Santé

Sud-Aveyron. Et si l’hôpital médian était construit sur le Larzac ?

Alors que l’on pensait l’affaire entendue lorsqu’en décembre 2019, la ministre de la Santé Agnès Buzyn envoyait un courrier aux élus du Sud-Aveyron confirmant l’accord de l’Etat pour la création de l’hôpital médian sur la commune de Saint-Georges-de-Luzençon, les choses ont depuis évolué.

Alors qu’à Millau certains verraient bien la création de l’hôpital commun à Millau, sur l’actuel site du Puits-de-Calès, d’autres sont partisans d’un hôpital médian (comprenez, situé entre Millau et Saint-Affrique)… mais sur le plateau du Larzac. Plus exactement au contact de l’échangeur n°46 de l’A75 (près du lieu-dit Beaumescure, commune de La Bastide-Pradines).

Ce n’est pas une nouveauté en soi, mais ce groupe d’étude, les docteurs Alain Vernier, Bernard Arnould et Daniel Michelutti en tête, tenait ce matin une conférence de presse, histoire de remettre un coup de pression à quelques semaines des élections départementales.

30 années d’atermoiements

En préambule, le Dr Michelutti a fait un bref historique de trente ans de difficultés et de mariage avorté entre les hôpitaux de Millau et de Saint-Affrique.

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Il a ainsi rappelé les tutelles de la DDASS et de la DRASS (les ancêtres de l’Agence Régionale de Santé, NDLR) en 1991 qui ont amené la création d’un syndicat interhospitalier « qui sera globalement un échec », la fusion entre les deux hôpitaux en 2000 avec une direction commune « qui a conduit à un mécontentement général », la défusion de 2008, la reprise de la clinique Saint-Côme par le centre hospitalier de Millau en 2009, la direction commune entre le CHU de Montpellier et le CH de Millau en 2012 avant l’arrêt de cette direction commune en 2018, malgré le maintien d’une collaboration médicale…

Yves Malric (maire de La Bastide-Pradines), Michel Vimini (maire de Villefranche-de-Panat), Bernard Sirgue (maire de Roquefort-sur-Soulzon) et les docteurs Daniel Michelutti, Bernard Arnould, Elsa Escriba, Alain Vernier, ce matin à La Bastide-Pradines.

30 ans d’atermoiements dont il résulterait, selon le Dr Michelutti qui cite le rapport Muppy de 2018, « un taux de fuite de 46 % vers Albi, Rodez, Montpellier… pour le sud Aveyron en médecine-chirurgie-obstétrique, et un déficit financier annuel de 5,3 M€ à Millau et 1,5 M€ à Saint-Affrique. »

« Le déficit global (exploitation + cotisations impayées) est de 69 M€ à Millau auquel il faut ajouter le déficit de Saint-Affrique, ajoute Daniel Michelutti. Le tout est à comparer aux 55 M€ nécessaires pour réaliser l’hôpital médian. »

Pire, on assisterait à l’installation d’un « cercle vicieux » intrahospitalier « par des difficultés en cascade de recrutement de médecins hospitaliers et de malades », ce qui creuserait le déficit budgétaire « lui-même néfaste au recrutement médical »…

« Une position centrale de l’hôpital médian »

Sentant un peu le vent tourner avec l’émergence d’une solution qui consisterait à maintenir « deux hôpitaux miroirs et la concentration chirurgicale sur Millau, qui sont allés au bout de leurs limites », le docteur Alain Vernier ressort le courrier d’Agnès Buzyn, favorable à la création d’un hôpital médian à Saint-Georges-de-Luzençon, et le chronomètre.

Alain Vernier n’en démord pas, « Beaumescure est le meilleur site pour l’hôpital médian ».

Tout d’abord, sur l’utilité d’un nouvel hôpital médian, Alain Vernier est très clair : « Une population minimale de 120.000 habitants est nécessaire pour implanter un hôpital de base autonome. La population du bassin de Saint-Affrique (27.000 habitants) et du bassin de Millau (48.000 habitants) montre que deux hôpitaux ne sont pas viables, mais aussi que chacun des deux bassins a son importance. »

Et d’argumenter : « La relative faiblesse de la population du sud Aveyron impose le respect de deux conditions pour rendre ces deux chiffres compatibles et donc les postes hospitaliers fixes attractifs) : une position centrale de l’hôpital médian afin que l’accessibilité soit équitable pour favoriser la venue de chacun des 75.000 habitants. Mais aussi une bonne accessibilité vers le CHU de Montpellier pour permettre d’alterner, par renfort, à quatre spécialistes sur une astreinte même si la population ne permet que deux ou trois postes fixes dans certaines spécialités. Cette proximité facilitera également les transferts de malades et les consultations avancées. »

Si l’hôpital est bien situé, on pourra obtenir et faire vivre le meilleur projet médical et répondre aux difficultés de la situation actuelle. »

Dr Alain Vernier

Une « voie express trans Larzac » pour aller à l’hôpital ?

