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Le Lévézou, terre du martyre de 16 civils et 9 résistants

Ce matin, une cérémonie a rassemblé les autorités civiles locales et les anciens combattants au Mémorial du Lévézou, sur la D911 à Saint-Léons, le long de la route en bordure des Pins de Vinhac. Pour ne pas oublier les atrocités commises lors du repli des troupes allemandes d’occupation. La cérémonie qui s’est déroulée ce matin à 10h30 à Saint-Léons est importante pour la mémoire collective du Lévézou, puisque ce Mémorial, qui est dédié aux victimes de la barbarie nazie, se compose de l’ancien Monument existant des Pins de Vinnac et de huit stèles qui l’encadrent. Ces huit stèles correspondent à celles qui jalonnent le bord des routes du Lévézou sur le canton de Vezins et dont les emplacements sont méconnus. L’ensemble a été érigé pour rappeler le martyre des seize civils et des neuf résistants, fusillés ou tombés au combat, au cours du mois d’août 1944, dont les noms sont gravés dans le marbre des neuf stèles du Mémorial.
Arnaud Viala, député de la troisième circonscription de l’Aveyron.
« Si nous avons le droit d’oublier, nous avons par contre le devoir de nous souvenir », a déclaré Bernard Maury, Président d’Honneur du Comité d’Entente des Associations d’Anciens Combattants et assimilés de Millau, qui a dirigé la cérémonie. « Et ici, nous devons nous souvenir tout particulièrement de la tragédie de la ferme d’Argols, dont c’est le 75e anniversaire ». Une tragédie dont, avec gravité, il a rappelé les faits.

Le repli des troupes allemandes d’occupation

Depuis l’aube, en ce matin du 19 août 1944, il y a beaucoup d’agitation à la ferme Gaubert d’Argols. Venant de la ferme de Boussayrets, la batteuse de Juillaguet a été installée la veille dans la cour de la ferme. Plusieurs voisins sont venus aider à dépiquer. Le soleil qui est déjà haut, commence à « cogner fort » en cette fin de matinée. Sur la machine à dépiquer et sur le gerbier, les hommes ont chaud, la sueur perle sur leur front et coule dans leur cou entouré d’un mouchoir. Partout la bonne humeur règne, les plaisanteries fusent, les rires éclatent, une jeune femme avec une bonbonne s’empresse auprès des hommes pour remplir le verre qui circule de main en main. Le vin frais tiré du foudre de la cave rafraîchit les gosiers asséchés par la poussière qui s’échappe des gerbes de blé.
Bernard Maury a dirigé la cérémonie : « Il y a 75 ans, le samedi 19 août 1944, des adolescents et des adultes sont tombés, victimes de la barbarie nazie. Tous sont morts pour la France, alors qu’ils exerçaient une activité paisible, non belliqueuse. Le crime en est encore plus horrible. Il est donc important de rappeler chaque année, avec les mêmes mots, les faits de l’ignoble tuerie des Pins de Vinnac. »
Cette scène rurale, paisible, gaie, pourrait faire oublier que la France est sous le joug de l’Allemagne nazie depuis quatre ans. Mais le débarquement des alliés en Normandie a eu lieu le 6 juin dernier et la 1re Armée Française vient de débarquer en Provence. Les troupes allemandes d’occupation, menacées d’encerclement, ont entrepris leur repli vers l’Allemagne. Dans l’Aveyron, les maquisards amplifient leur action : embuscades, escarmouches et sabotages se succèdent. L’armée allemande, telle une bête féroce blessée, riposte aveuglément. Les stèles qui jalonnent les routes du Lévézou témoignent de ces actes odieux : Buscatels, La Franquèse, Le Baraquet, Saint-Léons, et bien d’autres, mais surtout, ici, aux Pins de Vinnac, symbole de l’horreur.
Les plus âgés, qui ont compris, tentent de rassurer les plus jeunes qui n’ont pas plus de 15 ou 16 ans »
Oui, à la ferme d’Argols, en ce matin du 19 août, règne une ambiance de fête, la guerre semble loin, les Allemands préparent leur retraite, personne ne songe au drame, personne ne peut imaginer une terrible tragédie.
Patrick Bernié, sous-préfet de Millau, Arnaud Viala, député de l’Aveyron et Hubert Seiter, maire de Saint-Léons, ont déposé une gerbe au pied du Monument d’Argols, en mémoire d’Albert Grégoire (15 ans), Raymond Gayraud (16 ans), Albert Sévigné (19 ans), Germain Blanc (23 ans), Emile Capras (25 ans), Louis Vaissière (33 ans), Louis Ginesty (38 ans) Louis Garcia (52 ans) et un inconnu, tous morts pour la France.
Et pourtant en cette fin de matinée, les balles crépitent au-dessus de la batteuse. Aussitôt quatre hommes s’enfuient dans les bois, les autres se mettent à l’abri, mais les Allemands sont déjà là. Sous la menace de leurs armes, ils rassemblent les hommes qui sont restés. Interloqués, l’étonnement plus que la peur se lit sur le visage des paysans. Soudain, un ordre de l’Oberleutnant claque. Aussitôt, une vingtaine de soldats dirigent, brutalement, à coups de crosses, les prisonniers vers la route de Millau. Peu après, le fils du fermier de La Devèze, Louis Vaissière, qui a été emmené pour une vérification d’identité, est poussé vers les prisonniers. Sous la menace des coups, ils sont obligés d’avancer d’un pas rapide.
Des gerbes ont été déposées devant chaque stèle par une personnalité, accompagnée par un jeune du comité des fêtes de Saint-Léons. Ici, Hubert Capoulade, maire de Ségur, et Edwige Gal, déposent une gerbe devant la première stèle du lieu-dit « Le Bois de Tries ». Le 1er août 1944, les Maquisards René Dobrozac (37 ans), Marcel Keller (19 ans) et Julien Renard (23 ans), y ont été tués au combat.
Certains, parfois, trébuchent, aussitôt aidés par les plus vigoureux. Mais tous sont maintenant tenaillés par la peur, les plus âgés qui ont compris, tentent de rassurer les plus jeunes qui n’ont pas plus de 15 ou 16 ans. Des enfants. Arrivés sur la route, les Allemands prennent la direction de La Glène. Ils s’arrêtent un peu plus loin, ici, à cet endroit qui va devenir le lieu de l’exécution.

