À Millau ces dernières années, des attaques de chiens errants ont fait plusieurs victimes parmi des animaux en éco pâturage. Ces évènements mettent en lumière le problème de divagation de chiens et plus largement la responsabilité des propriétaires d’animaux et la gestion des chiens sur la commune. Face à cette situation, la municipalité a mis en place des mesures pour lutter contre les divagations et les incivilités tout en développant une politique locale en faveur du bien-être animal.
Des attaques qui alertent sur la divagation des chiens
Comme plusieurs Millavois, Christian Coulon a fait le choix de l’éco pâturage pour entretenir son terrain sur les hauteurs de Millau. Depuis plusieurs années, des moutons d’Ouessant profitent de la campagne aux portes de la ville, mais cet environnement paisible a été perturbé par plusieurs attaques successives sur ces bêtes. Tout commence en 2021, lorsqu’un matin, il découvre l’un de ses animaux sans tête. Quelques mois après, un autre est retrouvé coincé entre un mur et le grillage, semble-t-il, poussé là par un prédateur. Suivra une nouvelle attaque en juillet 2023, là il est obligé d’abattre la bête blessée au cou, avant de subir une nouvelle attaque en septembre. Il sauve un mouton qui restera toutefois handicapé, mais une brebis disparaît.
Dès la première attaque, le Millavois contacte les services d’État spécialisés qui confirment qu’il ne s’agit pas d’un grand prédateur, mais de chiens errants ou divagants. Une conclusion qui sera corroborée par la compagne de Christian Coulon qui aperçoit trois chiens dans sa propriété. « Elle a entendu des chiens aboyer, elle est sortie et a pu décrire précisément, trois chiens qu’elle a pu faire fuir ce jour-là, par chance », raconte le Millavois qui ne cache pas son ras-le-bol et sa crainte permanente de retrouver ses moutons attaqués, « sans compter les frais de vétérinaire et le traumatisme engendré », déplore-t-il.
Malheureusement, son cas n’est pas isolé, d’autres attaques ont été recensées, comme en septembre dernier dans le quartier de la Graufesenque et de l’avenue de l’Aigoual où les témoignages se recoupent et dénoncent un « gros chien ». Si des attaques ont bien été imputées au loup, dans des fermes environnantes, plusieurs dizaines de bêtes parfois d’un même troupeau ont elles aussi été victimes de chiens, comme en pleine journée l’été dernier sur le Larzac. « Ce sont des promeneurs qui avaient donné l’alerte », se souvient Christian Coulon qui explique : « quand on parle de chiens errants, ce ne sont pas forcément des chiens abandonnés ou sauvages, ce sont bien souvent des chiens qui échappent à la vigilance de leur maître ».
Bien qu’on ait du mal à imaginer son fidèle compagnon se transformer en prédateur, chasseurs, vétérinaires et responsables d’association interrogés sont unanimes et expliquent : « ils n’attaquent pas forcément parce qu’ils ont faim, mais par instinct de prédation ou par dynamique de groupe. Tout commence souvent comme un jeu, les chiens seuls ou en meute entrent dans l’enclos ou le champ des animaux qui, effrayés, se mettent à courir. L’excitation monte, les chiens commencent à s’en prendre aux bêtes, de nombreux chiens fugueurs peuvent attaquer des moutons dans ces conditions ».
Ces attaques, même si elles ne sont pas recensées en grand nombre, posent la question de la responsabilité des maîtres, 100 % responsables des dégâts causés par les animaux et de la gestion du problème par la commune.
Une compétence municipale
La compétence en la matière est municipale. À Millau la maire et son équipe se sont emparées du sujet de la divagation des chiens, un arrêté municipal l’interdit et impose à tous les propriétaires de tenir leurs animaux en laisse sur le territoire communal. Tatouage ou puce électronique, tous les chiens au même titre que les animaux domestiques doivent être également être identifiés.
C’est la police municipale qui veille au respect des règles en vigueur, comme elle gère la fourrière animale, mise en place récemment en lien avec la SPA. Un chien errant récupéré par les services municipaux fait désormais l’objet d’une amende de 75 € pour une première fugue. Pour récupérer son animal, il faut obligatoirement passer par la police municipale, justifier de la propriété de l’animal et s’acquitter des frais de capture, des frais de gardiennage (10 € par jour) et d’identification de l’animal s’il n’est pas enregistré. C’est seulement après que les services municipaux donnent l’ordre de restitution à l’association.
C’est le Trésor public qui encaisse les dus, « pas dans un but lucratif, mais bien pour responsabiliser les propriétaires trop négligents et coutumiers du fait », précisent les services de la Ville. D’ailleurs, les frais augmentent si la bête est à nouveau capturée, 100 €, puis 150 € pour une troisième fois dans l’année. Ceci « pour contrer cette divagation permanente de certains animaux », explique le référent local qui est aussi chargé du contrôle des chiens sur le territoire communal.
