a panel dans le linge de leur mari (grande chemise d’homme qu’ils mettaient autrefois pour se coucher) qu’elles cachaient sous leur chemisier, parcourus plusieurs kilomètres à pied, elles marchaient pendant une heure et demie, traversait le riou sec, pour rejoindre la Jasse.

16 juillet 2019.

Quand elles arrivaient dans cette bergerie qui n’était occupée que quelque temps dans l’année, elles rentraient à l’intérieur et enfilaient la grande chemise à panel. Ayant emporté un morceau de charbon, elles se grimaient le visage. Tout était prêt pour faire la sarabande. Toutes ces jeunes femmes portant l’habit marital, dansaient, chantaient, et la Maintantoune qui racontait cette histoire quelque 50 ans plus tard disaient : « On faisait les folles ». C’était un après-midi de grande distraction, de décontraction, elles avaient besoin de se défouler.

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Intérieur de la Jasse (© Marie-José Cartayrade)

C’était un temps où nos arrières grands-mères étaient souvent mises à contribution dans les fermes, n’avaient aucune distraction si ce n’était d’aider dans l’exploitation familiale. De plus faire la fête était très mal vue par le curé de paroisse qui interdisait catégoriquement aux femmes de danser, elles n’avaient pas le droit d’aller au bal.

C’est pourquoi, dans cette jasse de l’esprit, elle s’adonnait à ces rituels de danser, de chanter, de se faire plaisir. Une fois satisfaites de leurs sarabandes, au bout de quelques heures, elles quittaient leur costume se nettoyaient le visage et rentraient paisiblement au village, en prenant soin de ramasser au passage, un fagot de bois pour pouvoir faire leur soupe… Ni vues, ni connues !

Personne n’a jamais su qu’elles étaient allées à la jasse de l’esprit.

Cette histoire m’a été racontée par Marie-José Cartayrade à Saint-André-de-Vézines, qu’elle soit ici grandement remerciée.

Marc Parguel

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