Dans une tribune adressée à Emmanuelle Gazel, Ahmed Eddarraz, « un citoyen préoccupé par l’avenir de Millau », exprime son désaccord face à l’instauration d’un permis de louer pour les logements du centre ancien de Millau. Il dénonce une mesure contre-productive, susceptible de freiner les investissements immobiliers et d’affaiblir l’attractivité de la ville, tout en appelant à des alternatives plus adaptées pour la réhabilitation du parc immobilier.
« Madame la Maire,
Je prends aujourd’hui la plume pour vous faire part de mon profond désaccord quant à la mise en place d’un permis de louer pour les logements situés au nord du centre ancien de Millau. Une fois encore, vous prenez une décision que je juge contre-productive et nuisible pour l’avenir de notre ville. Soyons clairs, je ne nie pas l’état préoccupant du parc immobilier millavois. Il est indéniable qu’il est urgent d’agir pour que les logements indignes disparaissent du marché locatif. Cependant, cette nouvelle mesure représente une menace sérieuse pour notre attractivité et pour le développement de Millau.
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Des effets pervers sur l’investissement immobilier
Premièrement, la concurrence entre les villes ne doit pas être sous-estimée. Chaque investisseur fait son choix en fonction de plusieurs critères, et la lourdeur administrative en est un essentiel. Avec l’instauration d’un permis de louer, Millau risque de se retrouver en décalage par rapport à d’autres communes où ces démarches n’existent pas, ou sont moins contraignantes. À l’heure où nous devrions encourager les investissements pour rénover notre centre ancien, cette initiative pourrait produire l’effet inverse : les investisseurs, désireux d’éviter des tracasseries administratives supplémentaires, iront vers des territoires plus accueillants, où l’environnement économique est plus favorable. Dans une région où l’attractivité est déjà un défi, ce type de mesure pourrait amplifier la fuite des capitaux.
Impact sur la qualité du parc immobilier
L’argument selon lequel le permis de louer garantit une amélioration immédiate de la qualité des logements ne tient pas. En réalité, le permis de louer ne s’attaque qu’à la conséquence, et non aux causes profondes du mal-logement. De nombreux propriétaires, déjà étouffés par des charges élevées telles que la taxe foncière, pourraient être découragés d’investir dans la rénovation si l’obtention du permis devient un frein supplémentaire. À Millau, la taxe foncière est, à mon sens, 15 % trop élevée, un obstacle déjà majeur pour ceux qui souhaiteraient entreprendre des travaux. Ajoutez à cela des démarches administratives supplémentaires, et vous obtenez un cocktail dissuasif pour ceux qui, pourtant, pourraient contribuer à l’amélioration du parc immobilier.
Une approche rigide sans prise en compte de la réalité locale
Le permis de louer semble être une mesure rigide, pensée de manière uniforme, sans considération pour les spécificités locales. Le parc social, dans son ensemble, n’est pas encore à la hauteur des exigences que cette mesure impose aux propriétaires privés. Comment justifier la mise en place de contraintes supplémentaires pour les propriétaires quand le logement social lui-même n’est pas irréprochable ? Avant d’introduire de nouvelles obligations, il aurait été plus sage d’attendre que les projets en cours de nos partenaires sociaux soient terminés. Le risque, ici, est de créer une fracture entre les propriétaires privés et les pouvoirs publics, en plaçant une pression supplémentaire sur les premiers, alors que les solutions d’accompagnement pour la réhabilitation sont largement sous-exploitées.
Des délais et une bureaucratie excessive
L’un des problèmes majeurs posés par le permis de louer réside dans les délais d’instruction et l’alourdissement des démarches administratives. Quel sera le temps nécessaire pour qu’un propriétaire obtienne ce fameux sésame ? Si des retards surviennent dans le traitement des demandes, cela pourrait entraîner des délais supplémentaires pour la mise sur le marché de biens rénovés. Par ailleurs, devra-t-il être demandé à chaque changement de locataire ? Ce genre d’incertitude crée un climat d’instabilité pour les investisseurs et décourage les initiatives privées. Là encore, plutôt que d’encourager les propriétaires à améliorer leurs logements, cette mesure pourrait devenir un véritable casse-tête administratif.
Des alternatives négligées
Ce qui est nécessaire aujourd’hui, c’est un accompagnement des propriétaires vers la réhabilitation et la mise en conformité des logements. Plutôt que de stigmatiser les propriétaires privés avec des mesures coercitives, pourquoi ne pas avoir mis en place un guichet unique pour guider ceux qui souhaitent rénover leurs biens, en leur facilitant l’accès aux aides financières disponibles ? Il existe déjà des dispositifs nationaux ou régionaux qui visent à améliorer les conditions de logement, mais ces mesures sont souvent méconnues ou trop complexes à solliciter. Un accompagnement de proximité, plutôt qu’une régulation supplémentaire, serait bien plus efficace pour inciter à la rénovation des logements et améliorer la qualité du parc immobilier.
Madame, nous ne partageons pas la même vision pour Millau. Vous semblez mener une bataille idéologique, guidée par des considérations dogmatiques, sans réelle conscience des implications économiques de vos choix. Vous prenez Millau dans une mauvaise direction, et il est urgent de le reconnaître.
Beaucoup de propriétaires et d’investisseurs ont déjà fait le choix de ne plus investir dans notre ville, accablés par une fiscalité écrasante. Maintenant, vous ajoutez un permis de louer. Quelle sera la prochaine étape ?
Je regrette sincèrement que l’économie semble être un domaine qui vous échappe. Pour le bien de Millau, je vous invite à reconsidérer cette mesure et à écouter les voix de ceux qui investissent encore dans notre ville et qui souhaitent participer à sa revitalisation, plutôt que de les décourager.
Respectueusement, »
Un citoyen préoccupé par l’avenir de Millau.
Ahmed Eddarraz
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