Ce mardi 10 juin en fin de matinée, une soixantaine de personnes, des agriculteurs de la Confédération Paysanne, accompagnés de quelques représentants d’organisations écologistes et de partis politiques de gauche, se sont rassemblés place du Mandarous, à Millau, devant la permanence du député Jean-François Rousset. Objectif de cette mobilisation pacifique : dénoncer la proposition de loi Duplomb, actuellement en discussion au Parlement.
Portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste), cette proposition de loi vise officiellement à « simplifier le quotidien des agriculteurs » en levant certaines contraintes réglementaires. Mais pour les opposants, elle représente surtout un retour en arrière sur le plan environnemental, sanitaire et social.
À Millau, Christian Roqueirol, figure locale de la Confédération Paysanne, n’a pas mâché ses mots : « Cette loi est censée être une loi pour faciliter la vie et le métier de paysan. Nous, à la Confédération Paysanne, on dénonce cet abus de langage. En réalité, c’est une loi qui va faciliter l’agrobusiness, l’agrandissement des fermes, la construction de giga-bâtiments d’élevage. Elle va pourrir la vie des agriculteurs. »
Le cœur du modèle agricole est en jeu
Parmi les mesures les plus controversées du texte, la possibilité de réintroduire, sous certaines conditions, l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, pourtant reconnu pour ses effets néfastes sur la biodiversité. Une décision dénoncée par plusieurs ONG comme Greenpeace France, qui a qualifié le texte de « honte pour l’écologie et la santé publique ».
Christian Roqueirol a également critiqué la logique de concentration des ressources, notamment de l’eau, que pourrait favoriser cette loi : « On va faciliter la création de mégas bassines. Nous, on pense qu’il faut le partage de l’eau, et non sa détention par quelques-uns. »
Au-delà de l’aspect environnemental, c’est aussi le cœur du modèle agricole qui est en jeu. Pour le syndicat, le texte ne répond en rien aux difficultés économiques des agriculteurs. « Ce n’est pas parce qu’il y aura moins de mesures environnementales que les paysans vont mieux s’en sortir. Ce qui nous coûte le plus cher, c’est de vendre nos produits à perte. Les contraintes administratives, ce n’est pas ça qui nous étouffe, c’est l’absence de rémunération juste. »
« Les paysans restent la dernière roue de la charrette »
Le militant syndical a rappelé que la Confédération Paysanne défend depuis longtemps l’instauration d’un prix plancher pour empêcher toute vente à perte : « On propose une loi pour garantir un revenu décent, mais la FNSEA, qui soutient la loi Duplomb, s’y oppose. Elle fait le jeu de l’agroindustrie qui vend ses pesticides, ses machines, ses bâtiments… Pendant ce temps, les paysans restent la dernière roue de la charrette. »
Adoptée au Sénat malgré les critiques, la loi Duplomb doit désormais passer en commission mixte paritaire, où sept députés et sept sénateurs tenteront de trouver un compromis. En parallèle, la tension politique monte à l’Assemblée nationale, où La France insoumise a annoncé le dépôt d’une motion de censure, dénonçant une accélération du processus législatif jugée abusive.
À Millau comme ailleurs, la mobilisation agricole ne faiblit pas. Les manifestants l’ont rappelé ce matin : leur combat ne porte pas seulement sur un texte de loi, mais sur la vision de l’agriculture qu’il incarne.