« A ce stade, notre groupe d’étude privilégie d’abord le choix du lieu, et ensuite le choix du projet médical, car la faisabilité du projet médical dépend du lieu d’implantation de l’hôpital. Ne pas tenir compte de cet élément est un facteur d’échec », affirme Alain Vernier. Et selon lui et son groupe d’étude, le meilleur choix n’est ni Luzençon ni Ségonac (site aussi évoqué, NDLR), mais le site de Beaumescure, sur le Larzac, au contact de l’échangeur n°46 de l’A75, « qui combine le mieux les deux impératifs de position centrale en Sud Aveyron et d’accès rapide à Montpellier. »

Le tracé de la « voie express trans larzac ».

« Nous estimons convenable de proposer Beaumescure, car il a des temps d’accès à partir des deux villes identiques à ceux de Luzençon qui avait été accepté par le comité de pilotage en début 2020 (avec les deux anciens maires) soit 21’ de Saint-Affrique et 15’ de Millau ». Quinze minutes par le Viaduc de Millau (payant) ou par… une « voie express trans Larzac » à créer à partir du sommet de la côte de La Cavalerie. « Un accord de principe pour réaliser cette voie a été obtenu auprès du département », affirme même le docteur Vernier.

« Ce site est à 55’ de Montpellier alors que Luzençon, Ségonac ou Millau sont à 1h12’ et Saint-Affrique à 1h17’ », continue-t-il, en soulignant aussi l’intérêt en termes de temps pour les habitants de Sévérac, du Lévézou et bien sûr ceux du Larzac. « Le bassin de Saint-Affrique ne gagne rien, ni ne perd rien avec Beaumescure par rapport à Luzençon, mais gagne 10’ par rapport à Millau. » En comparant à la situation actuelle, il faudra 21’ de plus pour le Saint-Affricain par rapport au CH de Saint-Affrique (mais 10’ de moins par rapport au CH Millau), et 10’ de plus pour les Millavois du centre-ville par rapport au CH de Millau, par le viaduc ou la « voie express trans Larzac ».

Le site de Beaumescure, c’est 18 hectares de terrain communal (La Bastides-Pradines), à proximité de la sortie 46 de l’A75.

« Ce n’est pas un site pour favoriser un élu, une ville, un canton »

« Malgré quelques nostalgiques, deux hôpitaux miroirs et la concentration sur Millau ont largement fait la preuve de leurs effets néfastes et l’hôpital médian semble s’imposer, résume Alain Vernier. Beaumescure est le meilleur site pour l’hôpital médian, car il réunit les impératifs d’accessibilité équitable pour les populations et de proximité du CHU de Montpellier. Un hôpital à Luzençon ou Ségonac par ses difficultés d’accès pour le sud Aveyron perdrait le recrutement du nord du territoire, qui se tournerait vers Rodez, et du sud du territoire qui irait vers Montpellier. »

Quant à ceux qui pourraient se poser la question, Alain Vernier coupe court : « Ce n’est pas un site pour favoriser un élu, une ville, un canton, mais pour favoriser l’hôpital médian et tout le sud Aveyron. Nous n’avons aucun intérêt là-dedans. Peut-être cette option parait naïve, anachronique, suspecte… Mais il n’y a pas de loup, parce qu’il n’y a pas de flou. »

Une longue liste de soutiens… où les Millavois brillent par leur absence

Le groupe d’étude favorable à l’hôpital médian sur le site de Beaumescure a derrière lui une liste pléthorique de soutiens. Du côté des médecins, les deux présidents de commission médicale, les docteurs Jacob (Millau) et Zouani (Saint-Affrique), sont signataires d’une déclaration intitulée : « Nécessité de l’hôpital médian du Sud Aveyron – Nette supériorité du site de Beaumescure depuis l’existence du Viaduc de Millau ».

Ont signé aussi un bon nombre de médecins libéraux, dont la plupart issus du Saint-Affricain, mais aussi quelques-uns de Millau (Dr Barthès, Dilas-Morel, Jarrige, Joulié, Santos, Taurines).

Du côté des élus, ce document aurait été signé par le sénateur Jean-Claude Luche, le maire de Saint-Affrique Sébastien David, le président du Parc des Grands Causses Richard Fiol… mais aussi les maires de Sévérac, Roquefort, Saint-Rome-de-Cernon.

Selon les chiffres d’Alain Vernier, les élus représentants 98 % des habitants de la Communauté de communes Saint-Affrique – Roquefort – 7 Vallons sont signataires, mais aussi ceux de 80 % de la population de la Communauté de communes Monts, Rance et Rougier, ceux de 67 % de la population de la Communauté de communes Larzac-Vallées…

Les élus de la communauté de communes Millau – Grands Causses n’auraient pas encore été rencontrés… « Mais rien de les empêche de nous rejoindre… », sourit Alain Vernier, en admettant que « le seul truc qui bloque, c’est Millau. »

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