Le Chaos des Arcs de Saint-Pierre, site merveilleux et pittoresque apparaît à la pointe sud-ouest du Causse Méjean. Longtemps ignoré par les touristes, sans doute à cause de sa difficulté d’accès, cet amas de rochers ruiniformes n’était pas encore aménagé dans les années 1950, et il fallait pour le parcourir, s’y rendre boussole en main, afin de ne pas s’égarer dans ces vallons boisés. Depuis, le site a été balisé en partie sur des terrains privés dont les propriétaires autorisent le libre accès et le circuit proposé ne comporte pas de difficultés particulières.
M. Martin, curé de Saint-Pierre-des-Tripiers, frappé par la beauté du lieu le fit découvrir en 1929 à Louis Balsan. Immédiatement, ce dernier transmettra informations et clichés au Maître Edouard-Alfred-Martel afin que celui-ci publie cette « redécouverte » dans son volumineux ouvrage des « Causses Majeurs » en 1936. Il s’agit bel et bien d’une redécouverte, car le Docteur Prunières, en compagnie du Professeur Paul Broca, ne pouvait que les voir lorsqu’ils se rendirent à la grotte de l’Homme Mort, universellement connue, dans les premiers rochers du chaos en 1870-72, mais trop occupés par leurs fouilles, ils restèrent muets sur les Arcs et sur le village protohistorique. N’oublions pas que les véritables découvreurs des Arcs furent les préhistoriques eux-mêmes.
Pour s’y rendre le plus directement de Millau, il faut prendre la route qui monte du village du Truel dans la Jonte, mais celle-ci jugée « très difficile et dangereuse » par Martel l’est toujours autant. On peut venir par la route des Bastides (D 63) bien meilleure, qui relie, elle aussi, le Méjean aux Gorges de la Jonte, ou bien par celle qui passe à la Bourgarie, le Bruel, les Vignes dans les Gorges du Tarn. Toutes sont bien entretenues et pittoresques. De Saint-Pierre-des-Tripiers, on peut descendre en voiture, sur 900 mètres, vers Le Truel. On laisse la voiture sur la droite à l’embranchement qui précède le hameau de la Viale.
Le chaos s’étend dans deux petits ravins situés à 1500 mètres environ au sud-ouest du village de Saint-Pierre-des-Tripiers. Compter 90 minutes de visite.
Du parking, prendre le chemin sablonneux, refermer le portail et continuer sur 400 m cette piste. Quitter le chemin pour un petit sentier sur la droite qui longe une clôture, on suit un ancien sentier bordé de murets. Arrivé sur une large esplanade, prendre à droite un chemin qui descend dans un défilé de rochers. Au niveau de l’intersection, aller dans un premier temps à droite, vers le Nord.
La grande place
Après 50 m, s’ouvre à droite la grande « place » ou « place de l’Obélisque » à 910 m. d’altitude. En son centre, un gros pilier isolé, haut d’une dizaine de mètres, rappelle d’une façon frappante les monuments élevés sur nos places publiques. Félix Buffière la surnomme « la chandelle » ou « colonne Vendôme » (Le guide de la Lozère, 1993). Cette grande place avec son pilier central impressionna Martel qui s’interrogea : « Cela peut être l’ancien support d’une voûte de caverne écroulée, ou encore le témoin demeuré en place d’une érosion tourbillonnaire ».
Sur le pourtour, deux arcs, sortes de portes cochères, contribuent encore à l’illusion d’une place de ville et l’on s’attend à voir surgir à chaque instant des véhicules.
Comme le rappelle Louis Balsan : « Au point de vue géologique, la « grande place » est une des plus intéressantes et montre bien les formidables travaux des eaux courantes anciennes. » (Trois coins inconnus des Causses, Causses et Cévennes, 1932)
La grotte de la Baumelle
Le sentier s’élève sur la gauche et atteint la grotte de la Baumelle qui a livré des traces de nos ancêtres du néolithique (poteries et pointes de flèches en silex). Vaste abri sous roche précédé d’une muraille sur sa droite, on remarque un petit arc naturel à proximité de l’entrée de la grotte. Elle a servi de bergerie occasionnelle au XIXe siècle. Dans le sol dolomitique se voit le lit d’un ruisseau qui se forme lors de pluies importantes.
