Patrimoine millavois
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Patrimoine Millavois. La rue Louis Blanc

Autrefois « Boulevard des Carmes », la rue Louis Blanc porte ce nom depuis 1883, date à laquelle le conseil municipal décida d’honorer la mémoire de cet historien et homme politique.

Lors de ce changement de dénomination, Jules Artières s’interrogeait « Pourquoi donner le nom d’un littérateur et d’un homme politique né à Madrid à la grande rue qui relie la Place de l’Hospice (Bompaire) à celle de l’Industrie ? (Martyrs de la résistance) Est-ce – parce que Louis Blanc (1811-1882) fit une partie de ses études au lycée de Rodez ? Est-ce parce que sa famille était originaire de Saint-Affrique ? La raison est plus qu’insuffisante. Combien nous aimerions mieux l’ancien nom de Cours des Carmes qui subsista jusqu’en 1883 et qui avait le mérite de rappeler un souvenir d’histoire locale ! » (Millau à travers les siècles, p.443, 1943)

En effet, la rue Louis Blanc portait autrefois le nom de Boulevard des Carmes, car les Carmes s’établirent à Millau, dans le cours du XIIIe siècle, sur l’emplacement qui sera plus tard occupé par la Teinturerie Nouvelle. Les Carmes, qui dirigèrent longtemps le Collège communal disparurent à la Révolution.

Qui était Louis Blanc ?

Louis Blanc (1811-1882). © DR

Petit-fils d’un riche négociant de Saint-Affrique guillotiné sous la Révolution française, et fils d’un fonctionnaire de Joseph Bonaparte, éphémère roi d’Espagne, Louis Blanc et son frère Charles connurent après la chute de l’Empire une existence triste et pauvre. En effet, rentré en France, leur père Jean-Charles Blanc ne tarda pas à connaître de graves revers de fortune. Il abandonna femme et enfants.

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Elevés au lycée de Rodez, grâce à l’octroi d’une bourse royale, Louis et Charles poursuivirent brillamment leurs études. En 1830, ils quittèrent Rodez et Louis, après avoir travaillé quelque temps comme clerc d’avoué à Paris, réussit à s’imposer dans le journalisme. Devenu l’un des porte-parole du socialisme, il fut bientôt considéré comme le maître intellectuel du mouvement.

À Paris, en 1835, il devint historien et homme politique. Exilé en Angleterre après l’émeute du 15 mai 1848, d’où il publie notamment son Histoire de la Révolution française en 1851, il revient en France au lendemain de Sedan. Aux élections de février 1871, il est élu premier représentant de la Seine, avec plus de voix que Victor Hugo ou Gambetta, et il préside l’Union républicaine en 1872. Faisant preuve d’une remarquable constance jusqu’à sa mort le 6 décembre 1882, proche de Clemenceau, il n’a cessé, comme député, de faire passer ses idées.

Suite à son décès, la municipalité de Millau décida l’année suivante de rebaptiser le boulevard des Carmes au nom de Louis Blanc « l’un des plus authentiques fondateurs de l’idée socialiste en France » d’après Maurice Agulhon, tandis que la route Neuve prit la même année d’un autre homme politique d’importance, Léon Gambetta décédé lui aussi en décembre 1882, la route ayant prit le nom d’Avenue.

Description de la rue

La rue Louis Blanc vue de la Place des Martyrs de la Résistance, 10 mars 2024. © Marc Parguel

On vient dans cette rue en descendant le boulevard de l’Ayrolle ou par la place Bompaire ou la rue du Jumel, elle se dirige vers la Place des Martyrs de la résistance. Plusieurs rues s’ouvrent le long de la voie, telle que la rue du Rec, la rue Antoine Guy ou encore la rue de la Tannerie. Cette rue longue de 215 mètres et large de 5,50 m surtout connue des automobilistes, n’était autre que la route nationale 9 (actuelle D41), où l’on pouvait voir circuler journalièrement de nombreuses files ininterrompues de véhicules.

Forcément les accidents étaient nombreux : « le 24 avril 1933, vers 18 heures, un jeune chauffeur pilotant une camionnette de la maison Gros, fabricant d’eau gazeuse à Millau, a heurté, rue Louis Blanc, M. Farjon, gérant des Docks méridionaux, de la rue droite, qui roulait à bicyclette. La violence du choc fut telle que le bicycliste fut projeté, puis coincé entre la voiture et le trottoir. Il expira presque aussitôt. L’enquête s’efforcera d’établir les circonstances de ce pénible accident. » (Le Petit Marseillais, 26 avril 1933, p.9). La rue devenait aussi vite impraticable lors des terribles crues du Tarn.

Commerces

Au n° 11 de la rue, en 1912, la famille Gayraud tenait au rez-de-chaussée, boucherie (E. Gayraud) et épicerie (Léon Gayraud), tout en vendant aussi des faïences et des huiles et savons, dans deux boutiques voisines. Plus tard la boucherie sera rétablie par la famille Migayrou, tandis que l’épicerie sera occupée par une entreprise de construction de cheminées.

