La chapelle du Maynial (commune de Veyreau, Gorges de la Jonte)

Marc Parguel
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La chapelle (23 juillet 2023) - DR

A quand remonte la construction de la chapelle du Maynial, qui domine la Jonte ? Un testament nous apporte la réponse, elle fut bâtie au milieu du XVIe siècle. Ce fait nous est rappelé lorsque Guillaume Julien, prêtre originaire du Maynial, fit ses dernières volontés en date du 15 novembre 1546, nous apprenant qu’il fut le fondateur de la chapelle en haut du village : « Savoir et attendu avoir fait instruire et édifier une chapelle au lieu du Maynial, en l’honneur de Dieu et de Monseigneur Saint-Julien où il fonde à perpétuité une chapellenie. Il veut que le chapelain de cette chapelle soit tenu de dire chaque mois de l’année perpétuellement, une messe de Requiem pour son âme et celle de sieur son père…et que ce chapelain qui servira ladite chapelle, il lui soit donné chaque année trois setiers (environ 60-65 litres) de froment. En outre, ce même Guillaume Julien fit construire une chapelle à Saint-Jean-des-Balmes.

La modeste chapelle du Maynial a toujours porté le nom de chapelle Saint Blaise et St  Julien qui ont plusieurs miracles à leurs actifs.

La chapelle aujourd’hui -DR

Sa prise de possession remonte au  19 juin 1549. A cette date, M. Ant. Boysset rentier des émoluments du château du Maynial confère à André Benezech, la chapelle de St Blaise fondée dans le château du Maynial. M. Johan Rossalh prêtre le met en possession par l’entrée et sortie de ladite chapelle ouverture et fermeture d’icelle, aspersion d’eau bénite, pulsation de la cloche, tradition du missel et vêtements sacerdotaux (19 juin 1549, Vidal). Abandonnée au milieu du XVIIe siècle, au profit de l’église de Veyreau, vouée à une ruine certaine, à moitié enfouie dans le sol, elle était devenue malsaine. Ce n’est que grâce à la volonté du curé Charles Jacob qu’elle fut sauvée de la ruine et de l’oubli à la fin du XIXe siècle, nous y reviendrons…

Le clocher de la chapelle avant restauration (2 mai 2008) – DR

Le testament de Guillaume Julien

Dans son testament, le fondateur de la chapelle du Maynial cède à 24 propriétaires des parcelles de terre qu’ils pourront travailler et dont ils pourront jouir à condition de payer annuellement une rente de 6 setiers froment. L’argent récolté servira a doté la chapelle du Maynial et Saint-Jean-des-Balmes et à célébré des messes dans les dites chapelles. L’église de Saint-Jean-des-Balmes ayant été abandonnée à la fin du XVIIe siècle, au profit de l’église à Veyreau, celle du Maynial subit le même sort quelques années après. Cette dernière était une dépendance du château du Maynial. De 1743 à 1746, un procès fut intenté par P.Jean Brondel curé du Rozier, chapelain des chapelles qui réclama à deux paysans du Maynial 6 setiers de froment, dotation desdites chapelles (21 septembre 1743, Lafon). Ces derniers contestent d’une part le paiement de cette rente pour la dotation de la chapelle du Maynial et celle de St Jean-des-Balmes sous prétexte que celles-ci sont désormais abandonnées, mais également la répartition de la part à payer d’après la superficie de leur terrain. On demande à Louis Antoine Valette de Trève « expert mestralement » d’aller directement sur les terrains, ce qu’il fit. Voulant rendre le payement plus facile, les contenanciers nomment pour syndic Guilhaume Atgé du Meynial l’un des contribuables de la dite rente, pour faire mesurer et allivrer lesdits biens, à l’effet de répartir ladite rente sur chacun à proportion de sa valeur et du produit. Le calcul de chaque parcelle ne se fit pas sans difficulté et d’après le rapport contenant 28 feuillets, terminé le 10 mars 1746, de nombreuses contestations s’élevèrent et ce ne furent plus deux, mais les 24 propriétaires qui refuseront de payer cet impôt qu’ils considèrent comme abusif, compte tenu de la qualité des terrains et surtout vu l’abandon des chapelles où aucune messe ne sont dites depuis des décennies.

