Causses et vallées
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En 1844, la « Pierre du Ciel » met la population aveyronnaise en émoi

Le 21 octobre 1844, un objet céleste s’abat avec fracas dans un champ à Favars près de Gaillac faisant fuir en toute hâte, les cultivateurs qui appelèrent ce phénomène « lou sarrabastal de lo peiro del cel ». C’est la première et la seule fois qu’un fragment de météorite est tombé dans l’Aveyron.

En ce 21 octobre 1844, à la suite d’un triple coup de tonnerre qu’on a très distinctement entendu dans les cantons de Laissac, Séverac et Vezins, un aérolithe est venu atterrir près de Gaillac. Ce phénomène rare a mis en émoi les habitants de Gaillac, canton de Laissac, dont plusieurs disaient en le voyant que c’était de la magie ! Le fait clairement établi a fait la une de la presse de l’époque : « Le 21 octobre à sept heures du matin, par un temps serein et un vent du sud-est, on a aperçu dans les airs un corps lumineux qui se mouvant avec une vitesse extrême du sud au nord, décrivait une droite très prolongée, semblable à une étoile filante. Le bolide, répandant une lumière très vive, a disparu après quelques secondes, laissant encore une clarté blanchâtre que beaucoup de personnes ont prise pour un nuage d’une nature étrange. Immédiatement après, l’on a entendu un bruit terrible, mêlé de longs sifflements et que l’on pourrait comparer à une décharge d’artillerie. Le météore a été visible de plusieurs points du département, et l’épouvante était telle dans nos campagnes qu’un grand nombre de villageois, occupés à travailler dans les champs, s’enfuyaient à toutes jambes vers leurs demeures ou pour aller se confesser.

DR

La chute d’un aérolithe avait succédé à l’explosion qui s’était fait entendre. Un cultivateur qui travaillait dans sa propriété, près du village de Lagarrigue, et qui entendit, selon ses expressions, lou sarrabastal de lo peiro del cel, accourut le premier sur le lieu de la chute, qui n’était pas bien éloigné. Le corps aérien, lancé par une force immense de projection, était enfoncé dans la terre à une profondeur de 25 centimètres et exhalait une forte odeur de soufre. Sa forme est oblongue, bizarre et irrégulière, les angles saillants, sa masse lourde ; il pèse un kilogramme et demi. La surface extérieure d’une couleur terreuse, est polie et extrêmement lisse ; la cassure est raboteuse, d’un gris cendré, semée de petits globules de fer… Diverses hypothèses ont été hasardées sur l’origine de ces bolides ou globes de feu. Quelques-uns ont voulu que ce fussent des fragments de la masse lunaire. Mais la plupart des astronomes les regardent comme des corps célestes errants dans l’espace et dont la masse, en traversant notre atmosphère, s’électrise ou s’embrase et devient lumineuse par la très grande chaleur que développe en eux le frottement, augmenté par l’accélération de leur course, à mesure qu’ils s’approchent de la terre. Le nombre de ces corps, espèces de planétoïdes fort petites, est très considérable. Quelques-uns éclatent en l’air avec explosions, d’autres tombent à terre et sont alors appelés aérolithes. Il paraît qu’une explosion semblable à celle qui a suivi l’apparition d’un bolide lumineux et précédé la chute d’un aérolithe dans le canton de Laissac, a été entendue, le même jour et à la même heure, dans le Cantal et dans La Lozère. Voici ce que nous lisons dans l’Echo du Cantal : On a parlé d’un tremblement de terre qu’on aurait ressenti il y a peu de jours dans le canton de Chaudesaigues. Il paraît que le 21 octobre, vers les 7  heures du matin, un bruit que l’on pourrait comparer à un coup de tonnerre ou a l’explosion d’une mine, se fit entendre dans la direction du midi, mais il ne fut accompagné d’aucune secousse ni d’aucun ébranlement du sol. Du reste, ceux qui avaient entendu ce bruit ne savaient trop comment s’expliquer ce phénomène, qui a été aussi observé dans la Lozère.» (L’Echo de la Dourbie, 17 novembre 1844).

Un bolide accompagné de bangs soniques. (DR)

« La pierre du ciel, comme le rapporte le même journal dans son édition du 3 novembre 1844, pèse plus d’un kilogramme et se trouve entre les mains de M. Majorel, curé de Recoules, qui va l’adresser au musée de Rodez. ». Aussitôt dit, aussitôt fait.

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A la séance du 16 novembre de la Société des lettres de l’Aveyron, lecture fut donnée de la missive adressée par M. Majorel, originaire de Gaillac (Aveyron), élève du petit séminaire de Saint-Pierre, près de Rodez, et à laquelle se joignait une mystérieuse boite :  « Dans la soirée du 21 octobre, j’ai appris que non loin du village de Lagarrigue, commune de Gaillac, la chute d’une pierre avait succédé à l’explosion qui s’était fait entendre dans la matinée. Informé qu’elle était en la possession d’un cultivateur que l’on sollicitait déjà pour lui ravir son trésor, je m’y suis rendu à minuit et j’ai réussi à l’obtenir. Il m’a raconté que, travaillant dans sa propriété, il avait entendu lou sarabastal de lo peiro del cel. Il était alors accouru sur le lieu de la chute, à une centaine de mètres, et s’était empressé de la déterrer. Lancée sans doute par une force immense, elle avait pénétré à une profondeur de vingt-cinq centimètres dans la terre, soulevée tout autour… J’ai l’honneur d’offrir au musée de Rodez la moitié environ de cet intéressant et authentique aérolithe, c’est tout ce que j’ai pu sauver de l’avidité de mes amis ! La portion que j’envoie pèse six cent cinquante grammes. Les angles sont saillants, les arêtes vives, la surface extérieure d’une couleur noirâtre et finement raboteuse. A côté de la cassure que j’ai faite et qui est d’un gris cendré, vous remarquerez une à deux faces beaucoup plus foncées, se rapprochant de la teinture extérieure, et dont la date évidemment fort ancienne porterait à croire que cet aérolithe a déjà eu des malheurs sur d’autres globes avant sa chute sur la Terre. Veuillez recevoir…M. Majorel »

Un fragment de la météorite de 1,5 kg qui a été trouvé à Favars, près de Laissac. Il s’agit d’une chondrite de type H5. Ex. A. Debienne. (DR)

La société fit ensuite circuler sur la table l’étrange pierre sortie délicatement de sa boite, avant de l’exposer le dimanche suivant au musée. Puis, avant de lever la séance, « un membre fit remarquer qu’un bruit effrayant avait été entendu le 21 octobre aux Palanges, à 7 heures du matin, et qu’il avait été attribué à un tremblement de terre ; c’était sans nul doute à l’aérolithe qu’il fallait le rapporter » (d’après P.Astruc, J.-M.Cosson, J.-P. Savignoni, L’Aveyron Mystérieux et insolite).

Marc Parguel

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