Au 11 rue Louis Blanc, vers 1930, de gauche à droite, Mme Gayraud, sa sœur et leur employée, Louise Trinquier. © DR

Dans les années 1930, on aller « faire les commissions » chez Combis pour acheter du pain, ou à l’épicerie chez Me. Gayraud. « Dans les années 1940, la rue Louis Blanc comptait plusieurs commerces : la boucherie Bernard, le marchand de journaux, les trois épiceries, dont les Docks méridionaux et l’Étoile du Midi. » (Paul C, Des Millavois parlent aux Millavois, tome I, p.46, 2010)

Le bar toulousain présente une histoire assez singulière. En effet, bien que fidèle à la rue Louis Blanc, il déménagea trois fois en 80 ans, sur moins de cent mètres. Le premier était situé à l’angle de la rue du Rec, à droite pendant la guerre de 14-18.

Le premier café Restaurant toulousain en 1916. © DR

Le second bar était situé à gauche de la rue du Rec dans les années 1920.

« C’est Pauline Marc épouse Caldier (1886-1944), auparavant couturière chez Martel, qui ouvrit le premier établissement après la guerre de 14. Son mari Raoul Caldier (1885-1945), menuisier de son état, devait parfois lui donner un coup de main. Par la suite, le bistrot (avec ses trois emplacements différents) fut tenu par Marc Caldier, puis après la guerre de 1939-45 jusqu’en 1985, par sa fille Raymonde Carrié Caldier (1911-1989). » (Les couleurs retrouvées des Millavois d’antan, A tous cœurs, 2023).

Dans les années 1950, ce bar devient le siège de l’Amicale du Saoutadou et de la Gaule millavoise.

Albert Caldier avec Lucien Carrié, accordéoniste et Raymonde Carrié Caldier dans les années 1950. © DR

Ce bar était très animé pour le 14 juillet dans les années 1960 avec le matin le déjeuner avec l’Élan Millavois, après avoir accompagné la Gaule Millavoise au concours de pêche.

Quelques faits divers

Signalons quelques faits originaux survenus dans cette rue.

En janvier 1899 : « Dans l’après-midi, le jeune Calmels, ouvrier corroyeur, rue Louis Blanc, âgé de 19 ans, s’amusait à tirer des coups de pistolet à l’occasion d’un mariage célébré dans le quartier. L’arme mal chargée ou en mauvais état a éclaté, et ce jeune homme a été grièvement blessé à la main droite. Il a reçu aussitôt les soins empressés du docteur Bompaire et reconduit ensuite à son domicile » (La Dépêche, 7 janvier 1889)

Le mercredi 5 septembre 1900 « rue Louis Blanc, maison Brouillet, la veuve Lauret, locataire dans cette maison, se rendait à la cave prendre du vin pour le repas de midi. Dans cette maison comme dans beaucoup d’autres se trouve un puits. Les planches vermoulues de cette trappe cédèrent au passage sous le poids de la veuve Lauret qui fut du coup précipitée dans le puits, ne mesurant pas moins de dix mètres de profondeur avec près de trois mètres d’eau.

Au même moment, un jeune enfant ayant entendu la chute et les cris de la malheureuse, Mme Lauret appela aussitôt au secours ; les voisins accoururent avec des cordes et des échelles, et le nommé Delpal, n’écoutant que son courage, descendit dans le puits et non sans peine put enfin enrouler une des cordes autour du corps de Mme Lauret qu’on parvint enfin à retirer saine et sauve. » (Le Petit Marseillais, 9 septembre 1900).

Le journal de l’Auvergnat de Paris nous apprendra que « la Veuve Lauret était âgée quarante-cinq ans, et que dans sa chute, elle s’était cramponnée à un vieux tuyau de pompe. Il était temps qu’on vienne à son secours, car elle était à bout de force. M. le docteur Castanier lui donna les soins nécessaires » (16 septembre 1900).

Enfin, terminons avec cette histoire insolite en 1952 : « Les boueurs ont découvert dans une poubelle, rue Louis Blanc, un crâne et divers ossements humains provenant d’une grotte ou d’une caverne. Ceux-ci rassemblés furent déposés à la gendarmerie. Il semble à première vue qu’ils ne proviennent pas de la grotte de Trevézel. On se demande à quel mobile a obéi celui qui s’en est débarrassé » (L’Auvergnat de Paris, 26 avril 1952)

« Le Mystère de la rue Louis Blanc a été vite éclairci : les ossements humains trouvés dans une poubelle ne provenaient pas de la grotte de Trevezel, mais d’un nettoiement de galetas. Le fils d’un des habitants de cette rue, excursionniste amateur, avait ramené de la visite de certaines grottes quelques ossements qu’il avait enfermés dans les combles de sa maison. À la suite d’un déménagement, ils furent abandonnés. C’est là toute l’explication d’un mystère qui, durant quelques jours, fut diversement commenté » (même journal, 3 mai 1952)

Marc Parguel

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