Intérieur de la chapelle avant restauration (2 mai 2008) – DR

Le temps passa, et personne ne voulant changer de position, le 21 janvier 1831, l’affaire de cette rente du Maynial revint sur le devant de la table, et dans une lettre du 15 janvier 1832 adressée au vicaire général du diocèse de Rodez, le curé de Veyreau demande que la rente de six setiers soit à nouveau versée, non au curé du Rozier prieur et chapelain du Maynial à la Révolution, mais à la paroisse de Veyreau : « La chapelle n’est plus desservie, dit-on, avant la Révolution, elle ne l’était guère mieux lorsque le chapelain était le prieur-curé du Rozier, il ne venait pas souvent au Maynial. L’opinion publique est qu’on y allait dire la messe tous les ans à la fête de St Blaise et que c’était une dévotion à laquelle se rendaient plusieurs personnes du voisinage. D’ailleurs dans le testament du fondateur, dont je vous mets sous les yeux une copie fidèle, parle de deux chapelles fondées l’une au Maynial et l’autre dans l’église de Saint-Jean-des-Balmes et il devait être payé trois setiers de blé pour chaque. Et depuis que la paroisse fut changée à Veyreau, je pense qu’on ne parle plus que de la chapelle du Maynial à laquelle on attribua les six setiers de froment. Le prieur-curé du Rozier était titulaire de cette chapelle dans un temps parce que soit Saint-Jean-des-Balmes aujourd’hui Veyreau, soit le Rozier, relevait du couvent d’Aniane qui était prieur de ces deux paroisses. ». Résultat : Pierre Giraud, évêque de Rodez réduira la rente de 6 à 3 setiers froment soit 36 francs à payer par chacun des 24 propriétaires au prorata de leur portion à compter du 15 mai 1833 : « et sera payée chaque année à la même époque par les susdits propriétaires aux fabriciens de l’église de Veyreau, à laquelle église se trouvent réunies les susdites chapelles, pour être employée à faire célébrer des messes basses d’obit selon l’intention du susdit testateur. » (Visite pastorale, 14 mai 1833). Aujourd’hui cette rente n’est plus versée.

Un bienfaiteur : Charles Jacob

On doit à Charles Jacob (1829-1898), curé de Veyreau, le sauvetage de l’église de Saint-Jean-des-Balmes, mais aussi la chapelle du Maynial qui était dans un état de délabrement avancé. Dans le dénuement le plus complet, à moitié enfoui dans le sol, elle était vouée à une ruine certaine. Le curé Jacob mit tout son cœur à restaurer cet édifice et à le rendre décent. Il n’hésita pas à puiser dans ses fonds propres pour payer la chaux et la main-d’œuvre, comme il le fit pour Saint-Jean-des-Balmes et pour le clocher de l’église de Veyreau. Grâce à lui, on fit une petite porte et deux fenêtres et on acheta deux ornements (blanc et rouge), un missel, des « te igitur », une nappe d’autel, une aube, des tableaux pour le chemin de la croix, une petite custode, et enfin une cloche. La cloche qui coûta un peu plus de 300 francs et qui pèse, métal seul, 600 kg, a été fondue en 1878 par M. Triadou de Rodez et a été dédiée aux S.S. Julien et Blaise patrons de la chapelle. Sur elle a été gravé le nom du curé de Veyreau, M.Charles Jacob.

Charles Jacob – DR

Rappelons que Saint Blaise était réputé dans la chapelle pour guérir des maux de gorge. Même après l’abandon de ce lieu pour l’église de Veyreau, on avait l’habitude de se rendre dans ce modeste sanctuaire chaque année pour une messe qui était dédiée à ce saint chaque 3 février. Le parrain de la cloche dédiée à Saint Julien et Blaise fut le vicomte Victor de Bonald du Monna, petit fils du grand philosophe et la marraine Mme la vicomtesse de Bonald. La bénédiction de la cloche eut lieu le 30 mai 1878. M.Grimal curé de Peyreleau bénit la cloche après avoir célébré la sainte messe et M.Grousset curé du Rozier (Lozère) donna l’instruction d’usage. Etaient encore présents MM. Jacob curé de la paroisse ; Fages, curé du Monna, Guibert, curé de Saint-André-de-Vézines, Guibert son vicaire et neveu, de Pastruel curé de Saint-Pierre des Tripiers, Astier son vicaire, Salvat curé du Truel, Giral vicaire de Meyrueis, Arnal maire de Veyreau et un très grand nombre de personnes de la paroisse et des paroisses environnantes. La cérémonie fut suivie d’un repas frugal que fit servir M.le curé de Veyreau. Trois familles du Maynial (Frédéric Gal, Antoine Arjaliès et Jean Saumade) tinrent à l’honneur de fournir gratuitement le vin ordinaire et quelques autres petites choses. Le parrain et la marraine firent don à la chapelle de deux petits tableaux peints, l’un représentant le Sacré-Cœur de Jésus, l’autre le Saint Cœur de Marie.

