Causses et vallées

Millau. Roger Challet a été assassiné, victime de sa charité

Uneur la départementale 911, en direction de Rodez, juste avant l’embranchement vers Saint-Beauzély, une stèle sur la droite rappelle le meurtre d’un jeune curé. Sur la plaque on peut lire : « En mémoire de l’abbé Roger Challet, 30 ans, prêtre du diocèse de Clermont, tombé ici victime de sa charité chrétienne le 25 septembre 1959 ». C’est à cet endroit précis qu’un crime odieux se passa il y a 60 ans.

Voici les faits…

Après deux jours passés à camper près de Sète, le jeune curé Roger Challet remonte vers sa cure de Tauves, dans le Puy-de-Dôme. A Montpellier, il croise deux adolescents qui font de l’auto-stop. Sa 2CV peut supporter la charge. La charité chrétienne fera le reste. Ils firent une centaine de kilomètres ensemble sans encombre, mais dans la montée vers le Caylar et la Cavalerie, la Citroën a besoin d’un peu d’huile.

Un premier arrêt, puis un second, mais c’est finalement à Millau que le curé trouve le bon bidon. Au moment de payer, les billets dépassent du portefeuille. Il y a là 13 500 francs. Les passagers qui n’étaient rien d’autre que des délinquants évadés du Centre des Beaumettes virent dans ces billets le prix de leur liberté.

Reste à trouver le bon moment pour dépouiller le bon curé. Après la côte du Crès, la 2 CV eut des ratés puis quelques kilomètres plus loin, elle s’arrêta net. Alors, le jeune abbé met la main dans le cambouis, se penche sur le moteur. Au même moment, l’un des deux fuyards l’abat froidement d’une balle dans la nuque. Le tireur c’est Maurice Jacot, son complice Pierre Durand, tous deux âgés de 17 ans. Il est 18 heures, le corps du curé encore chaud, la chasse à l’homme s’organise.

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Le Journal de Millau nous rappelle cette chasse aux fugitifs :

Deux chasseurs Millavois dérangèrent les assassins et donnèrent l’alerte. La chasse fut ensuite organisée dans la nuit. Deux autres Millavois indiquent alors la présence des deux vagabonds aux environs du Bois du Four. La gendarmerie, localise ses recherches, et, à 3h45, Maurice J. et Pierre D., sont dénichés sous un tas de paille (au croisement de la route de Vezins à Laclau). Quelques instants après, ils étaient sous les verrous. A peine dix heures avaient été nécessaires à la Gendarmerie pour retrouver les assassins » (Echos du Mandarous, 26 septembre 1959).

Qui étaient ces délinquants âgés de 17 ans ?

Le journal Midi Libre dans son édition du 27 septembre 1959 nous dresse le portrait de ces redoutables auto-stoppeurs :

Maurice J. et Pierre D. s’étaient connus aux Beaumettes. Le premier s’était déjà évadé de la section des mineurs de Fresnes et Pierre D. était incarcéré pour vols successifs de 5 ou 6 voitures. En s’évadant de la prison de Marseille, ils se dirigèrent vers Avignon et là, sans un sou en poche, ils faillirent cambrioler une maisonnette. Ils profitèrent dans le courant de la matinée de vendredi, du départ d’une dame accompagnant son enfant à l’école pour pénétrer dans le logement, celui d’un officier de paix. Ils ne trouvèrent pas d’argent, mais s’emparèrent d’un pistolet automatique 7.65 se trouvant à l’intérieur d’une sacoche. C’est Maurice Jacot qui prit le révolver et qui lorsqu’ils furent seuls, fouilla le chargeur contenant des balles. En le manipulant, une balle tomba à terre. Il la replaça dans l’arme ».

La suite, nous la connaissons… Ce sera l’arme du crime.

Le jugement

Les jeunes auteurs de cet assassinat attendront 36 mois avant d’être jugés devant les assises des mineurs de Rodez. La presse évoque ce procès dont les faits avaient ébranlé toute la population millavoise :

Dans ses mémoires, le président de la cour, Georges Arbousset, écrit : « Pour ne pas marquer définitivement ces jeunes gens, le jury avait décidé de ne retenir que le meurtre et non l’assassinat ». Le magistrat dépeint aussi l’ambiance du palais et l’entourage des accusés. « D’un côté, un père, honorable adjudant des pompiers de Paris, trop sévère sans doute. De l’autre, une mère, une putain qui recherchait des clients à la sortie du tribunal… ». Le verdict est somme toute assez clément : quinze ans pour l’un, dix ans pour l’autre. Incontestablement, le jury veut croire en ces jeunes hommes » (Midi Libre, 6 mars 2010).

Malheureusement, ces deux-là étaient irrécupérables, l’un était un malade et l’autre récidiva en participant à une attaque à main armée à Toulouse. Détenu à perpétuité, Pierre Durand tenta de s’échapper et fut abattu par les gendarmes. Quant à l’abbé Challet, un berger retrouva son portefeuille deux mois après l’assassinat, abandonné par les assassins près du lieu du crime. Il n’y avait pas d’argent, mais il y’avait toujours les papiers du curé, son permis de conduire, sa carte d’identité.

La stèle à sa mémoire fut érigée courant novembre 1959 et trois évêques se réunirent au lendemain de la bénédiction de celle-ci. Mgr de la Chanonie, évêque de Clermont-Ferrand, en compagnie de son vicaire général, Mgr Boudon, évêque de Mende, et Mgr Ménard, évêque de Rodez, chacun accompagné de son vicaire général… Trois Princes de l’Eglise pour honorer le souvenir d’un jeune prêtre, victime de son idéal de charité.

Marc Parguel

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