Curieuse appellation que l’impasse de la belle laitière qui se situe non loin de la rue de Viastels et face à la rue de Monseigneur Andrieu. Comme son nom l’indique, c’est une voie sans issue, un cul-de-sac ! Il lui en faudrait pourtant peu pour rejoindre la rue des fleurs toute proche. Une autre voie privée rejoint la rue de la mère de Dieu faisant face aux salles de la menuiserie.
Mais pourquoi lui avoir donné le nom de « la belle laitière » ? Habituellement, la commission de dénomination des rues sauvegarde toujours en priorité, dans les quartiers où s’implantent actuellement les nouvelles voies communales, le nom du lieu-dit porté au cadastre, mais là, il en a été autrement, il s’agit bien d’une laitière que la municipalité a voulu mettre à l’honneur. Certes nous connaissons le tableau de la laitière de Johannes Vermeer, ou encore reprenant l’oeuvre du célèbre peintre la fameuse crème dessert du même nom, mais à Millau, ce n’est pas pour célébrer cette laitière-là que l’impasse a pris ce nom.
La réponse nous est donnée par Georges Girard : « Lorsque j’étais encore jeune, ma grand-mère invitait tous ses petits-enfants, chaque jeudi midi à sa table et, une fois le repas achevé, pour attendre le copieux goûter qu’elle nous réservait encore à quatre heures, elle nous conviait à la promenade, toujours la même. De la rue du Barry d’où nous partions, il s’agissait d’atteindre la ferme de la belle Laitière où la grand-mère retrouverait son amie, la bonne Mme Arnal qui nous accueillerait pour quelques instants. « Allons, enfants, nous disait grand-mère, du Cap del Barry pour aller à la ferme, nous passerons comme d’habitude par la rue numéro 3 ».
Ce numéro 3 nous intriguait à chaque fois, surtout parce qu’arrivés devant la maison qui portait un numéro aussi capable de lui valoir la dénomination de cette rue, la bonne grand-mère nous faisait hâter le pas comme si elle en redoutait quelque malheur. Bien entendu, nos questions à ce sujet restaient sans réponse, élucidées par cette simple déclaration impérative : « Quand vous serez plus grands ! »
La rue n°3 n’était autre que l’actuelle rue Montplaisir, du nom de la ferme récemment démolie pour cause de voirie. Ayant grandi et selon la promesse de notre mamète, nous sûmes alors que pour de joyeux et excités Millavois, ce n°3 représenta longtemps ce paradis de passagères délices que Marthe Richard se chargea un jour de fermer définitivement » (Des hommes dans nos rues, découverte du rouergue n°4, annales 1987-1988).
Cette rue Montplaisir (longue de 480 mètres et large de 7 mètres) qui part du plan des Capucins à l’avenue Charles de Gaulle s’est appelée aussi rue Paradis. Il existait au-dessus du Couvent de l’Arpajonie (actuelle gare Sncf) un champ appelé « Parc Paradis » petit paradis, Montplaisir à survécu.
La belle laitière, alias Madame Arnal possédait sa laiterie proche de là, au 7 chemin la Mère de Dieu.
Julie-Léonie Saquet était née à Montjaux le 25 juillet 1882 et avait épousé Hippolyte Germain Arnal et tous deux exploitaient une propriété, quartier de Montplaisir, spécialement consacrée à la laiterie. La bonté aussi bien que la beauté de Madame Arnal l’avaient signalée à l’attention de ses clients qui lui attribuèrent le nom flatteur de « la Belle Laitière ».
Georges Girard dans son ouvrage « Des rues, des hommes » (1987), donne ces précisions : « De leur mariage sont issus : René-Valentin, en avril 1906, époux d’Antoinette-Justine-Adrienne Magrin qui décéda à Paris en 1975. Leur fille Claudie est devenue Madame Jacob. Les époux Arnal-Saquet avaient eu la douleur de voir leur fille Paule, née en novembre 1909, mourir accidentée, horriblement brûlée par l’eau bouillante d’un chaudron dans lequel un faux pas avait fait choir le bébé, le 16 novembre 1911.
Madame Arnal devait décéder dans sa laiterie, le 18 juin 1968. »
La ville de Millau a donné le nom d’Impasse de la belle Laitière à une voie dont l’assiette est située dans l’ancienne propriété de Madame Arnal (décision du 19 décembre 1979). C’est une impasse relativement longue d’une largeur de 7 mètres.
Marc Parguel