Ce mercredi 30 avril, à La Cavalerie, la 13e Demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE) a célébré le 162e anniversaire du combat de Camerone lors d’une cérémonie empreinte de solennité et d’émotion.
Sous un soleil printanier, de nombreux civils et militaires se sont rassemblés pour rendre hommage à l’un des actes fondateurs de l’esprit légionnaire. La préfète de l’Aveyron, Claire Chauffour-Rouillard, figurait parmi les personnalités présentes, aux côtés du colonel Benjamin Brunet, chef de corps du régiment, de la sous-préfète de Millau Juliette Beregi, ou encore de la maire de Millau Emmanuelle Gazel, représentant la Région Occitanie. La cérémonie était présidée par le Major général de l’armée de terre, le Général de corps d’armée Jean-Christophe Béchon. La musique militaire était quant à elle assurée par le régiment d’artillerie de Lyon, ajoutant à la solennité de l’événement.
Pendant ce temps, à plusieurs centaines de kilomètres, le président de la République Emmanuel Macron présidait la cérémonie nationale de Camerone au quartier Vienot d’Aubagne, fief historique de la Légion étrangère dans les Bouches-du-Rhône.

Camerone, une légende née au Mexique
Le 30 avril 1863, en pleine intervention française au Mexique, un détachement de 62 légionnaires mené par le capitaine Jean Danjou est attaqué à l’hacienda de Camarón de Tejeda par une force de près de 2 000 soldats mexicains. Leur mission : protéger un convoi de munitions et de ravitaillement en direction de la ville assiégée de Puebla. Encerclés, largement inférieurs en nombre, les légionnaires résistent pendant près de douze heures.
Ce combat, bien que perdu militairement, est devenu un mythe fondateur de la Légion étrangère. Lorsque les derniers survivants sont capturés, ils imposent aux forces ennemies de soigner leurs blessés et de leur rendre les honneurs militaires. Ce geste de bravoure et de loyauté extrême symbolise la devise implicite des légionnaires : « Mission accomplie, coûte que coûte. » Depuis ce jour, Camerone est célébré chaque 30 avril dans toutes les unités de la Légion comme un moment sacré de mémoire et d’engagement.
Une cérémonie à la hauteur de l’héritage
À La Cavalerie, la commémoration a respecté un déroulé militaire rigoureux et solennel. La cérémonie a débuté par la présentation du régiment et l’inspection des troupes par le colonel Brunet. Ont suivi les hommages au drapeau, l’accueil des autorités civiles et militaires, puis la revue des troupes en présence du général Jean-Christophe Béchon. Un des moments forts a été le récit du combat de Camerone, fait de mémoire par un officier, pour rappeler le courage des hommes du capitaine Danjou.
La cérémonie s’est conclue par le traditionnel défilé militaire. Ce moment de cohésion et de rigueur rend visible la discipline, l’unité et la fierté d’appartenir à cette force unique qu’est la Légion étrangère.
Trois légionnaires décorés
Ce 30 avril a été l’occasion de distinguer trois militaires pour leur engagement et leur parcours exemplaire au sein de la Légion.
- L’adjudant-chef Bruno, fort de 18 ans de service, s’est vu remettre la Médaille militaire, l’une des plus hautes distinctions pour les sous-officiers. Il a servi sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures, notamment en Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Liban, en Centrafrique, au Mali et en Irak. Il a également participé à plusieurs missions de sécurité intérieure dans le cadre de l’opération Sentinelle. Titulaire de la croix de la valeur militaire, il a exercé des fonctions clés en tant qu’officier traitant au bureau opérations et instruction de la 13e DBLE.

- L’adjudant Pal, avec 20 années de service, a également été décoré de la Médaille militaire. Son parcours est marqué par une diversité impressionnante de missions : Gabon, Centrafrique, Émirats arabes unis, Mayotte, Djibouti, La Réunion, Côte d’Ivoire… Il est lui aussi titulaire de la croix de la valeur militaire, et a servi comme maître de tir en infanterie, contribuant directement à la formation et à la préparation opérationnelle du régiment.

