Millau a commémoré les 80 ans de la Victoire du 8 mai 1945

Yannick Périé
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En ce jeudi 8 mai 2025, la Ville de Millau a célébré avec solennité le 80e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945, mettant à l’honneur la mémoire des combattants et des victimes de la Seconde Guerre mondiale.

La cérémonie officielle s’est déroulée à 11h au Monument aux Morts de 1870-1871, situé dans le Parc de la Victoire, en présence des autorités civiles et militaires, des anciens combattants, des porte-drapeaux, des élèves des établissements scolaires de la ville et de nombreux citoyens.

Le rassemblement a débuté dès 10h30, marquant l’implication forte de la jeunesse millavoise à travers la participation des collégiens, lycéens et Conseillers Municipaux Juniors. Le piquet d’honneur de la 13e Demi-Brigade de Légion Étrangère (13e DBLE), accompagné des musiciens de l’Harmonie du Sud Aveyron, a ensuite pris place, conférant à l’événement une dimension solennelle et patriotique.

Michel Durand, Premier adjoint à la Maire en charge des Anciens Combattants.

La cérémonie a été introduite par Michel Durand, Premier adjoint à la Maire en charge des Anciens Combattants, qui a rappelé l’importance de ce devoir de mémoire. Après l’interprétation émouvante du « Chant des Partisans » et de l’« Hymne européen » par l’Harmonie du Sud Aveyron et l’Elan Millavois, les discours commémoratifs se sont succédé : message de l’Union Française des Associations de Combattants (UFAC) lu par Lola Roustan-Pascal et Hugo Poujol, lecture de l’Ordre du Jour n°9 par les jeunes élus du CMJ, lecture du témoignage d’Eliette Lastenouse (11 ans et demi) sur le retour des prisonniers au village de Tournissan, dans l’Aude, par Ethan Bru-Ladet et Allan Jarzynski et message officiel du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, transmis par Juliette Béregi, sous-préfète de Millau.

Moment fort de la cérémonie, le dépôt de gerbes et le ravivage de la Flamme du Souvenir ont été suivis de la Sonnerie aux Morts et d’une minute de silence poignante. L’Harmonie a ensuite interprété « La Marseillaise » puis « Les Africains », rendant hommage aux troupes coloniales qui ont combattu pour la liberté.

Les autorités ont terminé la commémoration en saluant les anciens combattants et les porte-drapeaux, avant de rejoindre la salle des fêtes du Parc de la Victoire pour le vin d’honneur offert par la Ville.

Un anniversaire historique

Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitulait sans condition, mettant fin à six années d’une guerre mondiale dévastatrice sur le front européen. Ce jour marquait la victoire des Alliés et la libération progressive de l’Europe, dont la France, au prix de lourds sacrifices humains. En 2025, cette commémoration prend une signification particulière, 80 ans après l’événement, alors que les témoins directs se font de plus en plus rares. Elle rappelle à chacun la nécessité de transmettre les valeurs de paix, de solidarité et de vigilance aux générations futures.


Le discours de Michel Durand

« La guerre est gagnée. Voici la victoire. C’est la victoire des Nations unies et c’est la victoire de la France. » La voix qui déclame solennellement ce message en cet après-midi du 8 mai 1945 est celle du Général de Gaulle. C’était il y a quatre-vingts ans.

Ce jour-là à Berlin, l’Allemagne nazie capitulait, mettant fin à l’un des conflits les plus tragiques de l’Histoire humaine. Ce jour-là, au terme de cinq longues années de privation, de souffrances, d’exactions et de massacres l’Europe, blessée, endeuillée, exsangue, sortait lentement des ténèbres. Ce jour-là, la liberté triomphait de la barbarie.

Ce jour-là, la France retrouvait son honneur et sa souveraineté et avec elle, l’espoir renaissait. Aujourd’hui, si nous fêtons la Victoire nous nous souvenons de toutes celles et ceux, civils ou militaires qui sont tombés au combat, sous les bombes ou méthodiquement exterminés dans les camps de la mort. Entre 50 et 60 millions de morts dont 31 millions de civils, 35 millions de blessés, 3 millions de disparus, broyés par la folie des hommes.

Nous nous souvenons de tous celles et ceux qui ont souffert, des familles condamnées à quitter leur terre, des prisonniers de guerre, des internés, des déportés…

Nous nous souvenons aussi de toutes celles et tous ceux qui, dans l’ombre ou dans la lumière, contribuèrent à cette victoire et dans la nuit la plus noire a maintenir la flamme de l’espérance. Toutes ces femmes et tous ces hommes auxquels nous devons d’être libres, tous celles et ceux qui aux heures les plus sombres ont choisi, au péril de leur vie, de lutter contre l’oppresseur.

