Patrimoine millavois
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Patrimoine millavois. La rue Alfred Guibert

Longue de 300 mètres et large de 13 mètres, la rue Alfred Guibert part de l’avenue de la République pour rejoindre l’avenue Jean Jaurès. Créée en 1897, c’est une des trois voies qui à la fin du XIXe siècle faisait communiquer ces deux avenues. Son nom rappelle le souvenir du fondateur d’un prix de vertu (1892).

Le 27 avril 1895, le « Messager de Millau » sous le titre de « Voies nouvelles » annonçait dans ses colonnes, la nouvelle suivante : « Dans le quartier du pont de la Cabre, sur la ligne qui va de la gare à l’abattoir, un certain nombre de propriétaires y ayant maisons et champs se sont entendus pour donner à la ville le terrain nécessaire à la construction de larges rues. L’une d’elles partirait de l’avenue de Rodez (la République), en face le square, pour aboutir à la route de Paris (Jean-Jaurès). M. Guibert est le principal propriétaire intéressé. Une seconde relierait la route de Paris à la rue de la Paulèle. »

Le 10 octobre de la même année, dans le compte-rendu de la séance du conseil municipal, nous pouvons lire : « MM. Léon Guibert, Alfred Guibert, Paul Guibert, Majorel, François Galtier et Rose Galtier offrent de donner à la ville, sur la largeur de 12 mètres, le terrain nécessaire pour faire un percement direct reliant l’Avenue de Rodez à l’avenue de Paris… Cette offre est adoptée. La ville prendra possession de ce terrain, pour la plus grande partie en 1897 et pour la partie appartenant à M. Guibert en 1900, sans autre dépense à supporter que celle de la construction d’un égout et de l’établissement d’une canalisation d’eau et de gaz comme dans les autres quartiers. »

Le 29 janvier 1898, la commission municipale des travaux publics proposait pour ce tracé le nom de « rue Alfred Guibert », dénomination que le conseil municipal de Millau adopta, une fois la voie (publique n°3) terminée dans sa délibération communale du 25 février 1898, pour perpétuer la mémoire de ce bienfaiteur.

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Extrait d’un plan de 1921 (DR)

Au nom d’un bienfaiteur

Mathieu Pierre Alfred Guibert, né à Millau le 12 avril 1825, marié à Millau, le 20 novembre 1848, avec Rosalie Pauline Caldesaigues (1830-1891) était rentier dans la cité du gant. Il possédait entre autres un établissement de bains qu’il avait acquis aux enchères publiques le 26 août 1868 situé dans la traverse des bains, rebaptisée rue des Bains, puis rue Fabié en 1943. En 1876, il habitait avec sa femme au 35 rue de Rodez (Recensement).

Annonce parue dans l’Echo de la Dourbie, 5 septembre 1868.

Il légua suite à son décès survenu le 10 novembre 1891, une rente annuelle de 320 francs pour être attribuée « à une demoiselle de famille pauvre de la ville, parmi celles qui auront eu une bonne conduite et qui auront donné des soins à leurs parents vieux ou infirmes ou parmi celles qui auront fait toutes autres bonnes actions ». L’attribution de ce prix de vertu fut établie à partir de 1892 et chaque année par le Conseil municipal. 400 francs seront aussi distribués annuellement en son nom aux quatre meilleurs élèves des écoles publiques.

Lors de ses obsèques célébrées le 11 novembre 1891, il fut déclaré : « M. Alfred Guibert, bien que protestant, avait été appelé, en 1883, par les catholiques à faire partie de notre conseil municipal, après la honteuse et juste expulsion de la municipalité franc maçonne qui avait à sa tête le fameux Abric. Cet homme de bien, nous parlons de M. Guibert a légué à la ville une somme de 12 000 francs dont les revenus devront être remis, chaque année, à une personne pauvre de la ville, choisie par le conseil municipal… Nous ne saurions trop louer cet acte de générosité, digne couronnement d’une vie charitable à laquelle ne manquait que la connaissance de la véritable religion » (Journal de l’Aveyron, Acte de bienfaisance, 16 novembre 1891)

On retrouvera durant des décennies dans la presse (L’Auvergnat de Paris) le nom des lauréates :

1906. « Le conseil municipal, dans sa séance publique du 27 décembre, a désigné Melle Sophie Migairou, âgée de quarante-neuf ans, demeurant rue Peyrollerie, bénéficiaire du legs Alfred Guibert » (6 janvier 1907)

