Actualité

De la source ferrugineuse d’Aguessac à la fontaine Richardi

Située en contrebas de la route nationale 9, à gauche moins de 100 mètres après le viaduc de chemin de fer (sortie d’Aguessac, lorsqu’on vient de Millau direction Clermont-Ferrand), au bout d’une petite ruelle, se cache cette petite source  peu connue des nagassols.

C’est la très ancienne source ferrugineuse de la Brézègue ou l’Abrézègue. D’après Jules Artières, Brézégo, en occitan signifie : aphte de la bouche. Mais son eau, si elle teinte son passage, a mauvais goût et il n’est pas conseillé d’en boire, tant elle contient du fer.

Il y a de cela 300 ans environ, cette source ferrugineuse (d’où sa couleur ocre) fut captée. C’était la seule « eau potable » qui était à la disposition du public d’Aguessac  jusqu’au milieu du XIXe siècle avec les puits individuels et le ruisseau du Lumensonesque. 

Certaines personnes en récupéraient pour en boire, mais elle n’était pas conseillée à la consommation.

Publicité

Aussi comme le rappelait Argeliez en 1847 : « Depuis longtemps, les habitants d’Aguessac, réclament une fontaine. Je ne sais s’ils l’obtiendront. Toujours est-il qu’on peut dire que ce village est comme Tantale qui à soif au milieu de l’eau » (Histoire et statistique de la vallée du Tarn, Mémoire de la société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron (vol. VI, 1847)

Cette source ferrugineuse se jette et se perd dans la rivière « Le Lumensonesque » en dessous des habitations.

La particularité de cette source (outre sa teneur en fer), est sa température constante (11°c) en hiver comme en été. 

La source ferrugineuse. DR

La fontaine Richardi

Le 7 mai 1837, les membres du conseil municipal sont convoqués par l’adjoint Camille Triadou, le maire étant décédé. Ils prennent connaissance d’un projet présenté par M. Triadou au sujet du captage de la fontaine de Richardi. Les motifs évoqués pour les besoins d’Aguessac sont les suivants : « Considérant que les habitants d’Aguessac plongés dans la plus grande privation éprouvent les plus grands besoins depuis qu’ils ont eu le malheur de perdre les eaux excellentes de la fontaine du Flanguiés qui est restée dans Compeyre, considérant que depuis cette époque, il n’y a ni source ni fontaine dans Aguessac. Que les habitants sont réduits à la dure nécessité de boire les eaux du Tarn ou du ruisseau dangereuses et malsaines, rebutantes par les immondices de toutes espèces qu’elles roulent… Considérant que la source de la Brézègue située à une assez grande distance du village, par sa nature cuivreuse, môle et fade, sans fraîcheur, ne peut servir tout au plus que pour une boisson insipide sans qu’il soit possible de l’employer pour faire la soupe, considérant que la source de Richardi est bonne fraîche, abondante, toujours claire, considérant qu’elle naît d’un terrain inculte et de nulle valeur, sollicite Monsieur le Sous-préfet de vouloir autoriser Monsieur le Maire d’acquérir et faire conduire la sus dite source à Aguessac » (Délibération communale, 7 mai 1837). 

L’eau ocre de la Brézègue. DR

Quelques mots sur « la source du Flanguies qui jaillit abondante et toujours à bonne température en bordure du chemin intercommunal qui sert de limite entre les deux communes d’Aguessac et de Compeyre.  Cette source minérale aurait pour origine la région de Cabrières, Compeyre. La fontaine est publique comme l’indique la parcelle où elle se trouve.

Les bords du ruisseau et du Tarn ne l’étaient pas et souvent l’hiver et l’été les nombreux égouts qui se déversaient sur leurs berges rendaient impropres les eaux pour le rinçage du linge. Louis Valès (1923-2019) se souvenait de cette fontaine : « Jusqu’à l’apparition des machines à laver le linge, dans les années 1960, la fontaine du Flanguies continua d’être le lavoir préféré des deux villages, surtout en hiver. N’oublions pas que le changement de climat est très récent et que les hivers étaient très rigoureux. L’eau tempérée de la source était bien agréable aux mains de nos aïeules » (Les lavandières du Flanguieis, Journal de Millau, 15 mars 2007).

Cette histoire de demande de fontaine pour le village d’Aguessac dura de nombreuses années entre la municipalité et la famille Quezac  propriétaire de la source de Richardi qui demandait des indemnités conséquentes. 

Le 22 août 1858, il est question de créer une fontaine sur la placette qui confronte la route départementale.

