Exposition

Millau. Un dialogue intime entre la pierre et le sculpteur

Alain Desprès, sculpteur héraultais, a investi l’espace culture, dans les jardins de la mairie, pour une exposition intitulée « Dialogues intimes ». Elle est à voir jusqu’à la fin du mois de juillet.

« Chaque fois qu’en montagne ou à la campagne, je choisis une pierre pour la sculpter, j’ai un moment d’hésitation. Cette pierre est là, sortie des profondeurs de la terre depuis des dizaines de millions d’années, des millions de vies d’homme. Comment puis-je oser m’en emparer, sous le simple prétexte que sa matière et sa forme m’intéressent et m’inspirent ? »

Alain Desprès a lui aussi eu plusieurs vies. Il a notamment collaboré avec le compositeur Iannis Xenakis sur une structure de travail mettant en relation la recherche scientifique et les artistes.(photo : Gérard Rouquette)

Alain Desprès, sculpteur originaire de Saint-Etienne-de Gourgas (34), aime parler du « temps de vie » des pierres, même si la biologie n’est en rien concernée. Les scientifiques lui ont dit, « les marbres de Caunes sont nés il y a 380 millions d’années ». La différence d’échelle entre le temps de vie de l’homme et celui de la pierre le fascine. Il lui arrive d’imaginer que la pierre « vit » à un rythme d’une lenteur extrême, imperceptible à l’homme, mais que, compte tenu de son ancienneté, elle a « vécu » et emmagasiné bien plus que lui-même.

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« Comme j’aimerais que ma future sculpture traduise cette somme-là ! », s’exclame l’artiste.

« Il me semble à chaque fois que la pierre me fait ses propositions. »

Alain Desprès choisit et ramasse toutes ses pierres dans la nature, au sommet d’une montagne, au pied d’un volcan, dans le lit d’un torrent. Chacune d’elles l’attire par sa matière et sa forme. Quand la séduction opère, elle est le facteur déclencheur de son travail de sculpteur.

« Dès que la pierre est posée sur l’établi, le dialogue s’amorce, confie le sculpteur. Ses lignes de force et de faiblesse guident mes outils. Une nervure ici propose un chemin à tailler ou une arête à profiler, un renflement ailleurs incite à creuser tout autour ; l’inclusion d’une couleur impose de polir… il me semble à chaque fois que la pierre me fait ses propositions. »

Il lui reste alors à choisir. La forme initiale est ainsi générée peu à peu. Sans projet préétabli, sans but à atteindre. Il coupe, ponce, perce, polis, lustre. La pierre se transforme lentement ou brutalement, change de couleur ou de « toucher », prend la lumière autrement… « Il est par contre de ma seule responsabilité de terminer le travail et de le donner à voir, de le mettre en présentation. »

Le vernissage de l’exposition a eu lieu mardi 6 juillet en présence de Nicolas Wörhel, adjoint à la culture. (Photo : Gérard Rouquette)

« Il m’arrive d’imaginer que je pourrais pousser beaucoup plus loin la démarche, qu’à force d’éclats et de ponçage, la pierre deviendrait poussière…, rêve Alain Desprès. Il lui resterait alors à se sédimenter… pour former une nouvelle pierre, dans quelques millions d’années… je serai alors comme elle, moi aussi redevenu poussière. »

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