A 808 mètres d’altitude, dominant la cité templière et hospitalière de la Couvertoirade, le Moulin du Redounel qui tire son nom de sa colline au sommet arrondi (le Mont Rédoun) était resté longtemps comme une silhouette dans le paysage du Larzac.
Si plus de soixante moulins à vent ont été recensés en Rouergue, celui du Rédounel est le second a être ainsi restauré après celui de Saint-Pierre de la Fage (Hérault).
Autrefois la cité de la Couvertoirade possédait deux moulins à vent, un érigé au couchant (XIVe siècle) et un autre au levant (XVIIe siècle) celui qui vient d’être restauré.
Celui du couchant était le premier moulin à vent connu du Larzac, sa première mention remontait à 1355.
Pierre Bouloc, dans un article paru dans le Monde des Moulins (n°70, octobre 2019), nous donne plus d’informations : « Situé à l’ouest du château alors occupé par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, il s’élevait sur une éminence à une centaine de mètres à vol d’oiseau du portail nord des remparts (tour carrée). Mais à l’époque, il n’y avait point de tours, puisque les remparts ne seront construits qu’au XVe siècle, entre 1440 et 1445. »
A cette époque, le village de la Couvertoirade comptait 135 feux (foyers) soit environ 675 habitants.
Ce moulin fonctionnera sans relâche de 1355 à 1420. En 1420, il ne fonctionne plus et pendant plus de quarante ans, les habitants de la Couvertoirade durent aller fréquenter les moulins des villages voisins. Après plusieurs tentatives pour le relever de ses ruines, le moulin du Couchant est définitivement abandonné et pire encore, ses ruines et surtout son mécanisme pourra servir à Peire Clarissac, hôte de la Pezarde de Saint Fulcran s’il souhaite reconstruire une tour à la Pezade (1482).
Les paysans de la Couvertoirade devront désormais faire le trajet jusqu’à la Pezade, pour moudre leurs récoltes.
De 1420 à 1602, il n’y eut plus de moulin à vent à la Couvertoirade. Puis au début du XVIIe siècle, on retrouve le Moulin du Rédounel dans les archives. Celui-ci a été érigé grâce à Antoine de Paule, commandeur de Sainte-Eulalie de 1600 à 1623.
La suite nous est racontée par Pierre Bouloc : « Achat par Etienne Grailhe d’un pailler d’un étage avec une aire qui confronte aire d’Antoine Coulet et pailler de François Vollar, du midi avec le moulin à vent » (Archives départementales 3E 19328 (1602).
En 1623 : « Améliorrisements de Jean-Paul de Lascaris : plus à dit avoir fait faire un moulin à vent au dit-lieu à cause de l’incommodité que les paysans avaient d’aller moudre à une lieue de là, et de payer neuf cents livres tournois. »
1635 « Plus nous nous sommes transportés hors du dit-lieu environ cinq cent pas pour visiter le moulin à vent que nous avons trouvé avoir été fait à neuf par le sieur Commandeur, étant en très bon état tant bois que couvert que portes et serrures. ». En 1766, le moulin semble être toujours en fonction (3E 18075). C’est la dernière mention trouvée au sujet du Rédounel. »
Abandonné peut-être victime des vents comme du temps, comme son voisin, et parce qu’il se dégradait et que son entretien demandait des dépenses considérables, le Moulin du Rédounel alla doucement vers la ruine. L’industrie remplaçant l’artisanat, nous savons qu’à la fin du XVIIIe siècle, les moulins à vent n’étaient plus entretenus, on leur préférait les moulins à eau. Au XXe siècle, le moulin du Redounel n’était plus qu’une tour tronquée ouverte à tous les vents.
Histoire d’une restauration
Vouée au silence pendant des siècles, l’association des Amis de la Couvertoirade avait comme projet de lui redonner la parole. Jusqu’en 1977, année d’une première consolidation, le Moulin du Redounel se présentait comme une vieille tour à demi effondrée.
L’idée d’une restauration fait son chemin pour aboutir en 2003 à la signature d’un bail emphytéotique de 20 ans entre la Mairie et l’association des Amis de la Couvertoirade.
Commencée en 2006, la restauration réalisée sous la houlette de cette association commença par le rehaussement de la tour à sa hauteur initiale à 7m30, ainsi que la pose de la porte, d’une fenêtre et des poutres intérieures, puis a vécu à une étape décisive pour son aspect extérieur en 2009.
Le jeudi 30 juillet 2009 eut lieu l’inauguration de la mise en place du toit de bois de sept tonnes qui pivotera sur des roulements à billes avec son cabestan, son frein et son rouet. Tous les élus locaux et départementaux se sont retrouvés à l’invitation conjointe de l’association des Amis de la Couvertoirade et de la municipalité.
Profitant de l’occasion, un petit chemin a été débroussaillé afin que les visiteurs puissent aisément approcher le moulin et bénéficier ainsi d’un point de vue imprenable sur la cité hospitalière.
Viendront ensuite les meules et le système d’engrenage qui lui redonneront vie.
Le moulin est inauguré une nouvelle fois le 3 août 2018, où une petite réception eut lieu sur la colline. On mit en valeur le travail de Bernard Badaroux, ébéniste d’art à Séverac-le-Château et charpentier du moulin qui a travaillé plus de 2000 heures pour mener à bout cette œuvre sur mesure.
Désormais entièrement opérationnel, on peut à nouveau y moudre du grain.
Construit en plein vent, ce qui semble normal pour un moulin à vent, le bâtiment se prend de plein fouet les épisodes cévenols, les marinades, mais également le gel, le soleil brûlant, il fallait donc trouver un enduit qui le protège. Alors après avoir retrouvé ses ailes, son mécanisme et au début de l’année 2020, de beaux encadrements de portes et fenêtres en pierre de calcaire de Gaillac-d’Aveyron, l’entreprise de Vincent Delorme sise à Séverac-d’Aveyron s’occupa de poser un crépi tout neuf et un petit muret de protection avec des trous pour faire lever le vent devant les voiles. A l’intérieur du moulin, Bernard Badaroux devint tout enthousiaste lorsqu’il retrouva un peu de lumière grâce à la rehausse de la fenêtre donnant sur les Cévennes.
Le chantier désormais terminé, le Moulin du Redounel peut régner à nouveau sur le silence du causse du Larzac, tel un phare embrassant au printemps une mer d’orchidées.
Marc Parguel