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Disparition de Michel Genniaux : les anciens élèves des classes théâtre du lycée Jean Vigo de Millau sont orphelins

Pendant près de 40 ans, il a œuvré dans les salles de théâtre à transmettre sa passion. C’est au sein des classes théâtre du lycée Jean Vigo qu’il a fini sa carrière. Il disait : « Ma vie d’homme de théâtre est totalement liée aux options théâtre (…) J’ai tout inventé avec mes élèves, j’ai tout donné, j’ai donné ce que je savais théâtralement et humainement. C’était une transmission d’humanité. Le théâtre pour moi n’a été qu’un moyen, qu’un jeu. (…) Je leur ai donné l’envie, le désir, l’amour et ils me l’ont bien rendu. »

Michel Genniaux, ce grand homme de théâtre, partageait avec ses élèves son expérience d’acteur, de lecteur et de metteur en scène, lui le premier prix du Conservatoire de Dijon qui avait travaillé, rencontré, Peter Brook, Stanislas Nordey, Ariane Mnouchkine, Louis Aragon, Marcel Mouloudji et tant d’autres… À ses élèves, il racontait les gestes, les mots des grands maîtres… Savait-il seulement qu’il en était un, grand maître ? Un très grand… Ses souvenirs du Club des poètes où il avait travaillé pour l’ORTF, les antisèches qu’il cachait sur ses accessoires, ses aventures de plateau avec son cher ami Philippe Flahaut, tous ses souvenirs qu’il partageait pour nourrir ses jeunes acteurs, prenaient vie de par ses gestes, son regard, sa voix… Il créait des mondes, il rendait l’invisible visible…

Michel, artiste associé, était l’essence et la moelle des classes théâtre, de Tarbes, d’Aurillac et de Millau. Il avait l’art de passionner les élèves, de les mobiliser, de trouver en chacun ce qu’il y avait de beau. À la fois rassurant et impressionnant, survolté et apaisant, Michel construisait un théâtre choral qui atténuait la présence isolée des individus. Il laissait peu de place pour le sujet personnel, celui-ci trouvait sa force et son identité dans le mouvement du collectif, la priorité était donnée au groupe, à la troupe. Largement inspiré par le travail d’Ariane Mnouchkine, avec qui il avait eu la chance de travailler, il lui empruntait le génie de construire dans l’espace des images telles des peintures, le travail du tissu était sa marque de fabrique, le tissu créait les lieux et espaces de jeu. Armé de toute sa passion, de toute sa générosité, de toute sa force, de son talent immense il transmettait à ses élèves le besoin de dire haut et fort les injustices du monde, l’art du dépassement et la conviction que le groupe est salvateur.

De son travail en Italie, auprès du Teatro Del Piccoli à Aoste, il ramena la Commedia Dell Arte, un art qu’il ne cessa de transmettre et qui aujourd’hui encore grâce à lui se transmet à d’autres… Les héritiers de son enseignement veillent…

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Michel a tant donné au monde, au théâtre, à sa transmission, il a marqué tant de générations… Ses « enfants du théâtre » comme il les appelait, sont aujourd’hui orphelins d’un maître, d’un « père », d’un ami… Il disait : « je leur ai appris à refuser l’injustice, à s’engager ». Et c’était aussi de cela qu’était composé son enseignement : de réflexion, de révolte, d’engagement… Son humanité était présente à travers chaque texte, chaque image, chaque chant qu’il portait au plateau…

À travers le monde, accompagné de son ami Jacques Cohen, il organisa des tournées, sur le parvis des églises, en plein Sahel, sur les planches de vieux théâtres, ses élèves portaient les textes des oubliés, ceux que l’on nomme les disparus, ceux-là dont les corps ont été semés dans l’oubli. C’était une histoire de vie, de mort, d’urgence de dire, de nécessité de raconter, de besoin viscéral de ne pas oublier, de questionner… Ces voyages, cet enseignement, cette force qu’il leur donna, c’est cela que l’on conte en premier lieu lorsque l’on raconte Michel.

La dernière fois, à propos d’un spectacle d’élèves de spécialité théâtre auquel il ne put assister, d’une voix douce il dit : « je suis avec eux, je suis dans leurs mots, je suis là »…

Michel sera toujours là… Derrière les Arlequins, dans les pas des chœurs, dans les mots qui se mâchent et se mastiquent, dans les mains qui racontent, dans le souffle des tissus, dans le murmure de la salle, dans les cœurs qui s’accordent…

Il y a en ce monde des merveilles d’humanité qui marquent à tout jamais une vie, Michel Genniaux en faisait partie.

Les anciens élèves des classes théâtre du Lycée Jean Vigo de Millau

Les obsèques de Michel Genniaux auront lieu mercredi 4 janvier. A 11h, une cérémonie sera tenue au jardin (stade annexe de Vabres), à 12h aura lieu l’inhumation au cimetière de Vabres l’Abbaye.

Via
Sarah Carlini
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