Une terre qu’ils sanctifient aujourd’hui de leur sang

Les neuf innocents sont alignés par les soldats le long de la route. Les deux Albert sont côte à côte. Ils se tiennent par la main. Unis par l’amitié dans la vie, ils le restent devant la mort.
Daniel Ayrinhac, maire de Vezins, et Baptiste Rodier ont déposé une gerbe devant la stèle n°8. Dans l’après-midi du 19 août 1944, au cours d’une mission de reconnaissance, deux jeunes Toulousains, Henri Vallageas (18 ans) et Paul Oulié (17 ans), appartenant au maquis Stalingrad, sont blessés et lâchement exécutés sur la D529, à 1 km de la D911.
Victimes et bourreaux sont face à face. Aux soldats qui ont mis la mitrailleuse en batterie de l’autre côté de la route, l’Oberleutnant commande : « Feuer ! » Le cri qui s’échappe de la poitrine des fusillés ne couvre pas le crépitement des balles qui portent la mort. Lâchement abattus, les agriculteurs, le corps criblé de balles, s’écroulent sur le sol, sur cette terre qu’ils ont tant aimée, tant travaillée et qu’ils sanctifient aujourd’hui de leur sang. Après le bruit lancinant des rafales de la mitrailleuse, les coups de pistolet répétés à intervalles réguliers font comprendre à tous les gens des alentours que le coup de grâce vient d’être donné aux suppliciés. C’est fini. Il est environ 13 heures.
Claude Valéro, président de l’Entente des Anciens Combattants, André Vayssié, président du comité du canton de Vezins de la FNACA, et Alexia Gal ont déposé une gerbe devant la stèle du lieu-dit « La Franquèse ». Le 18 août 1944, en début d’après-midi à la ferme de la Franquèse, les époux Verneht apercevant les soldats allemands se diriger vers eux, tentent de s’enfuir par les bois. Ils sont lâchement abattus. Jean-Louis Vernhet avait 21 ans, son épouse Gabrielle, née Pons, 33 ans.
Claude Assier, premier adjoint à la mairie de Millau, et Edouard Sigaud, devant la stèle de la ferme de La Devèze. Dans la matinée du 19 août 1944, en fouillant la ferme de La Devèze, les soldats allemands trouvent deux Millavois qu’ils emmènent et fusillent sur la route de Millau. Il s’agissait de Pierre Calmes (17 ans) et Jean Sauvat (20 ans).
Jean-Pierre Drulhe, président de la Communauté de communes Lévézou-Pareloup, et Julien Brouillet, ont déposé une gerbe devant la stèle du lieu-dit « Le Baraquet ». Le 18 août 1944 vers 15 h, après avoir abattu les époux Vernhet, les Allemands s’arrêtent à la ferme du Baraquet, occupée par le fermier et un Creissellois. Les deux hommes, Emilien Juillaguet (43 ans) et François Julien (51 ans) sont abattus.
Emmanuelle Gazel, vice-présidente du Conseil régional, et Paul Blanc, devant la stèle du Bois de la Tâcherie. Dans l’après-midi du 18 août 1944, au cours des combats de la Tâcherie, deux résistants du maquis de Coudols ont été tués : Eanowki (44 ans) et Origondi (22 ans).
Jean-François Galliard, président du Conseil départemental de l’Aveyron, et Julien Gudicelli, devant la stèle de la ferme d’Agladières (D911). Venu se cacher à la ferme d’Agladières, un jeune Toulonnais, Pierre Hubac (20 ans), réfractaire au STO, est fusillé le 20 août 1944 après avoir été torturé.
Alain Marc, sénateur de l’Aveyron et Louis Compan, devant la stèle du lieu-dit « Le Bois du Four ». Le 19 août 1944, deux résistants du maquis Arête Saules, Camille Clareto et Philémon Millau, sont tombés au cours des combats du Bois du Four.

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