Chaque année, le dernier dimanche d’avril est dédié à la mémoire des victimes de la déportation. À Millau, malgré la présence des manèges de la fête foraine installée jusqu’à mi-mai, le recueillement a dominé lors de la cérémonie officielle. Quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les discours de la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation ont rappelé, face à l’oubli et à l’indifférence, la nécessité de témoigner encore.
Devant quelques Millavois, élus, représentants institutionnels et des anciens combattants, c’est le premier adjoint à la maire, Michel Durand, chargé des anciens combattants, qui a ouvert la cérémonie avec ces mots : « Aux confins de Pologne, existe une géhenne dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson. Auschwitz ! Auschwitz ! ô syllabes sanglantes ! Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu. On appelle cela l’exécution lente. Une part de nos cœurs y périt peu à peu »… Rappelant que, dès 1943, des voix comme celle d’Aragon, sous le pseudonyme de François la Colère, tentaient de révéler l’horreur des camps, bien avant la libération d’Auschwitz en janvier 1945. Il a évoqué « les portes de l’enfer » que furent Auschwitz, Dachau, Bergen-Belsen, où s’amoncelaient les cadavres et où subsistaient des survivants « réduits à l’état de spectres en costumes rayés ».

L’élu a insisté sur l’importance de la mémoire pour les générations futures, en rappelant les chiffres glaçants : 1,1 million de morts à Auschwitz-Birkenau, 750 000 à Treblinka, 550 000 à Belzec…
En ancrant cet hommage dans l’actualité, Michel Durand a alerté contre les « nouvelles formes de fanatisme ». « Quatre-vingts ans plus tard, alors que nous nous souvenons de ces événements tragiques, nous devons aussi regarder notre monde avec lucidité. L’histoire ne se répète jamais exactement, mais elle bégaye trop souvent. »

Un message porté ensuite par Jacques Noyrigat, président départemental des Déportés patriotes, qui a lu un texte de la Fédération nationale des déportés et résistants invitant la jeunesse « à poursuivre le combat pour bâtir un monde de paix, de justice et de tolérance ».

La cérémonie s’est poursuivie avec la lecture du message officiel de Patricia Mirallès, déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la mémoire, par la sous-préfète de l’arrondissement de Millau Juliette Beregi : « aujourd’hui, dans nos écoles, dans nos mairies, dans nos préfectures, leur mémoire nous parle encore. Elle nous dit que la déportation n’est pas une histoire lointaine, figée sur le papier glacé des livres d’histoire. Elle est un avertissement, et même une exigence. Elle est le socle d’un engagement sans cesse renouvelé pour les droits humains, pour la dignité, pour la paix. »

Après une minute de silence, les notes solennelles de la sonnerie aux morts, de La Marseillaise et du Chant des Marais, joués par l’Harmonie du sud Aveyron et l’Élan Millavois, ont ponctué la cérémonie. Enfin, Yves Migayrou a interprété a capella « Nuit et Brouillard ».

« Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres… Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés… Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou D’autres ne priaient pas, mais qu’importe le ciel ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux… Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers. » À Millau, ce dimanche 27 avril, les paroles de Jean Ferrat ont traversé le silence matinal du parc de la Victoire, rappelant ces destins broyés par des hommes et l’oubli qui menace toujours.

















