Causses et vallées

Au-delà du Portique des Géants (Causse Méjean) – Deuxième partie

Le Pas du Loup

Faisant face au Vase de Chine, voici le Pas du Loup. Nous attaquons ici une montée raide, barrée en son milieu par un portillon en fer destiné à protéger les brebis d’un saut dans le ravin. Ce couloir entre les rochers porte bien son nom. En effet, les brebis qui étaient parqués un peu plus haut, pouvaient se laisser couler sur la pente qui aboutit infailliblement au Pas du Loup avec son couloir qui s’enténèbre abruptement et se jette dans un abîme… dans la gueule du loup en quelque sorte pour un saut fatal de plus de 100 mètres. Ce nom est très ancien, comme nous le rappelle Albert Carrière : « Notons que les dénominations de couronnes (pour corniches) et Pas du Loup ne datent pas d’aujourd’hui, on les trouve dans un accord de 1605. » (Par monts et par vaux, Midi Libre, 16 août 1953)

La grille au milieu du Pas du Loup.

Laissons la plume à Edouard-Alfred Martel pour nous décrire ce Pas vu d’en haut :

« Le Pas du Loup va nous conduire au Portique des Géants par un étroit et abrupt couloir en escalier, haut de 30 mètres, dont l’entrée jadis ne se discernait pas facilement. Elle était généralement dissimulée par les arbres et buissons coupés, pour empêcher les chèvres d’y pénétrer. Aussi le confondait-on avec un autre couloir (à gauche) un peu plus large, mais finissant par un à pic absolu… Il menait cependant, avec force précautions, à deux fragments de brèves corniches à vues vertigineuses sur la Jonte : glissez-y et c’est la catastrophe ; on aurait 200 m de hauteur pour bien s’aplatir en bas ! Le couloir, maintenant signalisé, descend donc de quelque 30 mètres et s’arrête sur un rebord étroit (Pas du Loup proprement dit, 785 m d’altitude), qui se continue en crevasse ouverte sur la Jonte. » (Causses et Gorges du Tarn, p.298,1926).

Après avoir franchi le Pas du Loup, nous prenons de la hauteur, sur le flanc ouest se dresse l’armoire à glace, avec coulisses rocheuses à jour figurant un cadre qui attendrait la pose d’un miroir. C’est un point de repère excellent, en même temps qu’un abri aux jours de soleil ou de vent.

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L’armoire à glace.

Aisément, on escalade quelques mètres ce cadre et au-dessus on passe la tête par la fenêtre de Sigaud. Martel nous apprend que son nom vient « du touriste qui l’a remarquée en août 1920 seulement ». Nous sommes juste au-dessus du Portique des géants (Cirque des vases). Au loin, par le trou, on voit Capluc et le rocher du Révérend.

La fenêtre de Sigaud non loin de l’armoire à glace et du Pas du Loup. © Jean-Jacques Despériès.

Le Navire

Entre le Pas du Loup (porte en fer) et le balcon du vertige, le chemin passe près d’une arche naturelle, et l’on voit une magnifique proue de navire : « au pied de tours et rocs de toutes formes, le Navire, entre autres, petite carène couchée sur le flanc », comme le mentionne Martel.

Le navire
Le navire.

L’Observatoire

Nous revenons sur nos pas résolus à aller au-delà du portique des Géants. Nous allons toujours plus haut parmi des rochers très tourmentés et très beaux. Martel sera notre guide :

« Les forts marcheurs – ou encore les séjournants du Rozier-Peyreleau qui trouveront opportun, à juste titre de visiter les corniches plusieurs fois, dans leurs détails – auront un supplément de course à faire à la clairière 835. Sans chemin véritable, mais sans aucune difficulté, ils grimperont de là (en direction O.S.O.) au roc très saillant qui domine (alt. Environ 890) le vase de Sèvres et toute la portion du Causse Méjean placé entre les ravins des Echos, etc., et celui de Cassagnes (je l’ai dénommé l’Observatoire et C.-J. Brunet l’a appelé le Douminal).
Du pont du Rozier il apparaît en proéminente vedette. A ce belvédère incomparablement bien dégagé, on croit planer en avion sur la Jonte (à 500 m en bas) et les falaises des deux Causses ! Comme on peut accéder jusqu’au coupant même du précipice, c’est pour les têtes impressionnables, vertigineux à l’excès ; les deux Vases sont aplatis à cent mètres au-dessous ! » (Causses et gorges du Tarn, p.300,1926)

Le vase de Sèvres vu de l’Observatoire.

Ce cirque de l’Observatoire de 500 à 600 mètres de diamètre. Les rochers se dressent à perte de vue. On a un panorama sur les quatre causses (Montpellier le Vieux et Roquesaltes hérissés sur le Noir), l’Aigoual et ses satellites, les Cévennes et le Mont Lozère, etc. Le Tarn manque, mais on est plus suspendu qu’à Franc Bouteille. Aussi loin que les yeux emportent les rêveries, on se retrouve face à des rocs turriformes, à découvert, sans végétation envahissante. La vue porte loin.

Depuis l’Observatoire.

Si Albert Carrière nous accompagnait en ces lieux, il nous dirait : « Le promontoire qui non seulement domine le vase de Sèvres de 100 mètres, mais semble vouloir surplomber le fossé de la Jonte est l’observatoire Martel, ou plus justement le Douminal (C.J.Brunet)… Je ne voudrais pas contredire Martel, mais la vérité m’oblige à dire que j’ai stationné avec un ami à l’extrême pointe, sans éprouver le moindre vertige- auquel je suis cependant assez sujet. La crainte ne gâta pas le plaisir d’admirer. » (Par monts et par vaux, Midi Libre, 16 août 1953).

La belle fenêtre.

Nous continuons notre chemin pour atteindre les super corniches, on change de côté, passant de la Jonte aux à-pics des falaises du Tarn (pas de sentier, ni de signalisation). Un rocher présente une belle et grande ouverture dans laquelle on a une belle vue sur les Gorges du Tarn mais surtout sur Eglazines bien visible en face. Ce joli coup d’œil a valu à ce rocher le nom de « belle fenêtre ». C’est ici que nous arrêterons nos pas, contemplant le plus beau des paysages.

Vue d’Eglazines, depuis la belle fenêtre.

Marc Parguel

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