Causses et vallées

D’une petite croix en fer à la Grotte du Prieur

En ce jeudi de l’Ascension, promenons-nous du côté du Cade sur le Causse Noir et prenons le chemin qui longe la vallée de la Dourbie en direction du Ravin du Monna. Sortons un peu du sentier et cheminons près des rochers. Une petite croix en fer bien énigmatique qui domine le vide attire l’attention. Elle l’attire d’autant plus qu’on peut se demander comment elle a été fixée en cet endroit sur la roche.

La croix qui domine la vallée de la Dourbie.

Y’a-t-il eu ici un crime, un accident mortel, une personne qui s’est égaré et dont on a retrouvé le corps comme ce fut le cas de Jules Paliès en 1968 dans le ravin de Saint Amans de Bouffiac ? Rien de tout cela. La réponse nous est donnée dans l’article publié par Jean Delon en octobre 2013 :

« Un calvaire pour cette petite croix qui dominait le Larzac du haut du Roc Pounchut entre les rochers des Conques et le village de la Blaquière. Jusqu’au jour où des puristes ou casseurs l’arrachèrent, la maltraitèrent, avant de l’abandonner en vulgaire ferraille dans une excavation du rocher. C’est dans cet état qu’elle fut retrouvée par des randonneurs compatissants. Remise en forme, ils décidèrent de lui faire changer de Causse pour la dresser de l’autre côté de la Dourbie. Leur choix se porta sur un sommet qu’ils trouvèrent sur un rocher, en crête sur la vallée. Elle est si petite qu’il faut avoir une très bonne vue pour la deviner de la vallée, au-dessus du Monna. Mais elle y est toujours et ne gêne personne. Nous pouvons l’assurer. » (Balade autour de Millau, Journal de Millau, 10 octobre 2013).

La croix (21 mars 2013).

Continuons notre chemin sur une centaine de mètres, nous arrivons devant la grotte du Prieur qui s’ouvre rive gauche du ravin du Monna, elle ne présente ni concrétions, ni profondeur. Tout au plus son développement est de 15 mètres. Le Prieur qui lui a donné son nom était Guillaume Abraham Brouillet, nommé curé du Monna en 1767. Frédéric Hermet nous explique qu’ « il fut le dernier curé du Monna avant la Révolution. Il refusa le premier et deuxième serment constitutionnel. Il se cacha pendant quelque temps dans une grotte du Causse Noir, dite la grotte du Prieur. Mais le 8 octobre 1792, il se rendit volontairement en réclusion à Rodez. Déporté à Bordeaux le 1er mars 1794, enfermé au Fort de Ha, il mourut confesseur de la foi à Saint-André, le 9 août 1794. Il avait été un des premiers maîtres du Philosophe de Bonald qui avait conservé de lui le meilleur souvenir » (Revue Historique du Rouergue, 15 juillet 1927).

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Entrée de la Grotte du Prieur.

Selon Raymond Robert, cette grotte a été baptisée à tort « du Prieur », car d’après lui « le prieur du Monna Guillaume Abraham Brouillet, n’essaya pas de se cacher au Monna, mais se rendit aux autorités qui l’enfermèrent d’abord à Rodez puis à Bordeaux où il mourut. » Dans une lettre adressée à Louis Balsan, il écrit :

A mon avis, il ne semble pas que le curé du Monna, pas plus que Mme de Bonald aient eu besoin d’utiliser ces grottes, comme certains le prétendent, sauf peut-être un jour ou deux, lors d’une visite de commissaires révolutionnaires au Monna.. On m’a parlé d’une certaine grotte dite du prieur qui se trouverait au pied de la falaise ouest de Boffi, dans le ravin du Monna. La grotte du Prieur ne pouvait d’ailleurs s’appliquer qu’au curé-prieur de Saint Amans de Bouffiac, le curé du Monna étant simple curé. (Lettre du 17 novembre 1976).

Autre erreur : Victor de Bonald évoquant le prieur- curé de Bouffiac se trompe lorsqu’il écrit dans le Livre de Paroisse du Monna en 1847 : « M.Balitrand voulut d’abord rester dans le pays et il se cacha pendant un mois dans une grotte qui porte depuis lors le nom de grotte du Prieur et qui est situé dans le grand rocher qui couronne la montagne à laquelle est adossé le Monna, l’entrée en est assez cachée et difficile ». La grotte du Prieur, actuellement connue sous ce nom, semble peu propice à une cachette, l’entrée n’est pas cachée.

Devant la Grotte du Prieur.

De Bonald signale également que ce fut une jeune servante des Gély de Laumet, dont il donne le nom, qui assura quelque temps son ravitaillement. Ce détail rend tout à fait invraisemblable le fait que le Prieur de Bouffiac se soit installé dans le ravin du Monna, si loin de Laumet. La grotte en question où se cacha le prieur de Bouffiac se situe dans le ravin de Saint Amans et connue dans le pays sous le nom de « baume du prieur ».

Dans la grotte.

Actuellement, et depuis de nombreuses années, la grotte du prieur a été aménagée en petit lieu d’habitation : une table, des chaises, un petit jardin sur la droite entretenu.

Elle a été agencée tout simplement pour étudier et observer les vautours que l’on voit tourner près des falaises.

Marc Parguel

Vue prise depuis la grotte.

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