Opinion. Michel Rhin : « R.N. : le bon sens à contresens »

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Lorsque le Rassemblement National parle d’Obligations de Quitter le Territoire Français non exécutées ou de peines retenues contre nombre de mineurs, il qualifie notre justice de « laxiste » et affirme qu’une fois au pouvoir, ses élus « n’auront pas la main qui tremble ». 

Par contre, lorsque cette même justice s’attaque aux détournements d’argent public de la part de ce parti, là, il n’est plus question de laxisme judiciaire mais « d’ingérence dans la vie politique ». Ce ne sont plus les mains qui semblent trembler, mais la voix.

Le Rassemblement National estime que « seuls les électeurs sont en droit de juger leur parti, dans les urnes »… En voilà une belle idée ! En ces temps d’austérité, pourquoi s’encombrer des lois et des tribunaux ? Laissons donc le peuple s’occuper des affaires de justice par le biais de leurs élus, de leurs dirigeants. Présenté ainsi, nous ne sommes tout de même pas très loin du régime dictatorial. Absolument pas diront-ils, puisque le parti a justement lancé une pétition intitulée « Soutenez Marine ! Défendez la démocratie ! ». On croit rêver… Aux oubliettes la séparation du pouvoir et de la justice tout en affirmant défendre la démocratie.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qu’est-ce qui est reproché à ce parti ? Tout député européen dispose d’une dotation budgétaire de 29.557 € par mois (au 1er janvier 2024) pour embaucher des assistants. Ces derniers obéissent à un code de conduite fixant la limite de leurs activités rémunérées par cette dotation et doivent exercer « des tâches qui sont directement liées aux travaux accomplis par un député dans l’exercice de ses fonctions au Parlement Européen ». Quelques exemples : gestion d’agenda, rédaction de dossiers thématiques, préparation des projets de rapports, avis et autres amendements. 

Seulement voilà, une enquête de l’Office Européen de Lutte Anti Fraude révèle que le parti de Marine Le Pen aurait détourné ces fonds  publics depuis 2004 – de manière concertée et délibérée – afin de rémunérer des personnes travaillant uniquement pour le compte du parti, sur le territoire national, et non pour le Parlement Européen qui estime le préjudice à plusieurs millions.

On l’aura compris, un coup la justice est trop laxiste, un autre elle est trop sévère, tout dépend de qui est l’auteur du délit. L’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, va même pousser le vice en se disant profondément choqué si Marine Le Pen ne pouvait pas se présenter aux prochaines présidentielles et a déclaré que cette condamnation « creuserait la différence entre les élites et l’immense majorité de nos concitoyens… ». A-t-il vraiment compris le sens de sa phrase ou prépare-t-il son avenir ? 

Rappelons au passage que l’inéligibilité est automatique en cas de condamnation pour détournement de fonds publics et que c’est au juge de motiver la raison pour laquelle il n’en tiendrait pas compte. Et quelle serait-elle ? Un désir de mandat présidentiel ? Ne serait-ce pas là piétiner les lois votées à l’Assemblée à laquelle appartient Mme Le Pen ? 

Rappelons d’ailleurs que dans son livre publié en 2012 et intitulé « Pour que vive la France », elle y écrit : « L’arme de l’inéligibilité devra être utilisée avec beaucoup plus de rigueur pour restaurer la morale publique ».

Terminons sur un autre écrit, celui de Jean de La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

Michel Rhin

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