Dirigée plein nord, la Baumelle est une petite cavité n’excédant pas 41 mètres de longueur totale. En contrebas, dans un creux de rocher, coule une petite source qui peut vite devenir précieuse l’été.
La grotte de l’Homme mort
Au sud, sur le sentier qui va de Saint-Pierre à Cassagnes, on tombe sur la grotte de l’ « Homme Mort », tunnel de 10,75 m de long sur 1,50 m de large, autrefois muré des deux côtés. Cette cavité avec une entrée presque ronde, fut découverte en premier lieu en 1866 par le sieur Girbes, propriétaire au Courby qui se mit à démolir le mur qui fermait primitivement la cavité.
Quelle ne fut pas sa surprise, quand il entreprit de retirer le remplissage qui l’encombrait, de voir apparaître trois squelettes puis des crânes qui roulèrent jusque dans le ravin. La découverte vint vite aux oreilles du Docteur Barthélémy Prunières qui entreprit des fouilles quelque temps après jusqu’en juin 1870 puis avec le Professeur Paul Broca en 1872.
La cavité révéla 19 crânes humains, plus ou moins complets, et les restes éparpillés, en tout, d’une cinquantaine de squelettes humains datant de l’âge du cuivre (entre 3800 et 2200 ans avec notre ère). La période du Chalcolithique II (2600-2200 av. notre ère) est attestée notamment pas des crânes portant des lésions du type trépanation, en voie de cicatrisation. « La trépanation était réalisée à l’aide d’un burin de silex. Le chirurgien opérait de manière assez brutale au départ, puis, passé l’os spongieux, il attaquait la table interne de l’os crânien avec semble-t-il davantage de précautions. Les individus traités sont généralement des adultes » (d’après une fiche éditée par l’Office de Tourisme).
Un peu plus loin, en aval de l’Homme mort, au sud-est, voici la « République » coiffée de son bonnet phrygien qu’on confondrait presque avec la « Poule de Houdan » sur son perchoir, nommée ainsi pour sa ressemblance avec la poule connue pour sa crête double.
Un village antique
Un assez bon sentier partant de l’homme Mort fait gravir le flanc droit du ravin, et nous conduit vers le second ravin, parallèle au premier. Dans la descente du ravin, se voient des murs en pierres sèches appuyés sur des rochers.
Une vingtaine d’habitations de petite taille (quelques mètres carrés) ont été recensées. Tous les ressauts de rochers ont été aménagés ; certains formant des baumes canaules dont les toits se sont écroulés, mais sur certains rochers se remarquent encore les « encoches à poutrelles », ancrages postérieurs aux périodes préhistoriques. De petites grottes et abris rocheux ont été aménagés en habitations. Des restes de pavage sont encore visibles dans certaines d’entre elles.
Ce village était déjà occupé vraisemblablement aux temps gallo-romains. Louis Balsan y a trouvé une fusaïole en terre cuite et des fragments de tuiles à rebords en 1929. Certains de ces abris ont été utilisés jusqu’à des périodes récentes (bergerie, habitat ponctuel lors de travaux agricoles, etc.).
Sur le même site se trouve l’emplacement d’un atelier de résiniers de la période gallo-romaine qui fabriquaient de la poix servant à imperméabiliser les amphores, et le calfatage des bateaux, durant les deux premiers siècles de notre ère.
Les trois arches naturelles qui ont donné leur nom au site
En descendant dans le thalweg, nous arrivons très vite devant une nouvelle place circulaire fermée en aval par un mur de rochers. Nous nous trouvons devant l’une des plus belles arches naturelles des Causses. Et comme le dirait Louis Balsan : « Les eaux courantes ont ouvert dans ce mur de rochers un passage de plus de six mètres de haut, sorte de portique régulier, surmonté d’un fronton proéminent, qui ne semble attendre qu’une statue. Cet arc est bien plus beau que la célèbre Porte de Mycènes, de Montpellier-le-Vieux, et dans un site plus charmant encore. » De la première arche, on devine facilement la deuxième, très régulière, qui s’ouvre sur un espace boisé de fragiles pins maltraités par le vent, élancés vers la lumière.
À vingt mètres en aval du premier apparaît le troisième arc, avec sa vaste voûte, de forme plus irrégulière que les précédents, mais plus profond (12 mètres) qui a été divisé par des murs pour servir de bergerie, il a accueilli un temps un savetier qui avait jadis, installé là son atelier.