400 contrôles depuis janvier 2024
400 d’entre eux ont déjà été contrôlés depuis le 1er janvier. Comme la loi l’oblige, sur la voie publique, chaque maître doit pouvoir à tout moment présenter les papiers d’identification de l’animal. « Nous pouvons contrôler n’importe quel détenteur de chien, même sans effraction préalable » détaille l’agent municipal qui avoue que dans une large proportion, ces contrôles sont tout de même motivés par la divagation du chien. « J’interviens aussi pour lever un doute sur la race du chien », explique le responsable. En effet, les chiens sont répartis dans trois catégories allant des plus au moins dangereux, pour les premières et deuxièmes catégories, un permis de détention est obligatoire. Il est délivré par la police municipale sous conditions. La non-détention d’un permis est un délit.
Maltraitance animale : le rôle de la police municipale
Le travail de la police municipale ne se résume pas à la capture ou au contrôle des chiens et il n’est pas rare que les services municipaux interviennent pour des cas de maltraitance.
Les formes de maltraitance constatées vont des conditions d’hébergement à la maltraitance physique. « Dans ce cas, le but est de retirer l’animal le plus rapidement possible de son lieu de vie », explique l’agent qui précise « dans 90 % des cas, je joue un rôle de médiateur et je parviens à convaincre les propriétaires en discutant, le but c’est que les personnes cèdent leurs animaux à la SPA ».
Cependant, cela ne résout pas le problème de fond, car le détenteur ne fait pas face à la justice et peut retrouver un nouvel animal dès le lendemain. C’est pourquoi les services renforcent leur action juridique en collaboration avec le parquet de Rodez, avec dépôt de plainte dans certains cas, la SPA étant partie civile.
50 dossiers de maltraitance
Depuis janvier 2023, 50 dossiers de maltraitance ont été traités, sur l’ensemble, 23 animaux ont été récupérés, parmi eux 17 chiens et 6 chats, dont la moitié, ont été adoptés depuis. Grâce au travail de la police municipale, deux personnes ont été condamnées et ont désormais l’interdiction de posséder un chien à vie. Une victoire pour les agents et plus largement pour la cause animale, mais une toute petite victoire, puisqu’à ce jour, aucun fichier ne répertorie les personnes condamnées et qu’il est très facile de se procurer un animal sans passer par la case légalité. Bien que sous contraintes et devant suivre des règles précises, la vente ou le don d’animaux entre particuliers demeure un fléau pour les cas de maltraitance ou d’abandon.
Pour des faits de maltraitance, contacter la police municipale ou envoyer un mail à la SPA de Millau. Les appels sont anonymes.
Une volonté politique locale
Portée conjointement par les différentes instances, l’élue Nadine Tuffery chargée du bien-être animal se félicite de cette coopération. « Il n’y a aucune obligation pour le moment, c’est une volonté politique localement, le bien-être animal, ce n’est pas que des mots, nous sommes dans l’action, nous travaillons sur la charte communale animale pour la fin de l’année. Elle mentionnera, à l’attention des partenaires et de tous les habitants, les engagements de la Ville en faveur des animaux, du respect de leur sensibilité, de leur intégration harmonieuse dans l’espace public. Cette charte invitera chacun à porter un regard bienveillant sur la cause animale et à protéger notre biodiversité. De telles chartes communales existent déjà dans plusieurs villes en France, mais elles restent rares en milieu rural de moyenne montagne », explique l’élue. Dans un même temps, la Ville cherche un terrain pour installer un caniparc, une structure qui offre aux chiens un espace sécurisé pour se socialiser, courir librement, et permet aux propriétaires d’échanger.
5 % du travail de la police municipale
Le service de la police municipale compte une dizaine d’agents qui exercent au quotidien. Leur commandant avoue qu’environ 5 % de l’activité du service est consacré à ce sujet. Millau, comme d’autres villes n’est pas non plus épargnée par les incivilités et fait face au problème des déjections canines, un manque de civisme qui coûte cher à la collectivité et expose les propriétaires à une amende de 135 €. Toutefois, l’agent référent se veut rassurant, « Il n’y a pas énormément de propriétaires de chiens qui font n’importe quoi, ils ne sont pas une majorité. Pour les autres, c’est compliqué d’éduquer les gens, nous faisons un travail de fond dans le calme et dans un souci de prévention », conclut le policier municipal. »
Pour une cohabitation apaisée
La gestion des chiens à Millau semble reposer sur une approche équilibrée entre sécurité publique, bien-être animal et responsabilité des propriétaires. Les mesures municipales mises en place visent à sensibiliser davantage les propriétaires à leurs responsabilités et témoignent d’une volonté de préserver l’harmonie entre les citoyens et leurs compagnons, tout en luttant contre la divagation et les incivilités.
Les contrôles pour assurer le respect des règles de détention et les actions contre la maltraitance soulignent l’engagement de la commune pour le bien-être animal et la recherche d’un espace dédié, pour un caniparc, vise à renforcer ce cadre pour une cohabitation apaisée.