Opinion

« Notre bon Serge »

Notre « bon » Serge. Serge s’ennuyait. La saison de rugby s’étant arrêtée prématurément, il trépignait. Il s’était découvert pendant le confinement de la population une passion pour l’écriture de tribunes dans les journaux locaux. Ça occupait sa semaine. Ça l’amusait aussi de voir les réactions après parution.

Plusieurs semaines il glorifia la région Occitanie (présidée par une socialiste), parfois d’autres régions étaient aussi citées en exemple, mais toutes présidées uniquement par des socialistes, naturellement.

Puis il écrivit pour faire la publicité de sa candidate à la mairie de Millau, qui était elle-même vice-présidente de ladite Région, sa Manue comme il l’appelait, elle-même bien entendu socialiste. Elle qu’il a vue naître au parti, se former au parti, être placée ça et là par le parti, elle avait la doctrine socialiste chevillée au cœur. C’est pour ça qu’il l’aimait bien.

Bref, Serge, en bon camarade, voyait rose et écrivait rouge.

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Trois semaines avant le 2e tour des élections (NDLR la semaine dernière) il s’était complètement lâché ! Il nous avait gratifiés d’un pamphlet d’un niveau de bassesse et d’agressivité incroyable, qu’il nous avait caché depuis longtemps. Et ça ne nous avait pas manqué.

Il parlait de grands mots qu’il ne connaissait même pas : il parlait éthique parce qu’un temps il avait fait du sport, il parlait environnement parce que l’été il roulait à vélo… Mais il était comme ça Serge, il s’ennuyait. Quand bien même il n’était même plus candidat aux élections, son stress montait et il se sentait investi d’une mission de défendre le socialisme dans sa ville. En fait il avait trouvé là un moyen parfait pour exprimer toute sa frustration.

Ainsi son fiel et sa hargne trouvaient vie dans ses mots.

Lui qui pensait avoir tant fait pour SA ville, SON sport, SON parti, SON stade, il ne comprenait pas pourquoi les citoyens n’avaient plus confiance en son parti. Un temps unis avec les communistes, les socialistes locaux s’étaient fâchés ; puis ami avec les partis politiques écologistes, et de nouveau avec les communistes et les syndicalistes de la CGT Serge pouvait rêver à nouveau à la grande union de la gauche, aux souvenirs mitterrandiens toujours émouvants du feu programme commun.

Lui aussi avait connu son moment de gloire, un mandat de conseiller municipal auréolé d’une inauguration de la réfection de SON stade (dont il a encore les clés aujourd’hui) par le 1er ministre de l’époque, un socialiste…

Bien sûr il avait fait des erreurs aussi, un festival Les pieds sur terre au coût mirobolant (300.000 €) et au flop retentissant, SON fameux stade aux malfaçons si nombreuses et cachées, et au budget explosé, des finances de sa ville largement détériorées.

Il était pris en tenaille entre ces grands rêves et la triste réalité : les gens ne veulent plus entendre parler de parti, ne croient plus au socialisme, ne veulent plus des communistes, la CGT exècre la très grande majorité de la population par ses blocages systématiques, ses grèves à répétition, ses positions extrémistes.

Mais qu’importe, il pensait que le cœur et l’envie suffisaient pour tout rattraper. Alors il talonnait large, recentrait le jeu toujours dans la mêlée sans jamais lever la tête et poussait, poussait toujours le plus à gauche possible.

Notre Serge n’avait toujours pas digéré la défaite de 2014. Son amertume était encore tenace. Il essayait de vivre avec. Il paraît que ça se soigne ou que ça passe avec le temps…

Mais il était comme ça notre « bon » Serge. Il nous aurait fait presque rire.

Thierry SOLIER

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