Direction le ravin du Valat Nègre cette semaine par la D991 (vallée de la Dourbie). Trois kilomètres avant la Roque Sainte Marguerite, un parking accueille aussi bien touristes que grimpeurs. Le chemin démarre à droite, il nous mène au bout d’une centaine de mètres auprès d’une caverne avec deux entrées dont l’une est en partie murée, la porte mesure 1m85 x 1m25. Elle est connue sous le nom de Grotte des Ânes.
Sur la droite, on devine un site d’escalade bien aménagé. Si je m’en réfère à mes notes, pour nous rendre à la baume du Valat Nègre, il faut tourner à chaque embranchement à gauche, et ce à deux reprises puis à droite, pour éviter de tourner vers la Poujade. Le sentier est par moment un peu raide à grimper. Arrivé à mi-chemin, une source nous accueille. On l’appelle tout simplement « Source du Valat Nègre ». Son débit n’est pas considérable, j’y ai mesuré 3 litres / minute en plein mois de juillet.
Le temps de prendre quelques photos et de s’interroger sur le nom du Valat Nègre. Certains évoquent que ce ravin a été appelé noir « sans doute à cause de la terre qui est noirâtre en surface ». Je crois davantage que cette appellation est surtout due à l’immense forêt sombre de pins sylvestres qui se dresse devant nous, au même titre que le nom du « Causse Negre ». Ce ravin ne s’est pas toujours appelé ainsi. Si sur l’Atlas Cantonal par Lacaze et Clergue édité en 1856, on peut lire « Ravin du Valat Nègre, à l’origine ce « valat » s’appelait le « Valat des Pourcils » (toponyme attesté en 1374, Archives château de Vézins), Pourcils signifiant ici pourceaux, car ce ravin abritait autrefois de nombreux sangliers. Ces lieux ont été habités depuis l’Antiquité, Balsan a trouvé des poteries sigillées, à quelques centaines de mètres du sommet du Valat Nègre. Après 30 minutes de marche et 250 mètres de dénivelé, nous voici arrivés à la Bauma Jaça (bergerie sous roche) utilisée pour les estivas (pâturages d’été).
Elle mesure 8,50 m de long sur 3,50 m de large. Visiblement cette baume n’est pas l’œuvre d’un berger, mais plutôt des nombreux bergers qui passèrent par là et qui montèrent le mur pierre après pierre.
Passons la porte d’entrée d’un mètre de large, et asseyons-nous pour avoir un peu de fraîcheur. 30 brebis pouvaient facilement y entrer.
On peut se demander comment au milieu des pierres amassées on a pu amener un bloc de roche mesurant 80 cm de hauteur sur 1m65. Autrefois les murs devaient joindre l’avancée rocheuse et fermer complètement la baume dont le plafond atteint les 2,80 m. Une lucarne (de 50cm x 30) permettait d’aérer la cellule. Quant au mur, il mesure 2,10 m de hauteur jusqu’à 2,80 m à l’endroit où il touche encore l’auvent rocheux.
L’originalité de cette baume est surtout les représentations rupestres contemporaines que l’on y voit aussi bien sur la roche que sur le mur. L’auteur de ces dessins, Guy Marco, a dû être inspiré par le paysage superbe en cet endroit et la liberté des oiseaux. Les puristes dénigreront l’œuvre, mais on ne peut qu’être sensible lorsqu’on voit ces îles paradisiaques dessinées et cet appel vers la liberté.
Quittons la baume et longeons le sentier, celui-ci s’enfonce peu à peu dans la forêt. En levant les yeux, on remarquera quelques ruiniformes intéressants.
Arrivé au niveau de l’arche, si on poursuit le chemin on remonte le ravin du Valat Nègre. Prenons plutôt le chemin de droite pour changer de ravin et atteindre celui de la Milière et du Douls. De ces hauteurs, on domine bien la vallée de la Dourbie. Après dix minutes de marche, nous voici arrivés devant une autre baume.