Flamboyante ou discrète, la résistante est toujours une affaire de courage. Certains rejoignirent les rangs de la France Libre pour continuer le combat aux côtés des Alliés, d’Orient en Europe en passant par l’Afrique. D’autres choisirent de mener, sur le territoire national, la lutte dans l’ombre au travers des mouvements et réseaux de Résistance. Leur engagement et leur abnégation nous honorent et nous obligent.

Le 8 mai 1945 marque la fin d’un conflit mondial dévastateur, mais ce jour ne célèbre pas seulement une victoire militaire: il célèbre avant tout une victoire de la paix sur la barbarie, une victoire de l’humanité sur ses démons et une victoire sur la division. Il y a quatre-vingts ans, l’Europe n’était qu’un champ de ruines et de deuils. Le fracas des armes laissait place à un silence lourd de chagrin et de questions.

Comme le dira Jean Monnet un des pères de la construction européenne dans ses mémoires : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise. »

C’est donc dans cet abîme que des femmes et des hommes, lucides et courageux, comprenant que pour que la paix survive, il fallait cesser de bâtir des murs et commencer à construire des ponts, décidèrent de trouver la force de se rassembler et de tendre la main à l’ancien ennemi, de jeter les fondations d’une Europe de la paix.

Une Europe bâtie non pour effacer nos différences ni nier nos histoires, mais fondée pour les réconcilier dans une même communauté de destins. L’union plutôt que la division. L’intérêt commun prévalant sur les égoïsmes nationaux.

Un choix loin d’être une évidence et la perception aujourd’hui d’un système administratif et normatif loin d’être parfait, mais un choix de raison pour la réconciliation et pour la Paix véritable clé de voûte de la construction européenne.

Notre devoir en cette matinée ne doit pas être qu’hommage, il se doit aussi d’être transmission. Transmission de la mémoire aux jeunes générations, citoyens de demain, non pas pour leur léguer un passé figé, mais pour les inviter à en tirer les leçons et les appeler à la réflexion.

Car, alors que nous honorons le courage et le sacrifice de ceux qui ont combattu pour notre liberté, il est essentiel d’entendre les résonances de cette époque dans notre monde contemporain.

En novembre dernier, le Président de la République a annoncé la prochaine panthéonisation de Marc Bloch, historien et résistant assassiné par la Gestapo en 1944 et auteur de « L’Étrange défaite », dans lequel, lui, l’officier français, vainqueur en 1918 fait l’analyse des causes de la défaite de 1940, décrivant, renoncement après renoncement, l’affaissement de la société de l’époque ébranlée par des chocs venus de l’étranger.

En ce jour de célébration de la Victoire après cinq années de souffrances ses mots résonnent d’un glaçant écho : « Les avertissements n’avaient pas manqué. Nous les avait-on assez fait passer sous les yeux, dans les cinémas, ces atroces images de l’Espagne en décombres ? Nous l’avait-on assez raconté, reportage après reportage, le martyre des villes polonaises ? En un sens, on ne nous a que trop avertis. »

Aujourd’hui encore, les vents de l’histoire se lèvent et bousculent bien des certitudes. Des basculements politiques et géostratégiques s’opèrent sous nos yeux. Les conflits, les tensions, les attaques contre la démocratie réapparaissent à nos frontières et au-delà. Autant de tests de résistance de nos principes républicains et de notre modèle européen une nouvelle fois à la croisée des chemins. Face à la brutalité et aux menaces ambiantes, fidèle à ses préceptes fondateurs, l’Europe se doit de faire entendre sa voix pour la Paix et le droit international et nous de redoubler de vigilance et d’efforts.

Redoubler de vigilance pour la défense de nos valeurs, ces valeurs qui ont triomphé le 8 mai 1945. Nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de pluralisme. Redoubler d’efforts pour relever les défis immenses de notre temps, qu’ils soient géopolitiques, économiques, climatiques ou technologiques.

À celles et ceux qui sont tombés hier et que nous honorons aujourd’hui, nous devons de ne jamais céder à l’oubli et à l’indifférence. À celles et ceux qui viendront demain après nous, nous devons de ne jamais transiger avec les valeurs de la République et ne jamais renoncer à l’espérance. À l’heure des prédateurs, ce n’est plus un devoir, c’est une nécessité autant morale que stratégique. Là est notre responsabilité aujourd’hui ! Vive la République et vive la France !

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