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Causses et vallées. La grotte des Fadarelles (Commune de Millau, causse Rouge)

La grotte des Fadarelles ou « grotte des fées » est une cavité fortifiée sans doute au XIVe siècle, blottie à flanc de falaise, sur le Puech d’Andan, au-dessus de la ferme de la Martinerie. Elle n’a pas été aménagée dans un premier temps comme une jasse, mais dans un but militaire.

De modeste dimension (Longueur 18m x largeur 10m) et close par un mur en pierre de taille dont l’ouverture se fait par une porte à linteau, elle domine Millau et le village de Saint Germain.

Françoise Galès la détaille comme suit : « Un mur de pierre de taille régulièrement assisé » la clôt, elle est percée d’une porte à gros linteau droit cantonnée de canonnières. Deux, superposées dans le prolongement de l’ébrasement intérieur, à l’est, commandent le chemin d’accès tandis que la canonnière contiguë à la porte en protège l’entrée. Un trou barrier dans lequel coulissait une barre de bois permettait de clore fermement le vantail » (Millau, le Patrimoine des Causses, 2010)

Le trou barrier à l’entrée destiné a recevoir une poutre pour clore le vantail. © Marc Parguel

Le puech d’Andan ou Puech d’Ondon, est un des pics qui dominent Millau. Son nom lui vient du village d’Andan, disparu depuis cinq siècles. On sait que le mot « Puech » signifie sommet. Le terme ande est un préfixe augmentatif synonyme de grand. Puech d’Andan signifie : grande éminence. Comme dirait Jules Artières dans « Millau à travers les Siècles » (1943) : « Le Puech d’Andan, que nous dénommons « Piétondon » : Olp é de Piétondon, St-Germo es ossetat, dans notre langue maternelle, est cette éminence, d’où l’on jouit sur le Tarn, les Causses et le Lévezou, d’une vue magnifique ».

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La cime du Puech qui domine la vallée du Tarn, se termine par deux cornes : l’une sur Aguessac, l’autre sur Millau portant chacune un cap barré. Si ces cornes ne portent pas de trace de véritables barrages, c’est que les flancs abrupts de la cime assuraient sa défense et qu’il suffisait d’y établir des postes privilégiés d’observation lors des affrontements.

Au Moyen Âge sur ce « puech », comme sur les autres points élevés entourant Millau, on envoyait des sentinelles faire le guet ; notamment pendant les guerres anglaises, où la population de Saint-Germain aurait pu se réfugier dans « la grotte des fées » surplombant le village en 1389, on voit souvent dans les comptes consulaires, des mentions du genre de celle-ci, qui date de l’époque des routiers : « A XI de may (1422) mezem bada en Andon per paor de las gens d’armas » (le 11 mai, on met un guet sur le Puech d’Andan par peur des hommes d’armes) ; et de l’époque des guerres civiles entre calvinistes et catholiques du XVIe siècle : « sept sous à Blaise Balcous et Ysaac Lagarde, laboureurs (gens de la terre, paysans) envoyés en sentinelle au Puy d’Andan, pour voir si les troupes qui estoient au village d’Aguessac, qui s’en alloient au siège de Cornus, s’approchaient de la présente ville ». (Jules Artières, Messager de Millau, 15 janvier 1910).

Vue de Saint-Germain prise depuis la grotte. © Marc Parguel

Cette grotte avait donc un rôle stratégique, avec son entrée close et munie de canonnières, ce qui n’empêcha des pillages en série : le rentier de la Martinerie dit que les catholiques lui ont pris les bœufs aratiés et autre bétail et ne pouvant labourer il relaxe lad. métairie (9 août 1575).

Un de ses successeurs rapporte que le 18 novembre 1586 il lui a été pris de nombreuses bêtes à laine ; bien qu’il ait déjà fait beaucoup de labourage, il relaxe à son tour ladite métairie. Afin de se préserver des pillages, le fermier de Montels avait loué en 1586, trois ouvriers, de Millau, « à faire soldats » chacun avec son arquebuse, pour un mois, moyennant 3 escus 2 tiers chacun et sont tenus lesd. soldats faire bonne garde, tant de nuit que de jour, et tenir leurs arquebuse de poudre, corde et boulets ?…(4 août 1586).

Dans la grotte. © Marc Parguel

Rendons-nous à la grotte aménagée en bergerie, sous la corne qui domine Saint-Germain.

La présence de canonnières de part et d’autre de la porte d’entrée ainsi que le système de fermeture rappelle son rôle de poste de surveillance. La porte d’entrée mesure 1 min 40 s de hauteur et son mur est si épais qu’il ne mesure pas moins d’1m85 d’épaisseur. Les pierres de taille mesurent pour certaines 1 m de large sur 35 cm de hauteur. La cavité n’est pas très profonde (environ 18 mètres de profondeur pour une hauteur de 2 mètres).

Il s’agit bien d’une grotte fortifiée-refuge, car tous les éléments en présence s’y rapportent : épaisseur des murs, meurtrières, passages de « barrouls » Idée confirmée par Albert Carrière : « On y a trouvé des briques à rebord (époque romaine), une anse d’urne, un tesson de pot de fleurs….

Les gros blocs taillés de l’entrée, les trous de la barre qui servait à fermer la porte, laissent croire qu’elle fut d’abord un refuge soit pour l’homme, soit pour les animaux. (Mémoires de la Société des Lettres de l’Aveyron, t. XXI, 1921) « Cette grotte si bien décrite par Albert Carrière ne peut être que la « Jasse des Fadarelles » la grotte des fées d’où sont sortis dans le passé, tant de légendes merveilleuses aujourd’hui tombés dans l’oubli » (Juliette Andrieu, Journal de Millau, Grimpons sur le Puech d’Andan, 1er juin 1979).

Dessin de J. Andrieu (1904-1998) extrait du bulletin « L’Écho du pic d’Andan » n° 10 deuxième trimestre 1986.

En 1907, un article ressemblant à un conte publié dans le « Messager de Millau » et intitulé « La louve du pic d’Andan » nous relate l’histoire d’un chasseur qui, passant près de cet abri dont nous venons de parler, y rencontra un déserteur que tous les gendarmes du secteur recherchaient. Après avoir sympathisé avec lui : « Debout, l’inconnu m’invite à m’asseoir et m’offre pour siège une pierre pareille à celle où il était assis : j’accepte et nous lions conversation ».

Dans la grotte. © Marc Parguel

Le déserteur se confie et dit que dans cet abri il se nourrit du lait de sa chèvre. A cette époque, dans les récits, il est souvent question du loup… mais laissons l’homme s’exprimer et les archives parler : « Depuis que je me cache dans ce trou, je me nourris du lait d’une chèvre du domaine de St Antéjax ; tous les jours la petite bête m’apporte son lait. Ce matin je la regardais partir, quand une louve fond sur elle ; je me précipite, en criant : haro ! L’animal carnassier prend la fuite ; mais la petite chèvre est étranglée… (…)

Seul et m’apitoyant sur le sort de la petite chèvre, je me dis : « Si le carnassier venait prendre sa victime, ce qui est dans les habitudes de ces fauves, je pourrais lui faire payer cher son méfait. Je me blottis dans la grotte. Le crépuscule commençait à peine que j’aperçois la louve revenant : elle s’arrête, flaire et d’un bond se jette sur la morte. J’épaule mon fusil : pan, pan ! la louve est morte. J’accours et, fier de mon exploit, je m’écrie : « l’innocence est vengée et le crime puni. ». (Messager de Millau, 12 janvier 1907).

Marc Parguel

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