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Millau. Une page se tourne à OKFÉ

OKFÉ, établissement désormais incontournable en cœur de ville, tantôt café, restaurant, brasserie ou bar de soirées a fermé ses portes le 24 mars dernier, vendu par les charismatiques David Capony et Gregory Viguié.

Après une soirée de fermeture mémorable, remplie de rires, de larmes et de cadeaux, rencontre intime avec les deux cédants, David et Greg, professeurs de sports à l’origine, devenus commerçants : retour sur « six années inoubliables ».

Un challenge professionnel « incroyable à vivre »

Les yeux encore remplis d’étoiles, embués de larmes aussi, les deux acolytes, cousins par alliance, ne sont toujours pas descendus de leur nuage. À l’heure de tout nettoyer et remettre en état pour les repreneurs, en vue de la signature officielle de la vente le 28 mars, les souvenirs affluaient. « On a tellement de choses à finaliser qu’on est sur le même rythme en fait. On veut être propres jusqu’au bout, et profiter de notre équipe jusqu’au bout aussi ».

À l’origine du projet de reprise, un repas de Noël à la ferme, en famille. Des réflexions personnelles à un carrefour de vie après un accident de parapente pour David et l’envie de nouveaux challenges pour Greg, de discussions en projections, ils enchaînent ensuite assez vite : ne pas reprendre un bar pour avoir un bar, ils ne veulent « que OKFÉ et rien d’autre ». Passent 18 mois, un an de démarches pour pouvoir voir leur rêve se réaliser au printemps 2018.

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Passer de prof à entrepreneur, commerçant, a été « un gros défi » pour eux. « Là on ne peut pas se cacher. Tu ne dois tout qu’à toi-même : l’échec ou la réussite. Il y a une forme d’adrénaline quand tu sens que ce que tu entreprends fonctionne, que ça prend tout de suite ! Et manager une équipe, ce que nous dans nos fonctions on n’avait jamais fait, ça a été une expérience humaine plus plus : 10 personnes voire plus avec les extra, y compris les membres de nos familles, les enfants parfois. Incroyable ! » se souviennent-ils.

En moyenne, OKFÉ sert à l’année 100 couverts le midi, avec une pointe à 246 sur un service. « Plus jamais, s’accordent-ils, c’était trop. Au début on était en mode records à chaque fois, mais on a vite compris que tout le monde sortait de là rincé. Le pire jour de la vie de Maxens à la plonge. Donc on a préféré lever le pied et gérer le bien être de chacun. La limite de l’exercice, c’est le moral de l’équipe. »

La richesse d’OKFÉ, ce n’était pas forcément les fêtes, c’était aussi le café le matin, le resto le midi, carrément la cantine pour certaines entreprises, et les différentes animations le soir suivant ou un jour de la semaine. Au final ressort le sentiment du devoir accompli. Ils ont « essayé de tout bien faire jusqu’au bout ».

Épanouis d’une aventure humaine avant tout

Quand on leur demande une image qu’ils retiennent de cette aventure, en regardant dans le rétroviseur, d’un sourire malicieux et complice échangé, ils parlent de « plaisir » et de « famille ». « On a construit l’entreprise sur un modèle familial. Avec une autorité à deux têtes pour avancer, mais beaucoup d’échanges, des liens forts et encore plus d’amour. On n’a pas constitué une équipe, on a fondé une famille. Et on a essayé de le faire ressentir à notre clientèle, » se remémorent les deux complices.

Ils ont géré cette entreprise de façon atypique, sans jamais rien faire comme les autres dans la restauration : fermer une semaine à chaque vacance scolaire « pour que chacun puisse en profiter de sa famille », être en saison inversée « pour laisser les confrères saisonniers plus bosser l’été » n’est pas une vision classique ni une réponse habituelle apportée aux problèmes rencontrés dans le secteur du CHR. Cet état d’esprit a pris beaucoup de sens lors de la soirée de fermeture, comme un juste retour des choses. Quand on donne, on reçoit. « Franchement, on a été gâtés ! »

