Au cours de l’été 2023, une réforme inattendue des métiers de greffe et jugée « injuste et dévalorisante » par l’ensemble du corps, a donné naissance à un mouvement de grève national dans les tribunaux de France. Malgré des négociations entamées avec les ministères concernés, les greffiers restent mobilisés et faisaient grève le 19 septembre dernier.
À mi-chemin dans le calendrier prévu des négociations entre les syndicats et les ministères de la Transformation de la fonction publique et de la fonction publique, les greffiers de France n’ont toujours pas obtenu gain de cause et poursuivent leur mobilisation.
À Millau ce mardi 19 septembre, la grève nationale était suivie à 100 % par les professionnels très en colère contre cette réforme arrivée de nulle part et reçue comme un véritable coup de massue. « Contre toute attente, elle ne valorise pas la fonction de greffier, et ne reconnaît pas leurs missions et leur travail technique. Bien au contraire, elle dévalorise les fonctions de ce corps d’expertise par une rétrogradation, dont les bénéficiaires » expliquent les greffiers millavois. Selon leurs dire, des contractuels pourraient être recrutés avec un même niveau d’étude, à rémunération équivalente à celle d’un greffier expérimenté, sans suivre la formation de 18 mois dispensée aux greffiers et celle de 31 mois pour les magistrats.
Pour eux, cette dévalorisation traduit un refus du ministère de « reconnaître cette technicité en faisant évoluer le statut de greffier vers une catégorie supérieure (catégorie A) ». Ils expliquent que « d’autres corps de niveau équivalent, au sein de ce même ministère, en ont pourtant bénéficié », c’est le cas des surveillants pénitentiaires, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation.
Ils regrettent également que la grille indiciaire diffusée à l’aube de la mobilisation « ne reflète pas le niveau de responsabilité procédurale et les contraintes qui sont ceux de ce corps, puisqu’une perte d’ancienneté a été imposée par l’administration, créant ainsi une rupture d’égalité ».
Un métier méconnu
Hommes et femmes de l’ombre, pourtant indispensables à la « machine Justice », le métier de greffier est méconnu du grand public. Ils sont 10 000 en France et leur place en tant que technicien de la procédure, est centrale au sein de l’appareil judiciaire. Sans greffier, c’est toute une partie de la population qui serait impactée. Ils précisent, « sans nous, pas de requêtes de divorce, de garde d’enfants, de tutelle de mineurs, de dossier de surendettement, d’audiences… » Un scénario que « par conscience professionnelle », ils ont « choisi d’éviter ».
Un mot pour les greffiers, alors même qu’ils mériteraient un livre. Les greffiers ne sont pas les secrétaires des juges. Ils ne sont pas leurs subordonnés, ils en sont indépendants, ils ne sont même pas notés par eux, mais ils sont les garants de la procédure et de la sincérité des actes de la justice. Un jugement n’est qu’une feuille de papier imprimée tant que le greffier n’a pas apposé dessus le sceau de la République et sa signature. C’est le greffier qui s’assure que le juge rend sa décision au terme d’un processus fidèlement décrit pour que chacun puisse en apprécier, et au besoin en contester, la légalité. C’est le contre-pouvoir du juge ».
(Maître Eolas, avocat au barreau de Paris, auteur d’un blog « Journal d’un avocat ».)
Les personnels de greffe ne décolèrent pas face à ce qu’ils considèrent être « de la précarisation de leur rôle de gardien de la procédure et d’assistance au magistrat ».
« Ce mouvement entend obtenir la reconnaissance méritée des missions depuis toujours exercées par les greffiers et l’ensemble du personnel de greffe, qui assurent le bon fonctionnement de la Justice et s’investissent au quotidien pour s’adapter à la complexification des procédures » concluent-ils.
Jeudi 21 septembre, les greffiers du tribunal judiciaire de Rodez annonçaient avoir décidé de se réunir tous les jours à 13h30 sur les marches du palais en soutien au mouvement national Personnel des greffes en colère.