- Le lieutenant-colonel de réserve Francis a, quant à lui, été promu officier de l’Ordre national du Mérite. Officier expérimenté, il a débuté sa carrière en 1982, servant notamment au 1er régiment d’infanterie et au centre national d’entraînement commando. Il a participé à des missions en Guyane, au Koweït, au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine, au Congo, en Côte d’Ivoire et au Tchad. Chevalier de la Légion d’honneur, il continue aujourd’hui de servir en tant que réserviste, chargé de faciliter l’implantation de la 13e DBLE dans l’Hérault et d’accompagner la mise en œuvre d’exercices hors des terrains militaires.

La Légion étrangère aujourd’hui : un creuset d’hommes venus du monde entier
Depuis sa création en 1831, la Légion étrangère propose à des hommes venus des quatre coins du monde de prendre un nouveau départ, fondé sur le dépassement de soi, la discipline et l’engagement total. Chaque année, plus de 8 000 candidats se présentent aux portes de la Légion. Environ 1 400 sont retenus et deviennent légionnaires après une sélection physique et psychologique rigoureuse.
Composée aujourd’hui de 9 500 hommes, la Légion représente à elle seule 12 % de la Force opérationnelle terrestre de l’armée française. Elle se distingue par son caractère unique : seuls 10 % de ses membres sont Français, les autres viennent de 144 nationalités, principalement d’Amérique du Sud, d’Asie centrale et d’Asie du Sud. Chaque légionnaire signe un contrat d’engagement entre 17 ans et demi et 39 ans, et peut être projeté en opération dès les premiers mois de service.
Force combattante d’élite, la Légion est répartie en onze régiments et unités, encadrés par un état-major. En permanence, environ 1 000 légionnaires sont engagés sur des théâtres d’opération extérieurs, illustrant la disponibilité, l’efficacité et la réactivité de cette troupe d’assaut.
Camerone, une mémoire toujours vivante
À La Cavalerie comme à Aubagne, Camerone demeure bien plus qu’un événement commémoratif. Il est un rappel, chaque année, de ce que signifie être légionnaire : faire preuve de courage, d’abnégation et de loyauté. Pour les jeunes engagés comme pour les anciens décorés, cette journée ravive une mémoire collective forte, celle d’un sacrifice consenti pour une cause, d’un engagement sans retour.
Par ce rituel immuable, la Légion étrangère entretient son esprit unique, hérité de Danjou et de ses hommes, et perpétue une culture militaire fondée sur la fraternité des armes, l’honneur du service et la fidélité à la parole donnée.


































