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Février 1956 : L’hiver le plus froid à Millau

C’est bien connu ! le climat a Millau est doux et tempéré, mais quand il fait froid dans toute la France, la cité du gant ne déroge pas aux perturbations climatiques, et dans sa cuvette, le froid s’engouffre au point de paralyser toutes les activités.

Si, dans la ville nous avons connu des caprices du ciel, comme la neige un jour du 6 mai 1985, le plus grand froid que nous ayons connu au XXe siècle restera celui survenu durant l’hiver 1956.

Dans ses prévisions pour cette année-là, la voyante Marie Lagrave avait écrit dans le journal « le Rouergue Républicain » : « Janvier et février seront très froids ». Si les mois de décembre 1955 et de janvier 1956  se sont annoncés particulièrement doux pour la saison, l’hiver déboule subitement dès le 1er février.

Le jeudi 2 février, fête de la Chandeleur, date à laquelle selon le dicton « l’hiver est fini ou prend rigueur », la radio annonce qu’une vague de froid arrive tout droit de Scandinavie et d’Europe orientale. Les pays déjà atteints accusent des températures négatives record. Soudain, l’après-midi, la neige tombe sur Millau, et avec elle une sensation épouvantable de froid. On respire difficilement, le front se glace sous la morsure d’un froid sibérien.

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En quelques heures, la température est passée de plus 14 degrés à moins 20 degrés. Les fontaines de la ville ne coulent plus. Les platanes le long des avenues se fendent. Les compteurs d’eau des particuliers ne tournent plus, et le café que l’on a l’habitude de prendre pour 16 heures  reste gelé à la souillarde. Les rues sont devenues de véritables patinoires, la neige gèle, le Tarn devient une banquise.

La cascade de Creissels gelée. (DR)

Même les thermomètres en perdent leur latin avec le mercure sous le supplice du froid. Personne ne croyait à une offensive aussi brutale de l’hiver. Un vent glacial variant  du nord, nord-est souffle par rafales. Les magasins ferment leurs stores, les vitrines sont aveuglées par un rideau de givre, et les plus démunis cherchent un peu de chaleur dans des étables ou se retrouvent autour des cheminées.

Un léger redoux fait croire que le plus terrible est passé, mais le 8 février, une nouvelle vague de froid venant de Russie cette fois submerge l’Europe entière. C’est une terrible gelée qui s’annonce.

Le 9 février, Saint-Affrique enterre, par un froid sibérien, son ancien maire et ministre le mathématicien Emile Borel. Le 11 février, il fait – 31°C à Aubrac. On voit d’importantes congères. Même les chasse-neige qui tentaient de dégager les routes sont tombés en panne. Il fait – 15°C à Millau et – 24° à la Cavalerie.

Le 12 février, le Rouergue républicain titre : « On n’avait pas vu ça depuis 1917 ! ». Si les microbes les plus résistants tels ceux de la grippe hivernale ont été tués par le froid, il en est malheureusement de même pour les cultures (arbres fruitiers et vignes), les viticulteurs voient leurs vignes succomber sous l’emprise du gel ; même les saigneurs de cochon, qui ont l’habitude de tuer un ou deux habillés de soie au cours de l’hiver, pour sa nourriture forte apprécie dans les campagnes n’arrivent pas à faire chauffer l’eau pour ébouillanter la bête.

Faute de produits, les marchés sont désertés. Le peu de légumes qu’on arrive à vendre atteint des prix records, on a vu un poireau se monnayer 65 francs chez un épicier d’Aguessac.

La température descend à – 15°C à Saint-Affrique et à -16° à Millau ; et le 15 février dans notre cité du gant, la station météo a enregistré – 25,5° au début de la matinée.

Le pont de Cureplats sous la neige, 15 février 1956. (DR)

Dans son édition du jeudi 16 février 1956, le journal Midi-Libre nous indique que « Les Millavois attendent avec impatience le réchauffement de la température annoncé. Pour l’instant le froid bat chaque matin un nouveau record et chacun craint que sa persistance s’accompagne de bien des catastrophes.

En effet, si jusqu’ici on a à regretter le gel de maintes canalisations d’eau et ses conséquences désastreuses pour les ménagères obligées d’aller puiser de l’eau aux bornes-fontaines, le gel aussi de compteurs à gaz, si à la maison malgré le feu on doit frissonner le long du jour…, il se peut que cette température sibérienne arrive à causer de plus grands maux. Heureusement que nous n’avons pas à supporter des vents violents comme dans le Languedoc ou en Provence.

Avec un minima de – 25 au sol, la vie extérieure serait impossible. Voici le bulletin météorologique communiqué par la station d’observation du chemin des Carrières pour la journée d’hier. Temps froid sans éclaircies nocturnes. Minima de la nuit et de la matinée à 7h30 légales :

Sous abri : – 18,3. Au sol : -25,5, A 10 heures : sous abri :  – 14.

Ciel clair et ensoleillé le matin, vent faible ou nul. Malgré les basses températures le soleil devait, dans le courant de l’après-midi avoir raison du gel et de la neige. Un radoucissement général est-il vraiment amorce ? » (D’après le froid s’est encore accentué hier, sur la région millavoise, Midi Libre, 16 février 1956).

Les températures restent très basses même si le 16 février, le réchauffement tant attendu se dessine. Mais après une brève accalmie, une troisième vague de froid s’abat du 20 au 28 février, sur le pays. D’abondantes chutes de neige tombent dans le Sud-Ouest.

Notre-Dame de l’Espinasse. (DR)

Un homme est trouvé mort de froid à Creissels tandis que le préfet de l’Aveyron est victime d’un grave accident de la route entre Laguiole et Espalion, son épouse y laissant la vie.

Enfin, le 24 février, le réchauffement des températures devient significatif, et le 27 février le dégel est général.

Sur quatre semaines du 2 au 27 février on relèvera : 1m20 de neige en Normandie, 50 cm dans le Var, 20 cm dans le Lauragais..

Le 17 février, au paroxysme, le thermomètre descend jusqu’à – 35 en Corrèze, – 31 dans l’Aveyron, – 25 à Strasbourg, -22 à Lyon, – 20 à Paris, – 18 à Toulouse, -16 à Nîmes, -14 à Narbonne, -12 à Perpignan !

Le bilan est très lourd. Des mesures gouvernementales sont prises afin de relancer l’économie telle l’importation massive de produits de première nécessité pour faire retomber les prix.

Marc Parguel

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