Causses et vallées

Saint Martin de Pris (commune de Creissels)

Rendons-nous aujourd’hui dans la commune de Creissels, près de Raujolles, au pied du cirque du Boundoulaou, à une chapelle qui jadis fut flamboyante et dont il ne reste que des vestiges.

Le site a été fouillé en 1981 sous la conduite d’Alain Vernhet, alors que la mairie de Creissels projetait d’aménager des courts de tennis à l’emplacement des anciens jardins qui le recouvraient. Par suite de cette découverte, la mairie a acheté un terrain en face pour y construire les courts de tennis.

L’intervention archéologique a permis de retrouver l’emplacement de l’ancienne église dont les fondations en tuf mesuraient environ 16m de long sur 8,5 m de large, d’en dégager les plans successifs, de fouiller près d’une cinquantaine de tombes faites de simples caissons de pierres plates et de sarcophages en grès ou en tuf, datés entre le Xe et le XVe siècle. Ces derniers renfermaient plus de soixante squelettes.

L’église de Saint Martin de Pris a été bâtie dans sa majeure partie au Xe et XIe siècles, puis elle a été prolongée, à l’ouest par un narthex aux XIIe et XIIIe siècle. Dans son étude sur cette église, Alain Vernhet nous apprend qu’elle fut abandonnée au cours du XVIe siècle. Ses murs ont été rasés et le chœur a été emporté par le ruisseau du Boundoulaou.

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Le texte le plus ancien du cartulaire de l’abbaye de Conques en Rouergue, daté de l’an 801 et intitulé, à une date plus tardive, carta de ecclesia de Pris mentionne dans la partie rouergate de la vallée du Tarn, une localité nommée Priscio dont le territoire est délimité comme suit : « de parte orientale subjungit ad terra Voronatense et Crescellense et de méridie subjungit ad terra Andadense, de alio latere de parte orientale subjungit ad ipso rivo qui dicitur Merdolone qui decurrit deves Andate et ad ipsa terra Buxadese pervenit usque ad fluvium Tarnis ». Cette charte indique aussi qu’il existait une fortification. En 801, l’Eglise est donnée à Conques par Leutade. En 1100, le cartulaire de Conques donne le nom de certains mas dans les environs de l’église : Mas Cayrode.

Plan à l’entrée du site en 2004.

Vers 1160-1170, les moines de St Guilhem le Désert qui possédaient les églises de Saint Saturnin et de Saint Julien, essayèrent d’y mettre la main dessus. Par la suite, les moines de Conques rétrocédèrent l’église au Chapitre de Rodez. André Soutou a découvert une des premières mentions du site avec le vocable « Saint Martin » dans un acte millavois : « En 1181, une charte de Millau cite le nom du lieu que nous connaissons aujourd’hui S. Martin de Pris » (Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, 1972). C’est là que Raymond VII, marquis de Provence, comte de Toulouse fit son testament en 1249, désignant Jeanne sa fille comme son héritière, peu avant de mourir à Millau.

Testament qui, quelques années plus tard, allait rattacher ses possessions au royaume de France. A sa mort, on le ramena de Saint Martin de Pris à Millau et on l’exposa pendant plusieurs jours à la Maison Royale, rue Peyrollerie, afin que la noblesse de la région puisse se recueillir. Ce jour-là, on avait fait recouvrir la rue de paille et tendre des draps blancs à toutes les fenêtres parce que Millau avait alors la réputation d’être l’une des villes les plus sales du comté. La paroisse de Saint Martin de Pris s’éteignit en 1421, faute d’habitants. Le lieu fut ravagé à plusieurs reprises au XVe siècle par les routiers et par les protestants. La cure fut définitivement réunie à celle de Creissels en 1738.

Vue d’ensemble en mai 2018.

En 1905, d’après les archives des abbayes de Conques et de Sylvanès, la présence d’une villa, d’une église et un cloître sont attestés dans le voisinage de Saint-Martin-de-Raujolles, dans le vallon du Boundoulaou, mais aucun vestige n’est retrouvé.

Le site de la chapelle a finalement été mis au jour en 1981, sur un emplacement occupé autrefois par les jardins de la ferme Saint Martin. Crêtes de murs et sarcophages sont mis à jour et des travaux de fouilles sont lancés. Longtemps ce lieu n’était protégé que par une simple clôture. On y voyait les vestiges, dont la base de l’ancienne chapelle et les nombreuses sépultures, à l’air libre. La communauté de communes Millau Grands Causses a lancé des travaux de restauration de l’ensemble en 2013-2014 pour un budget de 55 000 euros. Les vestiges ont été consolidés et rejointés. Certains sarcophages, les plus abîmés ont été enterrés pour ne laisser apparaître que les mieux conservés. L’inauguration de l’aménagement du site a eu lieu le 11 juin 2014.

Marc Parguel

En 2018.

 

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