Dans le cadre de l’aménagement du boulevard urbain de Millau, un nouveau giratoire a vu le jour au niveau de la rue de la Sérénité. Aussitôt sorti de terre, il a été baptisé « rond-point Odette Noyrigat », du nom d’une résistante millavoise Odette Noyrigat dite « Suze » figure millavoise, ancienne résistante déportée et Présidente de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) de l’Aveyron
Son fils Jacques Noyrigat est aujourd’hui le président départemental des « Déportés patriotes ». À son décès en 2021, Michel Durand adjoint municipal délégué aux Anciens Combattants lui avait rendu hommage en retraçant son histoire.
« Avec elle, c’est une infatigable passeuse d’Histoire et de mémoire qui vient de s’éteindre. Un des derniers témoins des turbulences des plus terribles évènements du XXe siècle.
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, « fiancée » de Louis Noyrigat, jeune communiste millavois menant avec son père la lutte armée des maquis, Odette Brengues fut-elle aussi combattante dans la Résistance millavoise. Arrêtée à Béziers le 21 juin 1944, elle est déportée à 24 ans au camp de Ravensbrück en Allemagne. Dans ce camp, centre de détention des femmes et d’enfants le plus important du Reich où au moins 132 000 femmes et enfants seront déportés et, où entre 20 000 et 30 000 y périrent, elle côtoiera des détenues de tous les pays d’Europe occupés par l’Allemagne nazie.
Des opposantes politiques ou résistantes françaises comme elle, polonaises, allemandes, prisonnières de guerre russes, mais aussi détenues raciales juives, tziganes, roms, sintis, des « hontes de la race »… Dans ce camp, véritable camp de la mort, lieu de travail forcé et d’expériences médicales contraire à toute morale, les détenues portent un triangle coloré selon leur catégorie, une lettre au centre indiquant leur nationalité : rouge pour les prisonnières politique (le cas de Madame Noyrigat), jaune pour les juives, vert pour les criminelles de droit commun, violet pour les témoins de Jéhovah, noir pour les Tziganes et les prostituées…
Toutes prisonnières, comme l’a rappelé avec émotion son fils Jacques lors de la récente cérémonie de la journée nationale de la Déportation, d’un inframonde où régnaient la famine, la promiscuité, le typhus, les violences, les chiens lâchés, les chambres à gaz et la mort toujours présente. Un inframonde où, malgré l’abjection d’un processus de déshumanisation organisée leurs bourreaux ne réussiront pas à broyer ce qu’il y a de plus beau en l’homme, et où se formèrent de beaux élans d’empathie et de belles solidarités entres détenues par le biais de dessins, d’écrits, de petits travaux de couture et de broderie confectionnés avec des matériaux volés aux SS.
À ce titre, Odette Noyrigat avait précieusement gardé un menu imaginaire élaboré par ses codétenues à l’occasion de son anniversaire. Autant de façons de montrer qu’elles n’étaient pas des matricules, mais des êtres humains, autant de façons de démontrer que la plus petite fleur peut toujours éclore sur le pire tas de fumier… autant de façons de résister à la barbarie.
Rescapée de l’horreur après l’évacuation du camp en mars 1945, Odette Noyrigat n’aura de cesse par la suite de témoigner, de préserver la mémoire de ses compagnes d’infortune tuées par les nazis. Partager les traces de cette force de vie qui a pris le dessus sur les ténèbres. Témoigner, mais aussi alerter afin que de telles abominations ne puissent se reproduire.
Par son action au sein de la FNDIRP et au cours des cérémonies officielles de commémorations bien entendues, mais surtout en intervenant, dans divers établissements scolaires de Millau et du département dans le cadre du concours annuel national de la résistance et de la déportation. Permettant par son témoignage authentique et vivant à plusieurs générations de jeunes d’éveiller leur conscience citoyenne et de mieux connaître et appréhender une des périodes les plus sombres de notre Histoire contemporaine.
Son parcours de vie, sa force morale exceptionnelle et son énergie méritent notre respect, notre souvenir et notre considération collective. »