Une quarantaine de personnes, dont certaines figures historiques de la lutte du Larzac et autres sociétaires du GFA Larzac (Société Civile Gestion Foncière Agricole du Larzac), étaient mobilisées ce mercredi 25 septembre à 15h30 devant la mairie de Millau. Ce rassemblement avait pour objectif de protester contre « l’extension des manœuvres militaires en dehors des limites du camp du Larzac », « en violation des engagements pris par l’armée en 2016 ». En cause, un trail militaire organisé cette année par la 13e DBLE.
Cette décision de rassemblement fait suite à une réunion tenue hier à la Jasse. « Les habitants du Larzac, avaient accepté l’installation de la Légion sur le plateau à la condition que ses activités ne dépassent pas les frontières du camp militaire », rappellent les manifestants. Cependant, selon eux, « les exercices hors du camp se multiplient ces derniers mois », ce qui suscite « une vive inquiétude chez les résidents et les fermiers du plateau ».
Ces préoccupations ont été exacerbées lorsqu’ils ont appris l’organisation par la 13e DBLE d’un trail militaire national, prévu le 3 octobre. « Selon les termes officiels de la Ville de Millau, il s’agit d’un exercice militaire impliquant des signaleurs en uniforme et armés », assurent les militants.
Selon nos informations, la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT) délègue chaque année l’organisation de ce trail à un régiment. Confiée cette année à la 13e DBLE, l’épreuve aurait selon les manifestants « été enregistrée auprès des services de la préfecture de l’Aveyron comme un exercice militaire ».
Le parcours de la course longue s’étend sur environ 45 kilomètres et passerait « sur des lieux emblématiques » de la lutte du Larzac : Millau, Pouncho, Massebiau, Mas de Bru, La Salvage, Saint-Martin du Larzac, Potensac, La Blaquière. La course courte, quant à elle, couvre 25 kilomètres pour 1000 mètres de dénivelé : Millau, Pouncho, Massebiau, Potensac, La Blaquière.
« En mai dernier, une course similaire avait déjà été organisée sans avertir les habitants ou les fermiers concernés, affirment les manifestants. À la suite de cette course, de nombreux déchets, notamment des bouteilles en plastique, avaient été retrouvés le long du parcours, en violation des règles strictes imposées lors des autres événements sportifs organisés sur le plateau. » La population locale, historiquement liée à une lutte de dix ans contre l’implantation de l’armée, percevrait ces manœuvres « comme une menace à la paix et à la sérénité durement acquises ».
Léon Maillé, figure emblématique de cette lutte, s’interroge : « Est-ce une maladresse ou un projet délibéré de l’armée ? ». Il rappelle que l’armée dispose de 3000 hectares pour ses activités militaires, et que l’extension de celles-ci dans des zones symboliques du Larzac est « inacceptable ». Pour lui, cela revient à « saboter le climat paisible patiemment mis en place ».
Le rassemblement de ce mercredi, qui coïncide avec une rencontre entre la maire de Millau, Emmanuelle Gazel, et le colonel Brunet, nouveau responsable du camp militaire, était l’occasion de réaffirmer cette opposition à « l’extension des manœuvres militaires » en dehors des limites du camp. Une pétition circule également pour soutenir la demande d’un « retour à des pratiques respectueuses du territoire et de ses habitants ».
Dès sa sortie, le colonel Brunet a indiqué : « vous avez été mal informé, il s’agit de l’organisation d’un trail en tenue de sport, il n’est pas ouvert à tout le monde parce que c’est un championnat national terre de l’armée de terre, on va juste venir de Millau jusqu’au plateau. » Interpellé par les manifestants sur le sujet des contenants en plastiques présents sur le trail il assure « veiller à ce qu’ils soient tous ramassés ». Emmanuelle Gazel, maire de Millau confirme les propos du colonel et tente de rassurer le groupe sur le perron de la Mairie. Toutefois, il semble que pour certains, le sujet soit tranché « Même sans tenue militaire, on les reconnaît, on a un peu l’habitude » lance l’un d’eux alors qu’une autre affirme « vous allez passer chez nous, nous sur le Larzac, on considère que la voie publique elle est à nous », et assure aller vérifier le parcours déclaré en sous préfecture.
José Bové présent pour la manifestation, explique que cette course organisée est une entorse au contrat : « nous sommes là pour alerter déjà. Ce trail qui pose quand même un problème de fond. Quand la Légion est installée, il y a eu des rencontres pendant lesquelles on a bien dit clairement chacun chez soi, ce qui ne veut pas dire que les gens sont stigmatisés en dehors du camp. Mais là j’ai l’impression que c’est un peu utiliser l’espace du plateau comme une forme de grignotage et c’est très mal vécu. Voilà, c’est pour ça qu’on retrouve tous des anciens de la lutte du Larzac aujourd’hui. »
L’armée est désormais invitée « à faire preuve de discernement » et à « respecter les engagements pris en 2016 ». Pour ses représentants, « c’est simplement le trail national des militaires, comme c’est le cas pour d’autres disciplines sportives pendant l’année », un sujet qui sans l’histoire du Larzac, ne cristalliserait sans doute pas autant, il y a des symboles qu’il ne faut pas toucher rappelle Léon Maillé, « Ici, il y a eu une lutte de 10 ans créant un devoir de mémoire sur ces terres sauvées de leur destruction par l’armée : elle ne peut pas faire comme si cela n’existait pas. Il ne viendrait à l’idée de personne d’aller faire du moto-cross au travers des tranchées de Verdun. La comparaison est un peu forte mais la démarche est similaire ».