Causses et vallées
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La maison du violoneux

Située sur le causse du Larzac, le long du « camin ferrat », voie de communication antique reliant Sainte-Eulalie-de-Cernon au Viala-du-Pas-de-Jaux, la maison du violoneux fait partie de notre patrimoine vernaculaire. Un petit patrimoine que la Communauté de communes Larzac et Vallées n’a pas oublié, en finançant sa restauration à hauteur de 11.000 euros, redonnant toute sa superbe à cette grange qui fut longtemps dans un état de ruine, un arbre ayant même poussé à l’intérieur. La rénovation (couverture en lauzes) est magnifique nous présentant cet « oustal » tel qu’il était à l’origine.

La grange restaurée (DR)

Description de la maison

Gaël Glandières de l’Apalh (Association pour le patrimoine archéologique et historique du Larzac), association œuvrant à la valorisation du petit patrimoine bâti sur le Larzac, nous présente cet édifice : « L’architecture de la maison est assez simple et sommaire : toit en lauzes, une ouverture étroite en guise de petite fenêtre et un remarquable arc de décharge au-dessus de la porte d’entrée. Une petite dépendance pouvait servir pour l’abri d’un chien de troupeaux. On n’a pas ici le plan d’une maison en tant que tel comme l’on peut l’observer non loin de là dans les hameaux aujourd’hui abandonnés de la Clédelle ou de Lombudel. Il s’agit plus vraisemblablement d’un abri temporaire lors des estives des troupeaux sur la Devèze, comme il en existe beaucoup, plus grand qu’une simple cazelle, mais pas une habitation pérenne. Il est difficile de dater le bâtiment, mais son absence sur le cadastre napoléonien de la commune daté de 1830 lui confère une datation possible à partir du milieu du XIXe siècle. »

Extrait du cadastre napoléonien de 1830. La maison localisé par un cercle rouge n’existait pas encore © Gaël Glandières

C’est justement au milieu du XIXe siècle et jusqu’en 1886 que la population atteindra son maximum. L’activité agropastorale déjà importante sur le Larzac connaîtra là son pic d’activité, et de nombreuses constructions furent entreprises pour loger hommes et bêtes. Le dictionnaire des lieux habités de l’Aveyron publié par Jean-Louis Dardé en 1868 mentionne pour Sainte-Eulalie 741 habitants, et pour le Viala-du-Pas-de-Jaux 241 habitants. Le dénombrement de 1886 mentionne pour Sainte-Eulalie 260 maisons, 283 ménages pour 1053 habitants tandis que le Viala-du-Pas-de-Jaux comptabilisait 74 maisons pour 77 ménages pour 289 habitants. Un record !

La légende

Depuis très longtemps, cette grange a été dénommée « Maison du violoneux » par les Saint-Eulaliens. De mémoire d’homme, elle a d’ailleurs toujours porté ce nom, et son histoire a été racontée bien des fois sur le Causse. Gilbert Grimal l’a contée à son tour à son petit fils Gaël Glandières. La voici.

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La légende raconte qu’un musicien violoniste ayant animé un bal au Viala-du-Pas-de-Jaux transitait en début de nuit par cette voie de communication afin de regagner le village de Sainte-Eulalie-de-Cernon. Pour avoir animé la fête de ses talents, il avait été récompensé d’une fouace, une brioche locale bien connue dans le sud Aveyron. Sur son chemin, il se retrouve face à face avec une meute de loups. N’ayant ni galette ni pot de lait, notre violoniste commence à les amadouer en leur jetant des morceaux de fouace, pensant naïvement les rassasier et les éloigner, mais ces morceaux furent immédiatement avalés. Sa fouace étant rapidement épuisée, les loups se font plus agressifs. C’est alors que notre voyageur commence à jouer quelques notes au violon. Les loups, tout d’abord intrigués, se trouvent peu à peu charmés par le rythme et les notes et se mettent à danser. La meute ensorcelée par ses mélodies, il parvient alors à se réfugier dans cette petite maison en pierres sèches qui portera alors son nom, la Maison du violoneux. (D’après un panneau de présentation rédigé par l’Apahl).

Les loups intrigués par les mélodies joués au violon (DR)

Cette légende connaît plusieurs variantes, et on la retrouve dans d’autres localités : un habitant de Nant la tenait de sa grand-mère née en 1876 qui avait connu le violoniste dans sa jeunesse et la situait aussi sur le causse du Larzac. Le violoneux ayant épuisé ses réserves de fouace à force de les jeter aux loups fouilla dans sa poche pour chercher autre chose. Dans son agitation, il heurta son instrument et c’est la mise en vibration fortuite du violon qui donna l’idée au musicien de s’en servir, car il avait remarqué que le bruit du violon avait arrêté net la poursuite des loups. Nul ne sait si les loups furent charmés par la virtuosité du musicien ou si, bien au contraire, les hurlements stridents de l’instrument effrayèrent les canidés. On prétend aussi que les loups s’élançaient sur le violoneux dès que celui-ci cessait de jouer.

Paul Sébillot évoque un récit de la Belgique wallonne où un ménétrier rencontrant un loup se met, après avoir essayé plusieurs moyens de l’écarter, à jouer du violon, et le loup disparaît parce que l’archet fait une croix dont le signe seul suffit pour chasser les mauvais esprits (Le folklore de France, tome III, la Faune et la Flore, 1907).

L’inauguration de la maison restaurée

Elle a eu lieu le 15 août 2020, en présence de Thierry Cartayrade, maire de L’Hospitalet-du-Larzac, et de Thierry Cadenet, maire de Sainte-Eulalie-de-Cernon, Yves Malric, maire de La Bastide-Pradines et vice-président de la Communauté de communes Larzac et Vallées. L’occasion de mettre en avant cette restauration très réussie. Lors de l’inauguration, les associations Apahl et la CASE ont participé à l’évènement : l’Apahl au regard de ses actions de valorisation du patrimoine dans le secteur proche de la maison (source de Fontubière, hameau médiéval de Fabiergues, tumulus des Aussedats, doline de la Carbonnière) et la CASE au titre de son action de balisage des sentiers de randonnées (la Maison du violoneux étant accessible via les sentiers balisés PR et le GR71C). On s’y rend en empruntant une magnifique buissière.

Le jour de l’inauguration © Gaël Glandières

Près de 80 personnes étaient présentes, la légende a été contée et un violoniste (Kaki) a joué quelques morceaux pour l’évènement. La maison est située dans un secteur très riche en archéologie. Au sud-est de Puech Caut et à proximité du GR71C, on retrouve de nombreux vestiges témoins d’occupations passées. Un panneau confectionné par l’Apahl nous montre la grange dans son contexte géographique et historique et identifie d’autres éléments architecturaux locaux : source, temple et hameau, tout un patrimoine pour s’émerveiller.

Marc Parguel

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