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Cérémonie de la Libération de Millau : la mise au point de Michel Durand

Ce soir au Parc de la Victoire avait lieu la commémoration du 77e anniversaire de la libération de Millau. Une cérémonie qui s’est déroulée devant la stèle de la Résistance afin d’honorer la mémoire des soldats qui ont fait front pour l’espoir et la liberté.

A cette occasion, Michel Durand, Adjoint délégué aux Anciens Combattants, visiblement ému, a fait un long discours avant que Bernard Maury, Président d’Honneur du Comité d’Entente des Associations d’Anciens Combattants et assimilés de Millau, ne lise l’émouvante lettre d’adieu d’Henri Froment à ses parents.

Michel Durand est notamment revenu sur l’actualité locale, et les raccourcis malvenus que certains n’hésitent pas à faire avec l’Histoire. Nous reproduisons ici son discours :

« Nous sommes réunis en ce jour pour commémorer un symbole fort de notre communauté de vie, la libération de Millau survenue le 22 août 1944. Vous conviendrez qu’il est difficile d’imaginer qu’il y a 77 ans, jour pour jour, ces rues dans lesquelles nous pouvons nous déplacer librement aujourd’hui, voyaient, après des mois d’occupation, au lendemain des exécutions de Sainte-Radegonde, du massacre d’Argols et à l’aube du combat meurtrier de La Pezade, circuler des convois allemands en fuite.

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Une retraite précipitée due à des hommes et des femmes, auxquels nous rendons un hommage mérité, qui combattaient alors les forces ennemies pour rendre aux Millavoises et aux Millavois leur liberté. Des hommes et des femmes venant de tous horizons et de toutes confessions qui partageaient un idéal commun. À la résignation face à l’humiliation d’une France occupée, ces héros ont choisi l’action et la résistance pour le bien commun.

La libération de notre commune demeurera inscrite dans l’Histoire de Ville, comme de toutes les villes libérées, comme l’expression et le symbole de l’aversion profonde de quelques-uns pour l’arbitraire et l’injustice. Comme un acte de foi laïque, porté jusqu’au sacrifice ultime, dans les valeurs qui fondent notre République et font la fierté de notre nation. À l’heure où notre société se délite, où l’exemplarité se fait rare et où beaucoup perdent leurs repères ; à l’heure où des analogies plus que douteuses voient le jour, il est bon de se souvenir du sacrifice de la résistance française. Il est de notre devoir commun d’entretenir la mémoire afin ne pas répéter la barbarie du nazisme du fascisme. Entretenir et respecter une mémoire qui appartient à chacun d’entre nous, à chaque citoyen quel qu’il soit. Se rassembler ici c’est plus qu’une commémoration, c’est accomplir un acte républicain.

Michel Durand, Adjoint délégué aux Anciens Combattants.

C’est un fait, la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs s’éloignent de nous et ne seront bientôt plus qu’un souvenir dont plus personne ne pourra témoigner. Pourtant, alors que des populations entières vivent encore sous le totalitarisme où, tel l’Afghanistan, replongent dans l’obscurantisme, alors que de par le monde nos forces armées continuent à donner leur vie au nom de la paix et de la Liberté, à l’aune de l’actualité du moment, où le sens de certains mots fondateurs de notre communauté nationale est galvaudé et détourné, il n’a jamais été aussi pertinent de questionner les conduites collectives et individuelles, de rappeler au travers de telles commémorations le vrai sens des notions de liberté, d’égalité et de volonté générale attachées au « contrat de droit social» cher à Jean-Jacques Rousseau.

D’opposer aux confusions le raisonnement et la mémoire historique. Car en France, à Millau, en 2021, malgré treize années de scolarité obligatoire et l’étude de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah au collège et au lycée, il a malheureusement encore été possible, au cœur du mois de juillet, de croiser, dans les rues mêmes où nos concitoyens fêtaient la fin de l’occupation allemande et des persécutions, des personnes à la culture historique et sociale si lacunaire, qu’elles sont capables au nom de la liberté de brandir des pancartes totalement décontextualisées faisant référence à Adolf Hitler, aux codes et symboles du nazisme ou même comme l’on a pu le voir dans certaines villes, arborer une étoile jaune.

Quand bien même ne représentent-ils qu’une infime minorité, que ceux qui osent comparer leur situation de réfractaires à un passe sanitaire ou à un vaccin à celle, d’une population sous le joug d’une dictature fascisante, se comparer à des résistants pourchassés et persécutés par un gouvernement criminel.

Ou pire, comparer leur situation à celle d’un peuple sommé de porter l’étoile jaune au plus fort de la folie nazie, par l’interdiction qui lui était faite de fréquenter certains établissements, prennent conscience de l’insupportable inconséquence de leur comparaison. Qu’ils réalisent que de porter l’étoile jaune était non pas tant l’interdiction de pénétrer dans tel ou tel commerce, mais bien la certitude de monter tôt ou tard à bord d’un train dont la destination, dans le cadre d’un processus d’extermination dûment orchestré, n’était un aller simple pour ce que l’on appelait « solution finale ».

Alors oui et fort heureusement ! Nous pouvons discuter de la gestion de cette crise, débattre au sujet de la menace sur les libertés individuelles ou sur la responsabilité collective. S’interroger sur certaines incohérences gouvernementales. Se questionner devant les interminables queues à l’entrée des pharmacies afin d’obtenir le précieux sésame. S’alarmer de la teneur de certains commentaires sur les réseaux sociaux. Chacun a bien évidemment le droit de manifester et d’exprimer une opinion, aussi singulière soit-elle.

Chacun peut dire sa colère face à des mesures considérées à tort ou à raison comme liberticides. Chacun est libre de scander des slogans pour mieux clamer sa désapprobation. Mais là n’est pas le propos. Le corollaire de la liberté c’est la responsabilité. Au-delà de toute approche moralisante, que l’on soutienne ou non les mesures sanitaires imposées, les mots et les symboles ont un sens et personne n’a le droit de s’approprier une mémoire qui n’entretient aucune espèce de rapport avec la situation actuelle.

Bernard Maury, Président d’Honneur du Comité d’Entente des Associations d’Anciens Combattants et assimilés de Millau.

Tenter de capter les valeurs de la résistance face au nazisme et au fascisme vichyste en utilisant une rhétorique consternante visant à établir et banaliser des parallèles entre différentes périodes de notre Histoire est inadmissible. De tels amalgames, outre être moralement abjects et intellectuellement ineptes, sont un crachat au visage des victimes de la barbarie nazie, des résistants morts au combat ou sous la torture, des internés et déportés dans les camps d’extermination et des libérateurs de notre pays et de notre ville que nous célébrons aujourd’hui.

Héros et martyrs, tels, et pour ne citer que lui, Henri Froment dont Bernard Maury nous fera lecture de la déchirante lettre d’adieu à ses parents au moment de partir vers un funeste destin. Ces rapprochements indignes ne participent qu’a souiller leur mémoire et leur histoire. Jamais la mise en place d’une mesure sanitaire ne sera comparable à l’horreur des rafles, à l’abomination des camps, de l’extermination planifiée, de la torture et des exécutions sommaires. Ne transigeons pas ! Contester et manifester pour ceux qui le jugent nécessaire : oui et c’est leur Liberté fondamentale ! Mais oublier, banaliser et entretenir un confusionnisme propice à tous les extrêmes : jamais ! Comme l’a si bien écrit Victor Hugo : « la liberté commence là où l’ignorance finit ». Vive Millau libéré ! Vive la République ! Et vive la France ! »

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