« On sort de là enrichis humainement, beaucoup plus que financièrement d’ailleurs, » avouent-ils. Ils ne cherchaient pas forcément à vendre, même s’ils s’étaient fixés mentalement une barrière à sept ans, l’amortissement du fonds, des crédits, etc. Cette vente n’est pas subie, mais l’opportunité s’est présentée. « C’était impensable pour nous de vendre à un Parisien inconnu qui pose une valise sur le comptoir. On voulait vendre à des Millavois, des gars qu’on connaîtrait et en qui on aurait confiance. Aussi parce qu’on veut revenir comme clients. »

Ils n’ont cherché personne, mais quand les repreneurs sont venus les voir, leurs profils et leur projet les ont convaincus. « Tony et Jo, ce sont des Millavois, jeunes, motivés. Jo connaît la maison, ils cochent toutes les cases. »

L’album de souvenirs

Si on leur demande d’ouvrir l’album de souvenirs, David et Greg hésitent. Ils ont tellement fait tourner la fabrique à souvenirs en six ans que c’est difficile. Cette soirée de fermeture revient bien sûr, mais ils étaient « prêts, déjà rodés à ces événements ».

Néanmoins, ils ont été marqués par les débuts. Le 1er été, en 2018, et la Coupe du Monde de foot. « On ouvre juste après les travaux, après une longue période de papiers, et on se rend compte qu’on n’était pas prêts. On se fait déboîter. C’était l’insouciance du début, les Bleus vont au bout, on est portés par la folie, le monde. C’est euphorisant. On fait bosser nos femmes, nos familles pour s’en sortir. Inoubliable. »

La soirée des 5 ans aussi. Et les Noëls. « Chacun est venu et a pu se fabriquer ses propres souvenirs tellement c’était ouvert et intergénérationnel », ce qui leur a été « reproché au début ». Mais « ils s’en fichent, c’est ce qu’ils voulaient. Faire des quines à l’ancienne avec des grains de maïs, des soirées de pulls moches, du théâtre d’impro, du beach-volley, diffuser des matchs de foot et de rugby », expliquent-ils. « Sur la journée du vendredi, on était à la musette le matin avec les papis et les mamies du marché, on faisait un gros service de restauration et on finissait la soirée sur du Jul et Céline Dion. Tu vois le grand écart ? C’était ça OKFÉ. Tout le monde pouvait s’y retrouver. »

Mais impossible de parler souvenirs, de famille et d’aventure humaine sans parler de Frédo (NDLR Frédéric Leduc, l’ami et le cuisinier, décédé en juin 2023). « Il était déjà là avec Yannick (Chopin), il est resté avec nous, pour notre projet. Quand il est décédé, ça a été un choc pour nous tous. Une énorme claque. Son départ a encore plus resserré les liens entre nous. On ne peut pas partir sans avoir une pensée pour lui là-haut. »

L’après ?

L’après de David et Greg, c’est LA question que tout le monde se pose. Après quelques courtes semaines d’hésitations et des discussions en famille, décision est prise de se reposer avant tout.

« On a failli replonger dès cet été, par peur du néant, mais on a été rattrapés par nos familles qui nous ont dit avec raison calmez-vous, posez-vous. ». Chacun repart donc sur un boulot stable, et peut-être quelques extra cet été pour aider les copains.

Pour l’instant ils jurent « ne rien avoir en tête », mais en septembre, ils repartiront en réflexion, uniquement sur un projet au format saisonnier, sachant qu’ils ont aussi une clause de non-concurrence. « Avant on était inconnus, et on ne connaissait rien. Maintenant on sait ce qu’on veut, on sait qu’on aime faire plaisir, qu’on aime la bonne bouffe, le naturel. On se fera plaisir. »

En attendant, les deux cousins vont s’accorder du temps pour eux et leurs proches. Et quand ils ressentiront un manque, si ça arrive, ils chercheront à le combler, en bons alchimistes du plaisir.

Un dernier mot ?

« MERCI les gens. OKFÉ ça a été David et Greg, mais pas que. On a eu des équipes formidables, sans elles on n’aurait rien fait. Les clients et les habitués ont rendu ce lieu magique. Nous, on a pris beaucoup de plaisir et visiblement eux aussi. Ça a été un échange de bons procédés. Donc merci ! »

Info : OKFÉ est fermé pour travaux. Réouverture prévue le 13 avril avec les nouveaux propriétaires.

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