Santé

Pour la CGT et Sud Santé, l’hôpital de Millau, c’est sur le site du Puits-de-Calès

Ils n’ont pas tardé à réagir. Dans la foulée de la conférence de presse organisée par le groupe d’étude mené par le docteur Alain Vernier vantant tous les mérites de l’implantation du futur hôpital médian sur le Larzac, plus précisément à Beaumescure (au contact de l’échangeur n°46 de l’A75), les représentants des syndicats Sud Santé et CGT de l’hôpital de Millau tenaient leur propre conférence de presse, pour rappeler tout le mal qu’ils pensaient de ce projet « imaginé par des nababs hospitaliers ».

« Nous ne sommes pas contre un hôpital performant ni un plateau technique performant », tient à rassurer Jérôme Lunal, infirmier et syndicaliste CGT.

Mais avec « 55 M€ dépensés pour construire un hôpital perdu au milieu de nulle part », la pilule ne passe pas. « On éloigne la population essentiellement centrée à Millau et Saint-Affrique au risque que le taux de fuite augmente encore plus. Les gens ne s’arrêteront pas à Beaumescure, mais iront directement à Montpellier, prévoit le praticien. C’est comme avec Amazon… Une fois que l’on a franchi le pas de la délocalisation, après c’est fini. »

« C’est MédecinLand qu’ils nous promettent à Beaumescure »

« C’est un projet fait par des médecins retraités, pour des médecins et pour l’installation de futurs médecins, resitue Pierre-Jean Girard (Sud Santé). C’est MedecinLand qu’ils nous promettent à Beaumescure. Sauf que l’on sait très bien qu’ils vendent du rêve. Déjà l’accès en 15 minutes par une voie hypothétique, c’est mentir. Et puis il y a la différence entre le projet – un hôpital à 40 M€ – et la réalité. »

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Et de sortir sa boule de cristal. « Vous n’aurez pas d’hôpital médian à 40 M€, affirme le syndicaliste. Il faut compter au moins 100 M€. Avec les maisons de santé à 15 M€, ils nous promettent deux friches hospitalières à Millau et à Saint-Affrique. On sait très bien qu’entre le projet qu’ils nous vendent et le projet réel, il va y avoir des arbitrages : sur les lits et sur la masse salariale. Au bout du compte on aura un projet à taille réduite avec un plan de licenciement massif sur les deux hôpitaux. C’est ce qui arrivera. »

Un médecin n’est pas là pour faire des économies à grande échelle, il est là pour soigner et faire son métier. Il n’est pas là non plus pour se muer en géographe ou en visionnaire terrassier pour le Larzac. » Pierre-Jean Girard

« Nous aurons des murs neufs, mais on mettra tout le monde sur la route ! »

Remontés, les trois syndicalistes détricotent les arguments d’un hôpital médian à Beaumescure un à un. Quitte à jouer sur la corde sensible de l’environnement. « A l’hôpital, il n’y a pas que des médecins, rappelle Pierre-Jean Girard. On est 1.000 salariés entre Saint-Affrique et Millau. On sera au moins 600 futurs paramédicaux, infirmiers, aide-soignants, ASH à aller sur ce site. Quel sera le coût écologique ? Le coût carbone ? C’est aberrant ! »

« Il faudra tout créer, amener toutes les infrastructures… D’autres se sont battus contre l’extension d’un camp, là ce sera une autre façon de défigurer le Larzac », ajoute Jérôme Lunal.

« Et puis qu’est-ce qu’on y gagne ? Qu’est-ce qu’on aura de plus ?, demande Corinne Mora, syndicaliste CGT et adjointe à la Ville de Millau. Moins de lits, moins de personnels… Nous aurons des murs neufs, mais on mettra tout le monde sur la route ! »

On l’aura compris, les trois protagonistes ne veulent pas d’un hôpital médian sur le Larzac… ni ailleurs. « Ces 40 M€, pourquoi on ne les met pas sur les deux hôpitaux existants ?, questionne Pierre-Jean Girard. Avec cet hôpital médian, la structuration juridique serait un GCS (Groupement de coopération sanitaire). Cela veut dire public / privé. C’est très inquiétant. On va perdre des lits et de l’emploi, ça va être catastrophique. »

Et l’annonce de Sylvie Marty, directrice des centres hospitaliers, qui affirme « pour faire avaler la pilule » que dans le préambule du projet médical, il y a une petite augmentation de lits (on passerait à 151, NDLR), ne change pas la donne : « Il y a toujours une perte d’à peu près 200 lits, c’est énorme, compte Jérôme Lunal. Il y a un hôpital qui ferme et qui n’est pas remplacé en fait, c’est ça l’idée. En termes de personnel, c’est 200 emplois en moins. »

