La foire de Saint-André-de-Vézines

Marc Parguel
Lecture 10 min.
Carte postale du début du XXe siècle. (DR)

De toutes les personnes âgées interrogées dans le village de Saint-André-de-Vézines, il n’en est pas une qui ait le souvenir d’une foire qui s’est tenue dans ce chef-lieu de commune. Les souvenirs des anciens remontant jusqu’à l’après-guerre de 1914-18, nous pouvons donc affirmer qu’elle n’existait plus à cette époque.

Le livre de Raymond Calmettes sur les foires et marchés de l’Aveyron mentionne qu’elle avait lieu le 27 mai et ajoute de façon générale « Au XIXe siècle comme actuellement, la foire veut servir les intérêts d’une collectivité locale, quelle que puisse être sa taille, malgré le handicap qu’est la route » (Dossier n°3, 1982).

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En effet, la commune de Saint-André-de-Vézines n’était pourvue que de mauvais chemins, la route venant de la Roque appelée « la cote neuve » n’a été commencée qu’en 1870 et terminée en 1877. Avant 1850, et l’aménagement de nouvelles routes plus spacieuses ; partout la paysannerie et l’artisanat se plaignent de ne pas pouvoir fréquenter sans aléas les marchés. Va-t-on aux foires aux bestiaux ? Évidemment, et ce depuis des temps immémoriaux, mais étonnamment peu sur le Causse Noir.

Les habitants de Saint-André-de-Vézines, Veyreau, allaient sur le plateau du Larzac. Parfois, ils passaient par les ponts et passerelles de la Dourbie pour monter sur l’autre Causse, parfois ils faisaient passer leurs bêtes dans la rivière à la nage. Si l’une d’elles est entraînée par le courant on s’efforce de la récupérer en aval à l’aide de gaffes.

Jusqu’en 1870, la longueur et le prix des transports furent le grand handicap de la production et des échanges. Pour le trafic à grande distance, notre Causse a longtemps ressemblé à une île de hautes terres. Les voies dans les vallées étaient très difficiles, voire inexistantes. Certaines parties demeuraient de hauts lieux de brigandage. L’ouverture vers l’extérieur ne se produira réellement que dans la seconde moitié du XIXe siècle. 

Illustration extraite de l’ouvrage « Par sentiers et par routes » par S.-n. de Montille, E.Mas (1912) – DR

À cette époque,Veyreau avait déjà « sa » foire, comme en témoigne le journal de l’époque, celle-ci était fixée au 7 juin (L’Echo de la Dourbie, 4 juin 1843). Six années plus tard, et pour la première fois dans nos archives est mentionné un projet de foire à Saint-André qui se tiendra le 8 août dans le village (délibération communale du 10 août 1849).

Malgré le vote, la foire n’aura pas lieu, à cause de formulaires à remplir qui n’en finissent pas, il faudra attendre plus de vingt ans pour voir une foire s’installer dans le village. Ces formulaires remplis par d’autres communes donnent droit à des réponses laconiques. Ainsi, jugeant les foires trop nombreuses, on répond : « vu le trop grand usage qu’en font aujourd’hui les gens de la campagne ». Plus étonnante, peut-être l’affirmation selon laquelle il conviendrait d’en donner une (foire) à chaque commune. Quoiqu’il en soit, Saint-André dut attendre… jusqu’en 1872 ! Depuis 1870, la « route neuve » avance bien, et Saint-André au recensement de 1872 compte plus d’habitants que la commune de Veyreau, 516 habitants contre 510, tous les voyants sont au vert. 