Nous la baptiserons « la Baume dallée ». Elle mesure 14 mètres de long sur 3,5 de large et repose sur un grand banc de rochers. On est assez surpris en passant la porte d’entrée d’un mètre de large, de voir la régularité de son sol. Les murs qui clôturent cet abri mesure entre 2,20 m et 2,50 m de hauteur.
Notre guide Alain Bouviala nous donne quelques informations sur le site : « La Milière, ça vient de mil, vous allez voir, il n’y a pas mal de murs de soutènement où ils cultivaient du mil, il y a des petites parcelles de mil. »
La baume dallée pouvait contenir 100 fèdes. Cette pratique, d’abriter les bêtes sous roche, a traversé les siècles jusqu’à nos jours. Les traces écrites, à ma connaissance, les plus anciennes, remontent au XVe siècle, sous forme d’actes notariés. Ainsi, dans les archives du château de Vézins, concernant La Roque Sainte Marguerite, il est parlé en 1430 d’une balme avec jas…
En 1435 et 1452, le ravin de la Milière s’appelait « la Melieyre ou bien d’Amelhieyre » (Archives du château de Vézins)
Pourquoi des brebis venaient ici ? « C’était des petits troupeaux de maximum 30 ou 40 bêtes, souvent des troupeaux de vallées qui montaient donc ils étaient de race caussenarde, race rustique, qui ne donnait même pas un litre de lait et elles avaient le pied montagnard, elles étaient presque aussi habiles pour grimper que des chèvres. Elles venaient du Monna, de la Roque,ou du Maubert de Longuiers et allaient brouter là. En dessous, il y plein de parcelles qui ont été aménagées, les pieds de vigne étaient complantés de poireaux, de millet. Les cerises, les poiriers, les pommiers étaient en bas de la vallée. Bien sûr les brebis étaient proscrites de la vallée parce qu’elles pouvaient faire des dégâts. Les brebis on leur faisait traverser les étages cultivés et puis elles broutaient là ou au-dessus. On avait la pratique de l’hivernage tant qu’il n’y avait pas de neige, elles mangeaient dehors, maintenant on les rentre. Autrefois, ces baumes étaient possession des seigneurs de Caylus (la Cresse), il les laissait aux bons soins des pauvres, mais il est dit qu’en temps d’orage, il se réservait le droit de récupérer ces abris sous roche » (D’après Alain Bouviala, sortie du 6 avril 2015).
« Noble Jehan de la Tour du château de Caylus (au-dessus de la Cresse) et coseigneur du château de La Roque-Ste-Marguerite a donné à perpétuité à Pierre Hugla du mas Albert (Maubert), des terres, casals… et deux baumes sises en Falcobert. Et il convient que Pierre Hugla ayant son bétail dans les baumes, devra en laisser toujours une de libre, afin que les troupeaux du noble Jéhan puissent eux aussi s’y abriter » (M. Ucla, 9 avril 1454).
1430-39 : Deux balmes sises au lieu dit Falcobert.
1450 : Une grotte (balme) avec jas (bergerie) dite Antre dels Soliers.
1464 : Une bergerie (jasse) dite de Calver, avec terroir et grotte (balme) adjacente dite la balme moutonne.
Cette baume sert depuis des décennies de lieu de ralliement pour les amateurs de barbecue. Jusqu’ici, on y faisait cuire des saucisses aux beaux jours, mais depuis l’été 2008, le grill a disparu… Notons que le barbecue est une technique de cuisson très ancienne pratiquée et connue de populations ancestrales. Elle avait été peu à peu remplacée par des techniques de cuisines plus sophistiquées avant de réapparaître enfin pour une cuisson plus festive.
Sur la gauche de la Baume et un peu en hauteur, une arche naturelle donne un peu de poésie au décor.
En dessous de la baume est un parc a brebis, enclos muré.
On file dans le ravin par un sentier qui descend rapidement. On peut qu’être étonné en voyant en bordure des falaises des murs en pierres sèches qui défient autant les siècles que l’équilibre.
Nous nous arrêtons devant la source qui a donné son nom au ravin.
À SUIVRE…
Marc Parguel