Dans les années 1960-1970 au Pays du matin calme, qui en ce temps-là ne l’était guère, alors sous le joug de la dictature de Park Chung-Hee, naissent des peintures à la beauté singulière, quintessence de l’élégance et d’une certaine forme d’épure. Elles sont l’œuvre des maîtres du Dansaekhwa, terme qui signifie littéralement « peinture monochrome ».
Dans cette école dite du blanc, bien plus une communauté d’esprit qu’un véritable mouvement, les peintres créent pour un même idéal, celui de l’unité retrouvée entre l’artiste et la nature, à la confluence des traditions bouddhiste et taoïste ; tous témoignent d’une attention particulière accordée au cadre et à la surface de l’œuvre : papier macéré, plié, griffé ou bardé de fil de fer… Ce travail commun sur les matériaux et les textures, suggérant pour certains l’épiderme et son pouvoir régénérateur, s’adresse aussi bien au sens qu’à l’esprit, au-delà des contingences matérielles.
Et c’est là toute la force et la beauté de ces peintures venues d’un pays partagé entre tradition et modernité.
Hyun Joung Lee s’inscrit dans la lignée de ces grands maîtres du Dansaekhwa que sont Chung Chang-Sup, Chung Sanghwa, Ha Chong-Hyun, Kim Whanki, Kwon Young-Woo, Lee Ufan ou Park Seo-Bo. Comme eux, elle travaille la matière, le fameux papier traditionnel coréen (le « Hanji »), fabriqué avec les fibres de l’écorce de mûrier. Comme eux, elle développe une pratique basée sur le principe de la répétition, qui tisse un fil d’Ariane chez ces maîtres coréens.
« De mon passé en Corée, je garde le souvenir des matières, les croyances de mes aïeux. Le papier de riz est la peau de cette mémoire. Ce papier tapissait le sol des maisons, je le voyais de ma hauteur d’enfant. Dessus s’imprimaient les traces de pas, de vie, et j’imaginais déjà des tableaux, des paysages », confie l’artiste, qui depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant expose dans le monde entier.
« Tout commence par l’appropriation physique et intime du papier Hanji, de tradition millénaire, explique Hyun Joung Lee. À mon tour, comme à rebours, je le déconstruis. Désagrégée dans l’eau, sa texture originelle, fine et solide, s’agglutine. Elle se densifie lentement au contact de mes mains. Le papier en séchant se contracte naturellement et c’est à partir de ses ondulations aléatoires que le pinceau révèle les volumes, souligne ou contredit les reliefs du papier. Un nouveau paysage surgit, se libère de la mémoire. Sans repentir possible, chaque ligne qui s’impose sur l’épiderme trace des cheminements intérieurs. Cet acte répétitif et rythmé par le corps ouvre un univers spirituel singulier. »
Depuis le 15 novembre, après le Luxembourg et Shangai, Hyun Joung Lee a choisi la galerie Entre Deux à Millau pour présenter ses dernières œuvres, ses voyages imaginaires entre terre et ciel, autant de paysages qui, sur les terres aveyronnaises et ses beautés grandioses, trouvent un écho particulier.
PLUS DE PHOTOS SUR LE GROUPE FACEBOOK « MILLAVOIS »
Voyages imaginaires. Hyun Joung Lee. Jusqu’au 20 décembre, du lundi au vendredi de 10h à 19h à la galerie Entre Deux, 8 rue Peyssière à Millau.