Gastronomie

Gastronomie : A propos de la galette des Rois

La fête de l’Epiphanie (du grec epiphaneia, apparition) ou fête des Rois, marque symboliquement la fin de la période de Noël et des fêtes. Comme bien des traditions populaires européennes, la galette a des origines païennes.

Cette pâtisserie est ronde comme le soleil des Saturnales romaines, et avec couronne, en souvenir des mages venus adorer le divin enfant. Les Saturnales, au Ier siècle de notre ère, qui honoraient le dieu Saturne, le dieu des semailles à la fin du mois de décembre et au début du mois de janvier dans tout l’Empire romain, étaient l’occasion de ripailles mémorables et, pour les esclaves, celle de critiquer exceptionnellement leurs maîtres.

On dit qu’il était de coutume de glisser une fève (un haricot) dans l’un des mets afin de désigner le roi du festin. Pour mettre fin à ces agapes, qui étaient aussi synonymes d’incroyables débauches, l’église a choisi d’instituer au XIIe siècle à la date du 6 janvier, la fête de l’Epiphanie.

Celle-ci marque le début du retour du soleil, l’allongement de la durée des jours et surtout commémore l’arrivée des Rois Mages (venus d’Europe, d’Afrique et d’Asie, les trois continents connus à l’époque du Christ) auprès du berceau de Jésus.

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Notre galette des Rois, ronde et dorée, à la frangipane rappelle, par sa forme et sa couleur ambrée, l’astre solaire.

Elle daterait seulement du XVIIe siècle et son histoire est quelque peu incertaine : Marie de Médicis demanda, en quittant l’Italie, qu’on lui donne la recette d’une crème à la poudre d’amande, élaborée par le cuisinier de son plus proche soupirant, le comte Cesare Frangipani. Cette recette fit, dit-on, merveille à la Cour de France. C’est une des versions de l’origine de la frangipane, bien plus romantique que celle de Pompéo Frangipani, marquis et maréchal de Louis XIII, qui avait mis au point le parfum de la frangipane afin de cacher l’odeur du cuir, des gants et des souliers.

La fève végétale (un haricot) apparue chez les Romains, et reprise au Moyen Age pour désigner le roi bouffon dans la célèbre galette, fut remplacée en 1874 par une fève en porcelaine représentant soit un trèfle porte-bonheur, soit un bébé emmailloté représentant l’Enfant Jésus. Plus tard, la porcelaine laissera la place au plastique, quelquefois au Louis d’or, et plus récemment un pâtissier de Bagnols-sur-Cèze a même glissé quatre diamants d’un carat cachés dans 4 galettes parmi les 2000 qu’il a confectionnés.

Certains écrits attestent que la tradition de la galette des Rois était très prisée à la cour de Louis XIV, qui lui-même ne dédaignait pas de se prendre au jeu. Il aurait dit, trouvant la fève : « Je serai deux fois roi » (d’après Barbara Vialan, Histoires de Fou, Midi Libre, 7 janvier 2008).

Tableau de Jean-Baptiste Greuze, le gâteau des Rois (1744).

Moins d’un siècle plus tard, la survie de la pâtisserie fut gravement menacée par les plus extrémistes des conventionnels, qui avec leur sens éprouvé de la mesure, décrétèrent l’abolition de la galette des Rois et l’édiction du « jour des sans-culottes »… oubliant que la tradition de la galette était précisément l’occasion de se moquer des puissants et devenir roi d’un jour.

La galette des Rois a connotation religieuse est donc débaptisée en 1792 et renommée par la République galette de l’Egalité. Les erreurs révolutionnaires restèrent cependant sans lendemain et, dès la fin de la tourmente, les sujets devenus citoyens purent reprendre leurs anciennes habitudes.

On prétend qu’autrefois le partage de la galette se faisait en autant de parts que d’invités plus une, la part à Dieu, ou la part de l’absent. Cette dernière était gardée précieusement. Si elle se conservait, la santé serait bonne, si elle jaunissait, c’était un très mauvais présage.

Il n’existe pas de galette authentique. On parle de gâteau des Rois en Provence, proche d’une brioche en forme de roue décorée de grains de sucre et de fruits confits rebondis, ou encore de brioche parfumée à la fleur d’orangée baptisée « Royaume » dans les régions de Béziers et Montpellier.

Quant à tirer les rois, qui fait le bonheur des fabophiles collectionnant aussi bien des fèves en porcelaine ou en plastique, c’est l’une des traditions les plus respectées, sauf au plus haut niveau de l’Etat, car comme le mentionne la revue « Historia » : « La galette géante d’un mètre vingt de diamètre et d’une trentaine de kilos préparée pour l’Elysée ne comporte jamais de fève, ni de couronne. Selon le protocole du Château, le président ne peut être roi » (Fêtes et Traditions, janvier 2012).

Marc Parguel

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