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Millau. Les « Amendés de mai » ont gagné !

Après avoir attendu presque deux ans, les 26 personnes qui comparaissaient ce jeudi 24 mars devant le tribunal judiciaire de Millau dans l’affaire des « Amendés de mai » ont toutes été relaxées.

« Le tribunal, après en avoir délibéré, fait foi aux exceptions de nullité soulevées par les conseils des prévenus, considérant que les garanties procédurales offertes par la loi à tout justiciable n’ont pas été respectées dans cette procédure et en conséquence, renvoie l’ensemble des prévenus qui étaient convoqués aujourd’hui à cette audience, des fins de la poursuite sans peine ni dépens, l’audience est levée ».

Cette phrase, prononcée ce jeudi 24 mars par la juge du tribunal de Millau est l’épilogue de l’affaire des « Amendés de mai » qui a débuté au mois de mai 2020 à la sortie du confinement.

A l’entrée du tribunal. © Millavois.com

Le rappel des faits

Les 12 et 22 mai 2020, des citoyens s’étaient rassemblés place du Mandarous à Millau pour participer à deux manifestations malgré l’interdiction en vigueur. Plusieurs personnes avaient alors écopé d’amendes de 135 € car verbalisées à distance par vidéosurveillance au motif de l’infraction suivant : « rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré ».

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Dès lors, ce qui aurait pu n’être qu’une banale affaire de verbalisation sur la voie publique a pris une dimension politico-judiciaire sur fond d’imbroglio administratif et chaque cas était alors devenu un cas particulier : verbalisation à distance par caméra de vidéo protection, saisies sur compte bancaire, majorations des amendes malgré les contestations, amendes non reçues ou envoyées dans un bar, allusion à des appartenances à l’ultragauche… » la liste est longue, comme celle des motifs de relaxe évoqués par les conseils des prévenus lors de leurs plaidoiries.

Incohérences et abus de pouvoir

Les trois avocats du barreau de Toulouse, Maîtres Brel, Delorge et Francos ont tour à tour dénoncé un dossier contenant des « incohérences procédurales et même un détournement de la procédure et un abus de pouvoir » de la part de l’officier du ministère public de Millau qui est à l’origine du procès-verbal ainsi qu’un certain nombre d’aspects de nullité de procédure : pas de publication d’arrêté préfectoral pour l’utilisation de la vidéo surveillance à des fins de verbalisation, atteintes aux libertés individuelles, nature des faits, non-respect des règles de procédures pénales, des droits de la défense, et à force de reports, la prescription des faits !

« L’essentiel n’est pas de poursuivre, mais de bien poursuivre, force est de constater que dans ce dossier il y a des choses invraisemblables, mais pas d’éléments essentiels à la poursuite » s’est désolé Maître Francos.

« Il ne faut pas oublier que ce qui se prépare et qui est déjà là, c’est la généralisation de ce type de procédure pour les contraventions et délits. Pour les contester, il faudra consigner le montant de l’amende. Il faudra payer pour avoir droit au juge ! » (Maître Sébastien Delorge) © Millavois.com

Le fond et la forme

Tous les prévenus se sont présentés à la barre « heureux de pouvoir enfin être entendus » pour donner des précisions propres à leur dossier et même un peu plus, malgré la demande de la présidente de ne pas se tromper de combat ni de lieu pour l’exprimer : « c’est un tribunal ici, pas une tribune ! » Ils ont donné à l’unisson leur sentiment sur le fond du dossier et les revendications qu’ils portaient ces jours-là comme un acte militant et citoyen : « soutenir l’hôpital public, et plus largement le service public, dénoncer la mauvaise gestion de la crise sanitaire et bien sûr défendre leur droit fondamental de manifester ».

Relaxés

L’officier du ministère public en la personne du commandant Lilian Kinach, a évoqué « la difficulté de représenter le ministère public dans cette affaire. Il a malgré tout, de façon tout à fait factuelle, considéré que la contravention de 4e classe a été commise par l’ensemble des prévenus, mais n’a pas souhaité formuler de requissions compte tenu des difficultés exposées par la défense ».

Après dix petites minutes de délibéré la juge du tribunal de Millau a donc prononcé la relaxe. « Tout ça pour ça » se désolent certains prévenus tout de même soulagés, acclamés à la sortie du tribunal par la soixantaine de soutiens de la première heure venue attendre le verdict.

Sur les marches du tribunal, « les 26 se sont dits heureux du verdict, mais prêts à poursuivre leur combat, à l’image d’Alain Bellebouche qui a salué le travail extraordinaire réalisé par l’équipe des avocats et celle des amendes : face à l’injustice, il ne faut jamais renoncer, car nous sur ce dossier, nous n’avons pas fini ! »

Alain Bellebouche. © Millavois.com

« Nous sommes très satisfaits de cette décision qui vient clore ces deux années. Ce message est assez fort, l’état de droit va s’appliquer à Millau et c’est important de le rappeler ainsi que de rappeler à l’ordre l’officier du ministère public dans cette affaire. En matière de répression, l’imagination est au pouvoir, soyez assurés de notre soutien juridique et fraternel pour vous porter les combats les plus légitimes que vous êtes en train de mener » a conclu Maître Julien Brel.

© Millavois.com

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