Patrimoine

Un nouveau centenaire à la mémoire de Marthe Hurel, une patriote millavoise d’adoption

Le dimanche 14 février 1988, à l’occasion du centenaire de la naissance de Marthe Hurel (née Lombard), de nombreux Millavois ont assisté à la messe célébrée à son intention en l’église Notre-Dame (le tabernacle est l’œuvre de son époux, artiste ciseleur, qui en a fait don à l’église). Ainsi, plus de vingt-six ans après sa mort, ses amis démontraient leur « infinie reconnaissance » à cette femme exceptionnelle en lui rendant un nouvel hommage. Pour découvrir ou se rappeler ses mérites, il convient de consulter l’article que Georges Girard lui a consacré dans son livre : « Des noms, des rues ».

Marthe Hurel est devenue Millavoise le 6 octobre 1937. Dès son arrivée dans notre cité, elle apporte une aide efficace à 230 réfugiés espagnols (surtout des femmes et des enfants) qui ont fui la guerre civile. Lors de l’occupation allemande, elle s’efforce de se procurer le maximum de lait pour les enfants de Millau et de la campagne avoisinante. Durant cette période, elle offre ses services à la Résistance qui trouve toujours chez elle « le gîte et le couvert » pour les maquisards de passage en ville. En 1943, elle est nommée membre de la Commission de Surveillance de la Maison d’Arrêt de Millau et en 1945, elle devient Assesseur Titulaire au Tribunal pour Enfants.

Pendant 25 ans, de 1937 à 1962, à Millau et dans 22 communes voisines, elle va se consacrer, sans réserve, avec un dévouement exemplaire, une disponibilité permanente et une compétence remarquable aux missions de soutien et de protection relatives à l’enfance qui lui ont été confiées par la Fédération Départementale des Œuvres de Protection Maternelle et Infantile et par la Fédération des Familles Nombreuses.

La ville de Millau a pérennisé son souvenir en donnant son nom à une voie qui s’ouvre sur l’impasse Jean Douzou dans le quartier du Vieux Crès (décision municipale du 28 octobre 1986).

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De surcroît, Marthe Hurel, ou plutôt mademoiselle Lombard, s’est déjà distinguée il y a cent ans, lors de la 1re Guerre mondiale. En effet, dès le 8 août 1914, elle se porte volontaire pour servir aux Armées comme infirmière. Elle est affectée à Givet dans les Ardennes. La ville, située sur la Meuse, est dominée par le Fort de Charlemont dans lequel Vauban a construit un hôpital de campagne.

Dans leurs rapports, le docteur Adolphe Ripert, médecin-chef par intérim de cet l’hôpital militaire et son officier d’administration Massota, relatent jour par jour les évènements survenus au cours du mois d’août 1914 et précisent les actes de courage, de dévouement et d’abnégation de mademoiselle Lombard durant le siège du Fort de Charlemont.

(Document : Bernard Maury)

Chaque jour, il arrive de Belgique, en gare de Givet, des blessés transportés dans des conditions déplorables : « les soi-disant trains sanitaires sont de vulgaires wagons à bestiaux où il n’y a ni paille, ni brancard, ni couverture ». Pour améliorer le sort des blessés, le médecin-chef décide le 17 août d’installer dans un local de la gare une infirmerie sous la responsabilité de mademoiselle Lombard. Celle-ci, aidée par des dames de la Croix Rouge, donne « les petits soins nécessaires pour permettre aux blessés de continuer leur route dans les meilleures conditions possible ». Par exemple, le 23 août, 480 blessés sont arrivés à Givet dans l’après-midi. Aussitôt, à l’infirmerie, les membres de l’équipe de mademoiselle Lombard leur ont servi « des boissons chaudes et leur ont changé les pansements ».

Le 24 août, après le désastre de Charleroi, la droite de la 5e Armée bat en retraite et laisse seulement le 45e Régiment d’Infanterie Territoriale pour défendre Givet. Le 29 août, débute le bombardement de Givet. Les nombreux blessés qui se trouvent à l’hôpital de la ville sont transportés dans celui de la forteresse par les brancardiers aidés par Mademoiselle Lombard. Le 30 août, les obus de 420 mm endommagent tous les bâtiments de la forteresse. Gravement touchés, les murs de l’hôpital menacent de s’écrouler. Le 31 août, les tirs d’artillerie reprennent à 5 heures du matin, à la cadence de 6 coups par minute.

(Document : Bernard Maury)

Dans la matinée, Mademoiselle Lombard « fait preuve d’une  conduite héroïque en allant, en dépit du danger extraordinaire », prévenir le Gouverneur de la Place (le Lieutenant-Colonel Pailla) de la situation critique des occupants de l’hôpital. Les survivants du Fort avec les blessés se réfugient dans les casemates. Le 1er septembre, le Fort de Charlemont, toujours soumis à des tirs d’artillerie lourde, capitule à 17 heures. Le siège a fait près de 200 tués et blessés. Le drapeau du 45e RIT est brûlé par le Chef de Corps, mais le médecin-chef Ripert en subtilise trois morceaux. Il les remet à mademoiselle Lombard. Prisonnière des Allemands, « elle cache sa précieuse relique » durant toute sa détention à Landau. De retour en France, elle confie les morceaux du drapeau au Musée de l’Armée aux Invalides.

Mademoiselle Marthe Lombard a été citée à l’Ordre de l’Armée avec le libellé suivant :

(Document : Bernard Maury)

Décorée de la Croix de Guerre 1914-1918 avec palme et de la Médaille de la Victoire, Marthe Hurel a été jusqu’à sa mort vice-présidente de l’Association des Anciens Combattants. Dans la Salle du Souvenir de la Maison du Combattant à Millau, la photo, la citation et les médailles de Marthe Hurel sont exposées pour perpétuer la mémoire de cette grande dame.

Bernard Maury
Ancien Président du Comité d’Entente
des Associations d’Anciens Combattants et Assimilées

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