Une première foire en 1872

Le 12 mai 1872, le conseil municipal se réunissant exprime ce qui suit : « Il y a bien longtemps que la commune de Saint-André désire se voir établir une foire, mais vu les formalités à remplir, n’a jamais fait la demande. Maintenant que ces formalités n’existent plus, qu’il suffit seulement d’en faire la demande, le maire propose d’en créer une qui se tiendrait le  vingt-sept du mois de mai de chaque année à Saint-André, chef-lieu de la commune. Considérant qu’il s’élève beaucoup de bestiaux dans la commune et les environs, pour les vendre il faut se transporter bien loin, que cette époque serait très favorable pour la vente des agneaux, moutons, brebis, cochons et autres bestiaux. Le conseil municipal est unanimement d’avis qu’il soit créé une foire à Saint-André qui se tiendra le 27 mai de chaque année. »

Pourquoi le 27 mai ? Cette date n’était pas choisie par hasard, car tombant une semaine juste avant celle de Veyreau. Celle-ci se tiendra sur la place publique et la première édition sera fixée au 27 mai 1873. Sous la municipalité de Sabin Jonquet, et Guillaumenq adjoint, on décida pour cette cause de la réaménager, un perron a été construit autour d’un tilleul planté là en 1810, et une grille a été placée en mars 1872 autour de la statue de la Vierge élevée quelques mois plus tôt, le 21 octobre 1871. 

Carte postale, la place vers 1925 (DR)

En 1873, la foire de Saint-André-de-Vézines figure en bonne place dans l’Annuaire statistique et administratif du département de l’Aveyron, à la date du 27 mai, parmi les nouvelles foires. Peyreleau en ce temps-là avait trois foires : le 14 mai, 25 septembre et 6 novembre et Veyreau le 7 juin.

Cet annuaire signale cependant que « Dans notre département, essentiellement agricole, les foires facilitent grandement le commerce des bestiaux. Aussi nos agriculteurs ont une tendance très prononcée pour la création de nouvelles foires. Mais, d’un autre côté, on ne peut se dissimuler que les foires trop nombreuses se nuisent mutuellement, qu’elles sont une occasion de perte de temps très fâcheuse pour nos cultivateurs et qu’elles démoralisent les populations rurales en les habituant à la vie des cafés et des cabarets qui nuisent à la santé, à la bourse et aux bonnes mœurs. À ces divers points de vue, il peut être intéressant de suivre avec attention l’accroissement du nombre des foires dans l’Aveyron ».

Populaire, la Foire de Saint-André l’aura été pendant une vingtaine d’années, le journal « Le cultivateur aveyronnais » sans faire de commentaire la mentionne toujours à la fin du XIXe siècle. Elle se tiendra sur la place publique le lundi 28 mai 1894 (édition du 27 mai), le mardi 27 mai 1896 (édition du 25 mai 1896). Ce même journal mentionne un classement des chevaux, juments, mulets et mules qui se trouvent sur la commune, le 10 juin à midi qui se tiendra sur la place publique (16 mai 1897).

La foire au début du XXe siècle n’attira plus grand monde, contrairement à celle de Veyreau, au point que lors d’une délibération municipale le 4 juin 1905, il fut dit « Sur la proposition de M. le maire, le conseil municipal considérant que la foire de Saint-André de Vézines qui se tient tous les ans le 27 mai n’a pas du tout d’importance pour la commune, considérant que si la susdite foire se tenait un mois plus tôt, c’est-à-dire le 27 avril de chaque année, elle serait d’une plus grande importance pour les agriculteurs et éleveurs du Causse Noir, émet le vœu que M. le préfet autorise la commune de Saint-André à changer la date de la foire actuellement fixée au 27 mai au 27 avril de chaque année. ». 

La place vue du clocher (12 mars 2019) – DR

Malgré ce changement, la foire n’eut guère de succès, mais les Saint Andribens une dernière fois soumettront sur la table du conseil municipal le 29 août 1910 un projet de créer une nouvelle foire le 13 septembre, de façon stratégique entre une foire de Millau qui se tenait autrefois le 10 septembre et celle de La Roque-Sainte-Marguerite qui se tenait le 16 septembre. Mais ce vœu ne verra jamais le jour, elle ne figurera jamais parmi les foires mentionnées dans l’Annuaire statistique du département de l’Aveyron.

La guerre de 14/18 et la mobilisation de tous les conseillers municipaux, les réquisitions de foins mirent un terme à cette foire qui ne put reprendre, car la commune fut l’une des plus éprouvées de l’arrondissement de Millau avec 29 morts sur 329 habitants sans compter ce qui sont décédés des suites de leurs blessures.

Marc Parguel

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