La chapelle du Maynial ayant une enceinte trop restreinte, eu égard à la population qui l’entourait, a été agrandie et presque doublée du côté du midi dans les mois de février et mars 1880. Les habitants du village, gratis, creusèrent les fondements et firent sur leur dos le transfert de tous les matériaux.

Médaillon sur la porte d’entrée – DR

« Les réparations ou achats faits pour la chapelle du Maynial  (1872-1880), y compris les travaux gratuits dont nous venons de parler, représentent au moins la somme de 1000 francs. Les habitants y ont consacré spontanément une partie des dons qu’un comité diocésain leur avait accordés, à l’occasion des dégâts occasionnés par l’inondation de la Jonte. M. le curé a fait tout le reste avec ses propres deniers et avec certaines aumônes dont il pouvait disposer » (d’après le livre de Paroisse de Veyreau). La chapelle appartenait il y a quelque temps encore à des habitants de la commune, cette dernière décida de la leur racheter en 2009. Courant 2010, un projet de restauration vit le jour. Un devis fut demandé en urgence pour la toiture, car la voûte présentait quelques signes alarmistes qui se sont aggravés avec le gel et la neige (Bulletin municipal, Veyreau, 2010).

Vue depuis le chemin qui mène à la chapelle – DR

Les travaux furent entrepris dans la foulée, la toiture en lauze de la bâtisse a été refaite afin de protéger sa voûte. A l’intérieur, les menuiseries ont également été changées et un nouveau chemin de croix orne les murs, sans oublier le buste de Saint Blaise taillé dans un bloc de pierre en 2012 et fièrement juché sur un pied en bois de chêne.

Saint-Blaise – DR

Sous ce buste, on peut lire un texte rappelant les faits importants de sa vie : « Saint-Blaise, Evêque et martyr (316), très habile médecin, il devint évêque de Sébaste, en Arménie. Inspiré de Dieu, il quitta son siège épiscopal pour aller vivre en solitaire sur une montagne. Il fut arrêté comme « chrétien » sur ordre du Gouverneur. On le martyrisa atrocement. Ses dernières paroles, avant qu’il eût la tête tranchée, furent : « Déjà voisin du ciel, je méprise toutes les choses de ce monde ; je me ris de vous et de vos supplices. Ces tourments ne dureront qu’un instant, tandis que la récompense sera éternelle ».

On invoque Saint-Blaise pour différentes maladies, spécialement les maux de gorge. »

DR

Sur la place du Maynial, la pose d’un garde-corps permet une mise en sécurité de ce lieu dominant le reste du village et dont les murets n’étaient pas assez hauts pour protéger suffisamment les personnes. Le 6 juillet 2013, les habitants du village et des alentours assistaient à une nouvelle bénédiction de cette chapelle. Après l’office, le maire de Veyreau, Miguel Garcia, a fait un discours mettant en avant les travaux du conseil municipal, remerciant les entreprises, les habitants et toutes les personnes qui ont contribué à la bonne rénovation de cet ouvrage, saluant également Guy Tiquet adjoint à la commune. Comme le firent leurs aïeux, les familles du Maynial avaient offert l’apéritif aux convives. Le repas s’est déroulé au restaurant des Douzes.

La statue de la vierge restaurée

Une nouvelle phase de restauration a eu lieu récemment. A la fin de l’année 2020, Gregory l’employé municipal de la commune s’est chargé de réaliser une belle montée d’escalier en pierre apparente, le long de la façade est de la chapelle du Maynial. Il a terminé ce travail au printemps 2021.

La statue de la vierge restaurée – DR

Parallèlement à ce travail, fut envisagée par la nouvelle municipalité (Régis Cartayrade) la restauration de la statue en bois de la vierge à l’enfant. Cette belle restauration qui aura duré plusieurs mois sera terminée en avril 2023, la statue reprenant sa place au centre de la chapelle.

Le dimanche 23 juillet 2023 eut lieu une messe où le Père Jean-Claude Rodriguez s’est chargé de bénir la statue rénovée de la vierge Marie. En fin de cérémonie, Régis Cartayrade, maire de la commune, a évoqué la prise en charge par la collectivité des travaux de dorure de la statue et de la reconstruction de l’autel. Peu à peu, cette petite chapelle grâce à ses habitants revient à la vie. Cette célébration a été un succès et la modeste chapelle a bien eu du mal à contenir les paroissiens qui étaient venus voir ce patrimoine restauré en grand nombre.

Marc Parguel

Beaucoup de monde pour la bénédiction de la Vierge (23 juillet 2023) – DR
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