Gastronomie

Gastronomie. Le lièvre à la broche, flambé au « capucin »

Dans le sud Aveyron, le lièvre est considéré comme la pièce maîtresse de la chasse. Le chasseur qui rentre chez lui avec un « Président » (c’est ainsi que l’on nomme un lièvre de 7 livres environ) l’a déjà fait miroiter aux yeux de ses voisins ou de ses amis, pour en susciter un brin de jalousie.

Contrairement  au lièvre que l’on consomme comme un classique civet, dans la région Millavoise, « Le Président » lui se déguste à la broche et au flambadou accompagné de la sauce saupiquet.

Ed. Canac, qui tenait l’hôtel du Commerce à Millau l’appelait « le lièvre rôti à la « Millavoise ».

Pour l’apprécier, il faut que la bête soit assez jeune. Seuls les lièvres bien en chair, ceux auxquels ni les courses à travers des sillons ni les années de misère n’ont durci les muscles et renforcé les tendons, doivent recevoir la consécration de la broche.

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Jacques Vaizy évoque le sujet dans un de ces ouvrages : « Six livres ! Ce sont les meilleurs ! se réjouit mon pépé en contemplant « la » lièvre qu’il vient de dépouiller et de vider. Les longues oreilles bordées de noir du capucin, qu’il a gardées dans une ultime coquetterie, ses pattes rousses chaudement fourrées, dépassent du grand plat ovale où le sang élargit sa tâche rutilante. « Et en plus, c’est une femelle ! Elle va être tendre ! » .

Depuis trois jours, la bête reposait à la cave, sous  une comporte retournée, soigneusement rendue hermétique aux éventuelles mouches par une bordure de sable humide. Aujourd’hui, c’est un grand moment pour le cuisiner. La cuisson du lièvre est une chose délicate. » (Dans le toupi de mon pépé, 1998).

La plupart du temps il est cuit saignant, car c’est une viande rouge, et tout comme le chevreuil, en dehors des bas morceaux qui peuvent être cuits en sauce, il est très agréable et plus digestible, ayant conservé toute sa saveur de gibier sauvage. Le coté saignant lui donne un aspect rose vif et dans sa chronique gourmande Georges Subervie n’hésitait pas à dire : « Je maintiens et  proclame comme un axiome : le lièvre rôti doit se manger saignant : c’est ainsi seulement qu’il garde tout son parfum, toute sa tendresse et toute sa finesse ; si vous devez le manger bien cuit, contentez-vous donc d’un bon rôti de veau ; vous vous épargnerez au moins la honte d’un sacrilège ».

Il parait donc évident qu’il doit être accompagné d’une sauce et notre saupiquet et à notre lièvre ce qu’est la sauce Grand-Veneur ou poivrade au chevreuil.

Déjà en vogue au Moyen âge, le saupiquet, littéralement sauce piquante, était à l’époque une sauce au vin liée au pain, dont chaque région a conservé une variante plus ou moins évoluée dans son patrimoine culinaire.

M.Artis et Emile Cot flambant au capucin un lièvre à Saint-Affrique (1971) © Elie Artis

Cette recette se réalise surtout dans la région de Millau sous le nom de lièvre à la broche ou au capucin.  Le capucin (que l’on appelle également flambadou) est une sorte d’entonnoir en fonte ou en tôle épaisse, fixé au bout d’un long manche en fer.

Deux préparations :

– au tourne-broche à l’asté, finir la cuisson en le flambant au « capucin » , flambador,  flambadou, certains l’aiment saignant…

Dépouillez le lièvre au dernier moment pour éviter que la viande ne sèche. Recueillez précieusement le sang de l’animal. Fixez le lièvre sur une broche dans lequel on aura introduit des brins de thym, des gousses d’ail, du thym et du poivre. Mettez-le dans la cheminée en prenant garde que le feu soit de la même densité partout sous l’animal afin qu’il cuise régulièrement de la tête aux cuisses.

Après avoir été salé et arrosé d’huile, il subit un « premier coup de soleil » provoqué par une flambée de sarments de vignes.

Tandis que les sarments parfumeront la viande, les bois de poirier et de chêne seront également recommandés, car ils forment une braise épaisse et bien incandescente.

L’animal est saisi et sa peau se caramélise tandis que la chair cuit à l’intérieur sans durcir.

Alors intervient le capucin. Après l’avoir rougi dans la cendre, on y introduit de préférence du gras de jambon et du lard qui fond et s’enflamme.

Lorsque la peau du lièvre croustille, on promène le capucin d’où coule le lard en fusion au-dessus du rôt qui tourne lentement. Les langues de feu pénètrent en cuisant dans les chairs.

N’oubliez pas de placer sous l’animal une lèchefrite afin de recueillir le jus. Le temps de cuisson est primordial.

Août 1997. Copyright Institut occitan de l’Aveyron. (DR)

Pour un lièvre de six livres, devant un bon feu, le surveiller attentivement à partir de 30 minutes. Piquer dans les chairs avec la pointe du couteau pour voir s’il saigne encore. Selon les goûts, arrêter ou poursuivre la cuisson.

Le lièvre est cuit lorsque sa chair est légèrement ferme. On peut alors le flamber une seconde fois.

Découpez, salez, poivrez et servez éventuellement avec la sauce saupiquet, autre spécialité du Rouergue, dont nous allons parler.

Certains préconisent la cuisson de l’animal à la flamme d’un journal si on le veut saignant. N’oubliez pas que le lièvre se classe parmi les viandes rouges et qu’en la circonstance, il se mange à peine cuit…

– Saupiquet.

Hachez finement le foie sur une planche (n’oubliez pas d’enlever le fiel), les poumons, le cœur et les rognons ainsi qu’un morceau de jambon, du lard ou  petit salé (ventresca ,bentresco, petit salé,francisé en « ventreche »)

Faites revenir dans une poêle, l’huile quatre ou cinq oignons hachés. Veillez à ne pas hacher trop finement les oignons, on doit sentir les petits morceaux. Ne pas plaindre le gras (l’onchura, l’ounchuro, mélange graisse huile beurre, francisé en « onchure »).

Ajoutez les abats du lièvre découpés également en petits morceaux.

Versez dans une casserole. Faites roussir et parfumez avec quelques feuilles de laurier, une branche de thym et quelques grains de genièvre.

Et alors, au coin du feu, laissez cuire une petite heure.

Remuer de temps en temps afin que la sauce « n’attrape » pas au fond de la casserole. Faire tiédir à la poêle un ½ verre de bon vin rouge, le verser dans le Saupiquet, y ajouter sel et poivre. Ce sera alors bientôt prêt. Ne manquez pas d’y mêler le sang du « Président » que vous aurez mis de côté en écorchant votre lièvre. Le sang du lièvre devra avoir été récupéré lors du dépouillage, après avoir ouvert le péritoine, à l’intérieur du coffre de la bête et après l’avoir rincé au vinaigre pour en récupérer le maximum.

Cette opération faite, il est recommandé de ne pas porter à ébullition le saupiquet, le sang au lieu de se lier, se coagulerait en petits caillots et donnerait un mauvais aspect à la sauce, et vous troubleriez tout.

Le saupiquet est prêt à accompagner les morceaux de lièvre détaillé et cuit. L’assaisonnement se fait suivant les goûts, mais demande a être un peu relevé.

Les plus gros gourmands disent que pour terminer, le jus de la lèchefrite (sur laquelle on cuit le lièvre) ne gâte rien.

Marc Parguel

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