On présente un tel tableau à la population et aux soignants en leur disant qu’il vaut mieux amputer la main que le bras, tout le monde choisit la main. Mais la réalité ce n’est pas ça, il y a d’autres alternatives. D’autres choix sont possibles. On peut tout sauver. » Jérôme Lunal

« De la place » pour améliorer le site du Puits-de-Calès

Ce projet d’hôpital sur le Larzac, « c’est le projet de quelques médecins retraités…, raille Pierre-Jean-Girard. Mais c’est fini aujourd’hui, dans les hôpitaux, les nababs hospitaliers qui parlaient pour tout le monde. On est en équipe pluridisciplinaire. Quelle est leur légitimité ? »

Quant à l’argument disant que les médecins du CHU se déplaceront plus facilement si l’hôpital est plus près de Montpellier, il est lui aussi balayé d’un revers de main. Pour Jérôme Lunal, « les médecins de Montpellier ne viendront pas plus parce qu’ils gagnent 10 minutes de route, ce n’est pas vrai. Par contre, des médecins viendront s’installer sur Millau parce qu’il y a un cadre de vie, parce qu’il y a quelque chose d’attractif, avec des commerces, des écoles… »

Et ils viendront aussi « si on s’en donne les moyens ». « On se dit qu’à Millau, on a de la place pour étendre, pour agrandir, pour rénover, affirme Corinne Mora, plans du site à l’appui. Si on veut se donner les moyens, on peut. Si on avait eu des services en plus, des prestations en plus dans cet hôpital médian… Mais là, on va avoir moins que ce que l’on avait. Quelle est la plus-value ? »

Pour Corinne Mora, il y a de la place pour agrandir le centre hospitalier de Millau…

Si on a des moyens donnés par l’ARS pour se remettre à flot et pour avoir un fonctionnement à peu près normal, ce sera un cercle vertueux. Si Millau refonctionne bien, il redevient attractif pour les patients comme pour les médecins. Il faut relancer la machine, faire des travaux pour augmenter la capacité et permettre l’installation de nouveaux praticiens. Ils viendront, les patients suivront. » Jérôme Lunal

Pour Pierre-Jean Girard, « on peut améliorer les hôpitaux en complémentarité, on peut travailler ensemble et améliorer l’existant ». Quitte à pousser les murs, et déplacer des services à Sainte-Anne après le déménagement de l’EHPAD. « Dans le préambule médical du sud Aveyron, ils vont valoriser Saint-Anne qui va être vendu 2 M€. Une ineptie ! »

Avant de conclure : « Ce que l’on a appris du Covid, c’est que le nombre de lits, le nombre de personnels, c’était une richesse. Si on a passé les 3e et 4e vagues, c’est grâce à nos personnels et à notre nombre de lits. Si on en perd encore, c’est une perte de chances pour le sud Aveyron. »


La tentation du « tout à Millau »

On le sait, une étude a été demandée lors du dernier conseil de surveillance par Emmanuelle Gazel, maire de Millau, quant au maintien de l’hôpital de Millau sur le site actuel du Puits-de-Calès. « C’était quelque chose que le comité de pilotage avait complètement écarté, rappelle Corinne Mora. Dans l’étude de faisabilité du Mupy, trois possibilités devaient être étudiées : tout à Millau, tout à Saint-Affrique, tout sur un site unique. Le comité de pilotage (les deux maires Christophe Saint-Pierre et Alain Fauconnier, le sénateur Alain Marc, le député Arnaud Viala, les deux présidents de CME et l’ARS) avait décidé d’écarter le tout à Millau et le tout à Saint-Affrique. » « Pour des raisons purement politiques », ajoute Jérôme Lunal.

« On continue de dire que les deux hôpitaux ont leur légitimité et peuvent travailler en complémentarité », nuance Pierre-Jean Girard, en restant politiquement correct. « Pourquoi y a-t-il la volonté de faire un hôpital médian pour que ça marche et pas une volonté de garder les deux hôpitaux travaillant en complémentarité ? »

« Nous ne sommes pas fermés, on voudrait travailler avec Saint-Affrique. Avec 55 M€, on a quoi améliorer l’existant ! », assure de son côté Corinne Mora.

Les résultats de l’étude demandée par Emmanuelle Gazel pourraient être connus le 28 juin à l’occasion du prochain conseil de surveillance.

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