La Croix de la Place de Veyreau en fer forgé est référencée sous le nom de Croix Publique dans la section E1 du cadastre de 1924. Sur celle-ci se dresse un grand christ dont la couleur immaculée contraste avec celle de la croix aux élégantes volutes en fer travaillées, œuvre de nos maréchaux-ferrants, elle fait face à l’église.
La date de son érection n’apparaît ni dans le livre de Paroisse, ni dans les registres de fabrique. Nous connaissons son histoire grâce à la Revue religieuse de Rodez qui nous relate avec beaucoup de détail son inauguration qui eut lieu le dimanche 23 août 1885.
Nous reprenons ici dans son intégralité le texte publié dans cette revue : « La paroisse de Veyreau est souvent citée comme une paroisse modèle : la fête à laquelle nous venons d’assister prouve qu’elle mérite bien cette réputation. Au mois de novembre dernier, les RR.PP. Costes et Gély, Jean, de la maison de Vabres, avaient prêché une mission qui eut un plein succès. Pour en perpétuer le souvenir, les zélés missionnaires eurent la pensée d’ériger une croix monumentale sur la principale place du pays. La chose n’était pas sans difficulté. Sur le Causse Noir, la vie est dure ; ce n’est qu’à force de travail et d’économie que le propriétaire même riche peut suffire aux besoins de sa famille et assurer l’avenir de ses nombreux enfants ; d’ailleurs, depuis quelques années que de dépenses ! L’Église a été restaurée, agrandie, ornée avec magnificence ; sur la façade on a élevé un clocher élégant, dans lequel est bientôt venu prendre place un superbe carillon. Mais on peut tout attendre d’un peuple qui vit de la foi. Le projet est annoncé ; une souscription est ouverte ; fidèle à ses habitudes de générosité, le vénéré pasteur de la paroisse s’inscrit en tête de liste, et bientôt on est en mesure de commencer les travaux. Les Frères de Saint Joseph de Rodez dressent un plan magnifique. Le monument aura près de 9 mètres de haut, et il ne faudra pas moins de 2000 francs pour l’achever. Des ouvriers du pays préparent le piédestal, et M. Bardy, de Rodez, dont l’habileté est connue dans tout le diocèse, est chargé de la construction de la croix. Inutile de dire avec quelle impatience les habitants de Veyreau attendent le jour de l’inauguration. Il est enfin venu. Dès le matin du 23 août, toute la population est sur pied, on accourt en foule des paroisses voisines : jamais les anciens n’avaient vu un tel concours. Au milieu de cette foule, tous ont vite reconnu un homme « dont le nom est une gloire », M. de Bonald, que l’Église de Veyreau regarde comme un de ses principaux bienfaiteurs. Malgré la circonstance du dimanche, plus de vingt prêtres sont présents : plusieurs d’entre eux sont enfants de la paroisse ; d’autres sont venus de la Lozère ou du Gard, M. Fages, curé de Saint Sernin, qui pendant 22 ans a fécondé la paroisse de Veyreau de ses travaux et de ses sueurs, préside aux offices du matin. C’est à M.Balitrand, vicaire forain du district de Peyreleau que revient l’honneur de bénir la nouvelle croix. La cérémonie a lieu après vêpres. M.le curé, vaillamment secondé par les missionnaires, n’a rien négligé pour la rendre magnifique. Après une marche triomphale à travers les rues du village, l’image du sauveur est dressée sur son piédestal. Tous les cœurs sont attendris ; il suffit au P.Costes de dire quelques paroles pour faire couler des larmes. « On bannit la croix de nos grandes cités, de nos écoles, s’écrie-t-il, mais vous, habitants de Veyreau, vous lui élevez un trône, et ce trône, vous êtes prêts à la défendre jusqu’à la mort, vous ne permettrez jamais qu’une main sacrilège ose le renverser ». J’entends autour de moi des paysans répondre avec une énergie que je ne saurai décrire : « Malheur à qui touchera cette croix ! ». La bénédiction du très saint Sacrement couronne cette journée qui laisse un souvenir impérissable dans les cœurs de ceux qui en ont été les heureux témoins. (Revue religieuse de Rodez et de Mende du 28 août 1885).
La croix fut restaurée grâce à une souscription faite le 5 août 1951, et repeinte avec le concours de M. Noyrigat de Millau et de M. l’abbé Séverac.
Marc Parguel