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Patrimoine Millavois. La Place des Martyrs de la Résistance

Cette place fut tracée en 1821 pour dégager les abords de l’Avenue du Pont Lerouge, qui venait de s’ouvrir, baptisée en premier Faubourg du Pont puis Rond-Point de la Rotonde.

En effet, au nouveau pont inauguré le 1er janvier 1821, on ouvrit dans la foulée, à travers l’enclos de l’ancien couvent des sœurs de Sainte-Claire, une large voie, l’avenue du Pont Lerouge, et on traça la place circulaire du Pont de 25 mètres de rayon, qu’on nomma dès 1830 «  place ronde du pont le Rouge » et pour l’embellir on y plaça en son centre une fontaine (qualifiée de nouvelle fontaine dans l’Echo de la Dourbie du 31 décembre 1843) que l’on fit disparaître avant la Seconde Guerre mondiale.

La  « place ronde du pont Lerouge » vue du Pont vers 1905. (DR)

À ce sujet, Robert Roussel (1923-1999) qui a passé son enfance dans ce quartier nous la décrit telle qui l’a connut : « Notre placette n’avait pas du tout la configuration actuelle. Elle a été modernisée, défigurée en 1936 par les élus de la municipalité Caussignac, avec trottoirs, rond-point central et éclairage avec des mats sur le giratoire. Les maçons de la ville, dirigés par M.Boudes, et les charpentiers avaient abattu les gros platanes du centre, la vieille fontaine en pierre avec sa niche, le transformateur électrique, le banc du gros, très gros platane. Les trottoirs cimentés en rouge, aux bordures en brique, et le goudron avaient remplacé le sol de terre et de pierre. Refaite à plusieurs reprises, la « Placette » a perdu son âme. »

« La Rotonde » au centre de laquelle apparaissait une fontaine plus curieuse et monumentale qu’élégante, fut rebaptisée à la fin du XIXe siècle « Place de l’Industrie », nom populaire, qui figure sur le recensement de 1891 ; rappelant une ère d’expansion industrielle, car située à proximité d’importants ateliers de tannerie, et cela explique qu’on lui ait donné un nom rappelant qu’elle est au centre d’un quartier industriel.

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Elle mesurait initialement une superficie de 20 ares en chiffres ronds. Robert Roussel nous la décrit comme suit : « C’était un Y :  la rue Louis Blanc était prolongée à droite par la route de Peyre, à gauche par la route de la Cavalerie, qui passait à dix mètres à peine des maisons. Au centre de l’Y, entouré de platanes, isolé de la circulation, se trouvait notre terrain de jeu, espace libre dix mois de l’année. De novembre à décembre, les alambics de Carrière et d’autres artisans s’installaient. Des charrettes de marc de raisin arrivaient, étaient déchargées. Les odeurs d’alcool flottaient dans l’air, de la boue rouge gênait la circulation. Au départ de l’avenue Louis Blanc, sur la droite, le café Balard était le lieu de rassemblement des enfants du voisinage, particulièrement à l’époque de la Saint-Jean, lors de la collecte des fagots destinés à alimenter le feu.

Le café de l’Industrie était notre siège social, ainsi que celui « officiel » des Boules de l’Industrie. Les propriétaires, Jeanne Ginestet et son mari avaient succédé à Victorin Balard. Ils ont tenu le café pendant plus de 20 ans. Le père Balard avait crée son dancing-musette en 1919. Il concurrençait les Coupiac à Beaulieu avec la Lyre » (rue de la Condamine).

La boule de l’Industrie avait été fondée peu après la Grande Guerre. Elle avait son terrain sur l’avenue de Calès. On y pratiquait le jeu lyonnais. Il n’existait en ce temps-là qu’une autre société bouliste à Millau, les coopérateurs. Les voici ici, réunis en 1926, place de l’Industrie, à l’occasion d’un concours de boules, autour du drapeau de la Fédération du Plateau Central.

Des boulistes sur la Place de l’Industrie en 1926 (DR)

Traversé par la Nationale 9, la « Place de l’Industrie » est qualifiée de « voie communale à caractère de place publique, n°2, superficie 1960 m2 ». Sous l’occupation, elle prendra le nom de Place Gaujal en juin 1943.

À la Libération de 1945, on voulu lui donner une nouvelle dénomination, on l’appela «  Place des Martyrs de la Résistance »: « Pour honorer la mémoire des Résistants qui ont donné leur sang pour que vive la France pendant l’occupation allemande de 1940 à 1945 »  (délibération du conseil municipal du 9 juillet 1946), ce qui fit grincer quelques dents, car pour honorer très légitiment d’héroïques compatriotes, a qui l’on aurait pu consacrer une voie des nouveaux quartiers, on a débaptisé une place au nom populaire, traditionnel et fleurant bon son XIXe siècle.

Démolitions en vue de créer l’avenue de Verdun (février 1965) – DR

Pour l’aménagement du quartier Beauregard, une ordonnance municipale du 2 janvier 1963 a prononcé l’expropriation de divers immeubles bâtis et non bâtis au quartier de Beauregard en vue de la construction de nouveaux bâtiments HLM et l’établissement d’un débouché pour l’avenue de Verdun sur la place des Martyrs de la Résistance. Le 29 septembre 1964, le conseil municipal vote la démolition des immeubles bâtis et l’exécution des terrassements qui donneront naissance au débouché de l’avenue de Verdun sur la place. Ce percement de l’avenue sur la place des Martyrs de la résistance a été confié à l’entreprise Rouvier de Millau, le 20 janvier 1965, les travaux débutèrent en février.

La place actuelle (10 mars 2024) – DR

Depuis la Place est toujours très animée par le passage des voitures et pour ornementer son rond-point, on y a placé à défaut d’une fontaine, une caselle, symbole du pastoralisme sur nos Causses. 

Marc Parguel

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