1931. « Le conseil municipal a attribué le prix Alfred Guibert, à Melle Pons, rue de la Fraternité et un deuxième prix de 350 francs à Melle Augusta Brengues, rue des Fasquets » (3 janvier 1931)

1933. « Dans sa séance du 26 décembre, le Conseil municipal a décidé d’attribuer les prix suivants de 300 francs : prix Alfred Guibert : Melles Vernhet Maria, 39 rue de la Capelle ; prix du conseil municipal : Rey Paule, 1, rue du Lion d’Or ; prix exceptionnels : Potez Marguerite, 23 boulevard de Bonald ; Nivouliez Maria, 4 place du Voultre et Ginesty Clémence, 2 rue de la Condamine, qui se sont fait remarquer par les bons soins donnés à leurs vieux parents » (6 janvier 1934).

1936. « Quatre jeunes filles : Melles Gayraud, Artières, Gayral et Grèzes, ayant soigné avec dévouement leurs parents âgés et infirmes, se sont vues attribuer des prix de 300 et 200 francs en vertu du prix Guibert » (11 janvier 1936)

1940. « Le conseil municipal a désigné Melle Lauret Emilienne comme bénéficiaire du prix Alfred Guibert et Melle Unal Elodie s’est vu attribuer le prix du conseil municipal » (20 janvier 1940)

Jules Artières en 1924 à ce sujet écrivait : « Bien que la vertu ne mérite d’autre récompense que celle de la satisfaction que procure le devoir accompli, la nature humaine a besoin parfois d’un stimulant. Aussi, nous applaudissons des deux mains à la générosité de notre compatriote et à l’hommage public que lui rendit le Conseil municipal en donnant son nom à une des grandes artères de la nouvelle cité » (Millau, ses places, ses rues, ses monuments).

Près de l’Avenue de la République, de beaux immeubles bordent la droite de la rue. © Marc Parguel

Des maisons bourgeoises

En cette fin du XIXe siècle, le « Vieux Millau » est déserté de plus en plus par les familles bourgeoises pour cette zone où les rues sont plus larges et les odeurs de cuir moins fortes.

En peu de temps, de forts beaux immeubles vinrent border la nouvelle rue. Leurs numéros commencèrent par l’Avenue de Rodez (Republique) et l’on vit au numéro 4 un splendide hôtel particulier où vint s’établir en 1901 l’habitation de Dieudonné Rey (Archéologue, mais aussi architecte de notre ville à qui l’on doit la construction en 1881-1882 de l’école Eugène Selles), et de Jean Victor dessinateur et architecte. Charles Guibert (Entreprise des gants) fit construire la maison Guibert au numéro 7 de la rue. Au numéro 12, vivait Elise-Arnal-Sabde, bienfaitrice de notre ville qui est décédée, à l’âge de 55 ans le 16 décembre 1909.

Parmi les maisons bourgeoises, « on remarquera celle du n°16 décorée de mosaïques sur les fenêtres, prémices de l’Art déco des années 1920 » (A. Bouviala, Promenons-nous dans Millau, Millavois.com).

Un belle décoration qui scintille au soleil au n°16 (DR)

Ce qui fit dire à Jules Artières en 1924 : « La rue s’embellit tous les jours par suite des maisons de bons goûts qui s’élèvent sur ses côtés. »

Au 18 de la rue Alfred Guibert, on peut voir la date de 1904. Les numéros impairs sont à la droite de la rue (côté place du Mandarous).

Les photos anciennes de cette artère sont très rares. L’une d’elles, que nous publions ici fut prise le 14 juillet 1919, où l’on voit défiler un char symbolique se dirigeant vers le Parc de la Victoire qui fut inauguré solennellement.

Le char symbolique passant dans la rue Alfred Guibert le 14 juillet 1919. (DR)

Sur la place du Mandarous, la circulation se faisant de plus en plus dense, on se fit à l’idée de déplacer le monument commémoratif de 1870. Avant qu’il ne soit finalement installé au sommet du Parc de la Victoire, on avait envisagé en 1933 d’installer le Monument sur le côté du jardin de la Gare (Malraux), en face du débouché de la rue Alfred Guibert (Indépendant Millavois, 16 septembre 1933).

Marc PARGUEL

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