Gastronomie

Cuisine : Le vin de noix

Dès le XVIIIe siècle, nous trouvons de nombreuses recettes pour l’eau, la liqueur ou le vin de noix. Fabriquées un peu partout en France, ce sont des boissons à la mode, des boissons « précieuses », comme on les appelait à l’époque. Il n’est donc pas surprenant de trouver dans des pays de noix, comme le Quercy et le Rouergue, des spécialités de liqueur et de vin aromatisés avec ce fruit.

Dans un article paru dans Midi Libre, le 23  novembre 1980, il est détaillé les vertus des noix, et du noyer en général : « Il y a bien longtemps, les paysans vénéraient les noyers, parce que tout est utilisable dans cet arbre. L’écorce verte qui protège la coque et noircit les doigts sert à préparer une teinture pour bois : le brou. Avec les feuilles jeunes, les grands-mères préparaient un « vin de noix » qui faisait merveille pour ouvrir l’appétit… ou aider une digestion difficile. »

Notons que l’eau de noix était réputée très efficace pour soigner les vers intestinaux. On la faisait boire aux enfants, et certains, y prenant goût, ne manquaient pas de se plaindre de maux imaginaires pour le plaisir d’y tremper leurs lèvres. Les coquilles brûlaient dans les cheminées, ou bien réduites en poudre, et étalées dans le four du boulanger, servaient de tapis au pain de campagne ; aujourd’hui cette poudre sert à la fabrication de contre-plaqué, ou d’isolant pour les cabines d’avions. L’huile alimentait les lampes pour la veillée et la table. Et les vieux arbres allaient poursuivre une vie éternelle dans l’âme d’une  vieille commode ou d’une horloge régionale. Rien ne se perdait…

Le vin de noix, très populaire autrefois, n’est pas, contrairement à son nom, un vin issu de noix, il ne fermente pas, c’est un apéritif  à base de vin et d’alcool dans lequel on fait macérer des noix. Ce vin est réalisé avec la noix tendre, ramassée autour de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin) avant que la coquille ne durcisse, autrement dit avec le brou de la noix et l’embryon tendre de la noix proprement dite. C’est en effet à la Saint-Jean que le brou de noix apporte toutes ses qualités acidulées et tanniques. 

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Voici ce qu’écrivait Georges Girard sur le sujet : « Hier, dans la « Nogarède » (planté de noyers) on entendait chanter : « Annie, la Saint-Jean approche ». C’est le moment d’aller cueillir les noix vertes. Encore tendres, elles nous donneront cette liqueur noire, qui aussi bien nous ouvrira l’appétit, et encore nous revigorera lorsque nous serons sur le point de nous évanouir : le vin de noix » (Journal de Millau, 25 juin 1976).

Celui-ci se prépare fin juin – début juillet pour être près deux mois plus tard. En effet on obtient après 40 jours un alcool doux auquel on attribue des vertus digestives et dépuratives. Les arômes du vin de noix sont marqués par l’apport du brou de noix : un parfum caractéristique, semblable à celui d’une oxydation légère, mais forte au nez se dégage du vin ; le goût en bouche est à la fois tannique et oxydé et marque fortement le palais. 

Et voici la recette : Dans une bonbonne à large goulot, verser 5 litres de bon vin blanc ou rouge, 1 litre d’eau de vie à 50 degrés, 40 noix encore vertes belles, coupées en petits morceaux, 2 gousses de vanille (les refendre), un clou de girofle, une noix muscadée rapée. 

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On peut utiliser aussi à la place de l’eau-de-vie, souvent âcre, un demi-litre d’alcool pur à 90°, sans saveur (d’après Paulette Parguel, Le Monna, 1970). Une fois remplie, bouchez la bonbonne et rangez-là dans la cave.Laissez là reposer quarante jours. Il ne vous restera plus qu’à la transvider en la filtrant. Autrefois on le faisait avec une étoffe d’étamine. Filtrer, ajouter 1kg de sucre. Ne buvez pas encore votre vin, laissez-le vieillir.  Attendre au moins un mois avant de goûter. Plus le vin de noix vieillit, plus il bonifie. Patience, patience !

Une autre recette use des feuilles de l’arbre, procédé très fréquent en Rouergue. « Vous devez utiliser des feuilles de noyer ramassées aux alentours de la Saint-Jean. Faites-les macérer dans un litre d’eau-de-vie pendant 3 semaines en prenant bien soin de les retourner tous les jours. Ce laps de temps écoulé, filtrez et ajoutez1 kg de sucre et 3 litres de vin » (Patricia Auger-Holderbach, la cuisine paysanne en Rouergue, 2007)

Marc Parguel

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