Voici la retranscription fidèle du texte contenu dans le document PDF :
ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE
La Cavalerie, le 30 avril 2025.
ORDRE DU JOUR
ORDRE GÉNÉRAL N° 9
Officiers, sous-officiers, caporaux-chef, caporaux, clairons, légionnaires et personnel civil de la 13e Demi-brigade de Légion étrangère,
Honorer nos anciens de Camerone, ce combat héroïque dont l’évocation suscite humilité, émotion et admiration, c’est chaque année prendre le temps de s’arrêter, dans le tourbillon de nos activités : qui sommes-nous ? d’où venons-nous ? pourquoi sommes-nous là ce matin, sur cette magnifique place d’armes, avec nos élus, nos familles et nos amis venus vous saluer ?
À la Légion, rien n’est jamais acquis. Il faut accepter l’incertitude, l’inconfort parfois ; il faut aller vers des chemins rudes pour s’endurcir, il faut faire avec les contingences du moment, il faut savoir tendre la main vers un camarade en difficulté, conscient que seul on ne vaut rien.
À la Légion, la solidarité est au cœur de tout : tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés. Et en célébrant Camerone, je pense à nos morts et à vos frères d’armes blessés sur nos théâtres d’opération, admirables de volonté et que vous accompagnez avec humanité.
Aujourd’hui 30 avril, les régiments étrangers en métropole et outre-mer, les unités en missions opérationnelles, les anciens et les amis de la Légion étrangère, tous se réunissent pour faire mémoire d’un fait d’arme qui fonde l’identité guerrière de la Légion étrangère.
Ils saluent également avec respect, fierté et gratitude tous ces étrangers qui depuis 1831, pour des raisons intimes, décident un jour d’aller au-delà d’eux-mêmes, de servir sous les armes un pays qui n’est pas le leur, et qui assument de mourir pour lui lorsque les circonstances l’exigent.
Et c’est bien là le cœur profond d’une cérémonie militaire à nulle autre pareille, parce que le combat fut épique, parce que c’était la Légion, parce que c’est la France, notre cher pays.
Camerone témoigne ainsi des plus belles vertus militaires : le courage qui permit à ces hommes de se dépasser et d’entrer dans la légende, l’esprit de sacrifice qui marque la libre acceptation d’une cause qui nous dépasse, la fidélité à la parole donnée car c’est l’honneur du soldat.
Vous, légionnaires de la Phalange magnifique, vous êtes arrivés il y a 10 ans sur cette terre du Larzac. Et j’ai vu dans vos yeux et votre tenue, lors de la revue des troupes, la force d’une unité solide et aguerrie, confiante dans son avenir. Je félicite chacun d’entre vous pour le travail accompli ici, au quartier Monclar, et ceux qui vous ont précédé pour bâtir la 13e DBLE.
En 2015, la France subissait de très dures attaques terroristes. En 2025, c’est le monde qui bascule vers une nouvelle ère stratégique, vers de nouveaux rapports de force, vers une extension de la conflictualité, vers une désinhibition de la violence, vers l’incertitude.
Dans cette perspective, alors que l’armée de Terre évolue pour faire face aux engagements les plus exigeants, que votre régiment lui-même se distingue par une dynamique d’innovation remarquable, Camerone doit continuer à vous inspirer.
Camerone, c’est l’incarnation de l’exigence d’être prêt au combat. La compagnie Danjou n’est pas déstabilisée par l’irruption de l’ennemi. Chaque ordre est exécuté avec précision, chaque position tenue jusqu’au bout. Cette rigueur est une discipline forgée dans l’entraînement, dans la répétition, dans l’échec parfois. Elle est le socle de l’excellence et de la culture du résultat.
Camerone, c’est la force de l’esprit de corps, qui donne au combat l’audace et le courage. Dans l’hacienda, nul ne fera défaut : jusqu’au dernier carré, chaque légionnaire restera fidèle et solidaire à ses camarades. « La véritable force ne réside pas dans la victoire, mais dans la capacité à se tenir debout au milieu des ruines » écrivait Ernst Jünger dans les tranchées.
Camerone, c’est aussi le témoignage de la confiance, vertu forgée par la connaissance mutuelle et intime entre chef et subordonnés, qui crée de la liberté d’action et de l’autonomie au combat, par la subsidiarité des ordres donnés. Elle nécessite temps, patience, présence, acceptation de dévoiler une part de soi, et dans tous les cas compétence, fruit du travail et de l’expérience.
Camerone, en définitive, incarne la glorification de la fraternité d’armes, cette union indéfectible qui, conjuguée à l’excellence opérationnelle, au caractère inaltérable de la mission, à l’esprit de corps et à la confiance absolue, conduit à l’accomplissement de l’unique dessein digne de notre engagement : le succès des armes de la France.
Légionnaires de la Phalange magnifique, comme à Camerone, il faut vous tenir prêt.
Le champ de bataille sera différent. Il sera plus transparent, plus contesté, plus étendu, plus dynamique et reconfiguré par la robotisation. Pour autant, la guerre n’a pas fondamentalement changé : les conflits modernes sont violents, les affrontements sont longs et les pertes élevées.
Et dans ces combats, l’armée de Terre continuera de pouvoir compter sur la 13e DBLE, comme tout au long de son histoire glorieuse, de Narvik à la Cavalerie.
More majorum
Le général de corps d’armée Jean-Christophe Béchon,
Major général de l’armée de Terre.