Opinion

Millau. Opinion : « Comptes et mécomptes »

« Après la construction du Viaduc de Millau, il avait été demandé à Eiffage d’installer, pour la mise en valeur de l’ouvrage dans son environnement, un éclairage des piles et du tablier. Pour poursuivre cette mise en valeur du site qui sert d’écrin à notre ville, il avait été installé des projecteurs pour mettre en lumière les falaises du Causse Noir autour de la Pouncho d’Agast.

En 2019, la convention signée avec les propriétaires des terrains sous les falaises, qui avait permis l’installation des projecteurs, avait été rediscutée pour un renouvellement sans aboutir à un accord. En 2020, la municipalité de Mme Gazel a décidé d’éteindre définitivement les projecteurs même lors de fêtes ou d’événements particuliers et d’abandonner le matériel sur place.

Cet abandon vient de donner lieu au versement d’indemnités très conséquentes en faveur des propriétaires des terrains sur lesquels subsiste ce matériel d’éclairage des falaises. Ces indemnités ont été réparties pour moitié à la charge de la Communauté de Communes et pour moitié à la charge de la commune de Millau, mais pour la totalité sur le dos du contribuable.

Ainsi, pour deux propriétaires qui voient leurs parcelles occupées chacune sur 60 m2, ils bénéficient chacun de 30.000 €, soit 500 € du mètre carré, tout en restant propriétaire. Pour le troisième propriétaire concerné, sur 30 m2, l’indemnité est de 15.000 €.

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Tout un chacun est capable de mesurer la valeur patrimoniale du mètre carré dans les pentes de taillis sous les falaises. Il est évident que l’on n’y fera jamais pousser du blé ou des pommes de terre ni même que personne ne s’amusera à y planter de la vigne. Malgré cette réflexion de bons sens, nos élus de la majorité ont estimé que le préjudice s’élevait à 500 € le mètre carré.

A titre de comparaison, la Ville vient de vendre à un promoteur l’ancienne usine Mercier à l’angle de la rue de la Paulèle pour le prix de 260.000 €, pour 3057 m2, soit 85 € le mètre carré. Cherchez l’erreur.

Après l’immeuble exproprié rue de la Capelle à un prix délirant, on ne peut que constater que Mme Gazel et son équipe ont des estimations dans le domaine de l’immobilier sans rapport avec la réalité.

Mais il y a mieux. Sur le plan juridique, nous sommes en présence de la règle de l’accession. Principe qui veut (Art. 551 et suivants du Code civil) que pour les plantations, constructions et ouvrages faits par un tiers sur terrain d’autrui, le propriétaire du terrain a le droit soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever.

Ces principes sont applicables à partir du moment où il n’existe pas de convention réglant le sort des biens ou ouvrages litigieux (C.Cass. 15/1/71 – 3e Civile).

Du moment que les propriétaires des terrains n’ont pas demandé aux collectivités publiques d’enlever les projecteurs et leurs équipements, ils en conservent la propriété (Art. 555 du C.C.). Mais dans ce cas, la jurisprudence de la Cour de cassation a précisé qu’il appartenait au propriétaire du sol de payer la valeur des ouvrages conservés à leur valeur vénale au jour du paiement.

Dans un arrêt publié au Bulletin, la Cour Suprême a jugé (Troisième Chambre civile 12/10/2011) que le propriétaire ne pouvait recevoir une indemnité pour moins-value d’encombrement puisque l’article 555 du Code civil ne le prévoit pas.

Alors non seulement l’indemnisation versée (500 € le m2) ne correspond en rien au préjudice réel, mais en outre les conventions signées et votées par la majorité vont à l’encontre des dispositions du Code civil et de la jurisprudence en matière d’accession en l’absence de dispositions conventionnelles. Cela ne représente après tout que 75 000 €.

A cette générosité municipale, il convient d’ajouter la dernière largesse de Madame le Maire. Elle a décidé de faire brûler 20.000 € à la flamme olympique.

J’ai déjà dit dans un article précédent tout le mal que je pensais d’une telle opération dont les seuls bénéficiaires sont les organisateurs, CIO et Comité olympique national, quand le Département l’avait un moment envisagée. Bénéfice publicitaire nul. Les télévisions du monde ne vont pas venir filmer nos coureurs le flambeau à la main autour du Mandarous. Et si cela était, qui demain s’en souviendrait ? Qui se souvient du parcours de la flamme au Japon ? Madame la Maire nous fait une opération à la Serge Gainsbourg. On va brûler dans cette opération 20 000 €.

Pour être complet, il faut dire que le bruit court en ville que Madame la Maire aurait vendu à un antiquaire des tables de la salle de réception de la Mairie. Il faut bien essayer d’équilibrer les dépenses ! On aimerait savoir pourquoi et à quel prix. »

Me Jean-Louis Esperce,
Ancien maire de Millau

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