On peut lire dans la presse en 1860 : « Les personnes intéressées sont informées que le plan parcellaire de la source de Richaudi et du terrain à occuper pour l’établissement d’une fontaine publique à Aguessac sera déposé, pendant 8 jours, à dater du 5 mai 1860, à la mairie d’Aguessac ou chacun pourra en prendre connaissance et fournir ses observations sans déplacement et sans frais. Le Maire, Descombis. » (L’Echo de la Dourbie, 5 mai 1860)

Le 9 juillet 1860, la fontaine est reconnue d’utilité publique et la commune est autorisée à exproprier si nécessaire et c’est ainsi que… « Par jugement du seize novembre 1860, rendu par le tribunal de première instance de Millau.

Les sieurs : 1° Jean-Joseph ; 2° Jean-Victor ; 3° Anne Quézac frères et sœur, domiciliés aux Flanguiers, commune d’Aguessac ; et 4° dame Victoire Quézac, veuve Barascud, domiciliée à Pailhas, commune de Compeyre, seuls et uniques héritières de feu Jean-Joseph Quézac, des Flanguiers, et 1° Jean-Antoine Dieudonné Clodomir ; 2° Brigitte ; 3° Alexandrine Lacroix, domiciliés à Aguessac ; 4° Marie-Eléonore Lacroix, épouse de Joseph-Valentin Delmas, demeurant à Compeyre, 5° Marie-Claire Félicité Lacroix, épouse de Jean-François Acquier, demeurant à Rodez ; 6° Marie-Anne-Euphrosine Lacroix, épouse de Louis Costes, chaudronnier à Marvejols ; et 7° Adelaïde-Véronique Lacroix, épouse Caubet, teinturier à Marvéjols, tous lesdits Lacroix, frères et sœurs, héritiers de feu Lacroix, Pierre-Jean Joseph, leur père, ont été expropriés pour cause d’utilité publique et pour l’établissement d’une fontaine publique à Aguessac, savoir :

Les héritiers de Jean-Joseph Quézac, des Flanguiers : 1° de deux ares soixante-trois centiares d’une terre dite Roc Richardi ; 2° d’une source dite de Richardi ; 3° de huit ares quatre-vingt-quatorze centiares d’une pâture dite Richardi ; 4° de trois ares trente-trois centiares, d’une terre dite Brésègues ; 5° de deux ares quarante centiares, d’une terre dite Brésègues. Les héritiers de Pierre-Jean-Joseph Lacroix, d’Aguessac, de un are soixante-six centiares, d’une terre dite Brésègues. Pour extrait conforme : le Maire d’Aguessac, Décombis ». (L’Echo de la Dourbie, 15 décembre 1860). 

Enfin un dernier article nous apprend que « Par arrêté préfectoral, en date du 15 décembre 1860, l’administration offre aux héritiers du sieur feu Quézac, Jean-Joseph, du Flaguiers, commune d’Aguessac, et aux héritiers du sieur feu Lacroix Pierre-Jean-Joseph, d’Aguessac expropriés, pour cause d’utilité publique, de sources et terrains nécessaires pour l’établissement d’une fontaine publique à Aguessac, savoir : 1° Aux héritiers Quézac, la somme de cinq cents francs, pour la valeur, y compris tous dommages, d’une source et de 17 ares 30 cent. de terrain.

2° Aux héritiers Lacroix, la somme de cinquante francs, pour la valeur, y compris tous dommages, de 1 are 66 centiares de terrain. Pour extrait conforme ; le Maire d’Aguessac, Décombis. » (L’Echo de la Dourbie, 29 décembre 1860)

Le 7 janvier 1862, un nouveau jury fixe à 6000 francs l’indemnité à verser au sieur Quezac et à 500 francs aux héritiers Lacroix pour la pose des tuyaux dans leur champ de la Brézègue, mais l’irritable Jean-Joseph Quézac ne put jouir de cette somme car il mourut avant d’avoir touché l’indemnité. Le 8 décembre 1863, la fontaine donnait enfin son eau.

La fontaine Richardi. DR

Nous pouvons lire sur ce monument les lignes suivantes : « Je suis la bienvenue du 8 octobre 1863, bénie par le père Guérin le 3 avril 1864. Jean-Pierre Decombis, maire, Alexandre Rascalou, adjoint,  j’arrive après cinq ans de litiges ». 

Au total, la dépense pour cette fontaine s’élève à 12 600 francs or, ce qui est considérable.

De 1863 à 1932, Aguessac ne disposa que d’une seule fontaine publique. En 1900, cependant les habitants commencèrent à demander l’installation d’une seconde fontaine publique afin de ne plus être obligés de traverser tout le village, pour accéder à la seule eau disponible. On se mit dans l’idée de capter la source de fonliane en 1930 dans le ravin de Barbade qui appartenait à la famille Blanc du Mas Nau. Là aussi, les choses traînèrent … La seconde fontaine fut projetée sous la municipalité de M.Arlabosse en 1932, toujours alimentée par la source Richardi sur la place basse.

Marc Parguel

Bouton retour en haut de la page